Dans l’Inde rurale, la peur des tests et des vaccins entrave la lutte anti-Covid

Souvent quand Neelam Kumari, professionnelle de santé, frappe aux portes des villages en Inde, les habitants se sauvent par l’arrière de leur maison, terrifiés à l’idée qu’elle va vouloir les vacciner contre le Covid-19.

- Publicité -

Alors que la récente vague meurtrière se calme dans les villes, l’épidémie fait des ravages dans les campagnes minées par la pauvreté et dominées par l’ignorance et la peur.

« Beaucoup de gens dans mon village refusent le vaccin. Ils pensent qu’ils vont mourir si on les vaccine », dit Mme Kumari à l’AFP à Dhatrath, hameau de bâtiments à deux niveaux dans l’Etat de Haryana, où les buffles se promènent dans les rues. « Un des villageois était si furieux qu’il a tabassé un professionnel de santé qui tentait de le convaincre de se faire vacciner ».

Seulement 15% des habitants des zones rurales ont reçu jusqu’à présent au moins une injection, contre 30% en ville, alors que les deux tiers des cas répertoriés le sont dans les campagnes, selon une analyse du quotidien The Hindu.

– Fatalisme –

Les rumeurs vont bon train en ligne et sur les messageries telles que WhatsApp. La peur que la 5G propage le Covid-19 a conduit à une attaque d’une tour de téléphonie mobile dans l’Etat de Haryana.

« Les gens ne se présentent pas pour être testés, convaincus que le gouvernement va les déclarer contaminés par le Covid même s’ils ne le sont pas », explique à l’AFP Shoeb Ali, un médecin du village de Miyaganj dans l’Etat d’Uttar Pradesh (nord).

Cette crainte domine malgré la vue de corps jetés dans les cours d’eau et les centaines de sépultures peu profondes qui laissent deviner que le coronavirus sème la mort dans les zones rurales de l’Inde où vit 70% de la population d’1,3 milliard de personnes.

Dans le village de Nuran Khera, Etat de Haryana, on est réticent bien que nombre de foyers aient eu des cas de fièvre et en dépit des dizaines de morts constatées.

« Même après l’ouverture d’un centre de vaccination ici, personne n’est prêt à se faire piquer », raconte à l’AFP Rajesh Kumar, 45 ans qui habite le village. « Je ne me ferai pas vacciner car il y a beaucoup d’effets secondaires. Les gens se sentent mal après l’injection ».

Dans d’autres Etats, on rapporte que des gens se sont jetés dans des fleuves ou ont fui en forêt pour échapper aux équipes de soins mobiles.

« Que répondre à ceux qui vous disent +Si mon destin est de vivre, je vivrai, même sans le vaccin+? », s’interroge Hom Kumar, une professionnelle de santé du village de Bhatau Jamalpur en Uttar Pradesh.

Les lieux de soin sont éloignés les uns des autres et certaines personnes pensent aussi qu’il est plus dangereux de se rendre à l’hôpital public que de s’en tenir éloigné.

« Il y a des gens qui sont allés à l’hôpital et ne sont jamais revenus », dit à l’AFP un autre habitant de Nuran Khera, qui n’a donné que son prénom, Kuldip.

– Communiquer –

Le coronavirus a aussi durement frappé l’économie de l’Inde et les villageois sont souvent plus préoccupés de joindre les deux bouts, dit un responsable médical local Rajib Dasgupta.

« Il est très difficile d’expliquer l’intérêt du vaccin tant que certaines de ces situations de détresse ne sont pas éliminées », avance Rajib Dasgupta.

Les experts estiment que l’Inde devrait tirer les leçons de sa campagne de vaccination des enfants contre la poliomyélite dans les années 2000. Ce programme avait été un succès après que des dirigeants locaux respectés eurent convaincu les parents que le vaccin était sûr.

Navneet Singh, qui dirige le programme d’immunisation dans le district de Jind (Etat de Haryana) assure que la communication en tête-à-tête a permis d’administrer au moins une injection aux plus de 45 ans à Kalwa et dans les villages environnants.

Sheela Devi fait partie de ceux qui font du porte à porte pour tenter de convaincre, avec quelque succès. « Progressivement, on a pu les convaincre que même s’ils attrapent le coronavirus après avoir été vaccinés, ils n’auront pas besoin d’être hospitalisés. Ils pourront  pendre des médicaments et rentrer chez eux », dit cette femme de 45 ans.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -