Dominique Billon : « Aucune raison pour qu’il y ait une pénurie de ciment cette année »

Dominique Billon, directeur général de Kolos Cement Ltd, justifie la récente hausse du prix du ciment. Il affirme que celle-ci était inévitable en raison de l’appréciation du dollar et des retombées de la COVID-19. Dans l’interview qui suit, il trouve que 2019 a été une année record et que le marché a pu être approvisionné sans aucune rupture malgré les chantiers les plus importants tels que le Metro Express et le stade de Côte d’Or, entre autres. Pour 2020, il dit constater depuis plus d’une semaine une demande soutenue par rapport à la demande habituelle de la part de ses clients quincailliers ainsi que les opérateurs du BTP. Analysant le marché cette année, le directeur général de Kolos Cement Ltd pense que la croissance dans ce secteur dépendra de plusieurs facteurs car la consommation de ciment est en recul. Cependant, l’annonce de la construction de 12 000 logements sociaux « est une excellente nouvelle pour la compagnie ». Il souligne aussi qu’il n’y a aucune raison pour qu’il y ait une pénurie du ciment cette année, en l’absence d’événement exceptionnel tels que la Covid-19. « Que nos partenaires soient rassurés : nous continuerons à les approvisionner », dit-il.

- Publicité -

Comment se porte actuellement le marché de la construction ?

Nous avons connu une année exceptionnelle en 2019. Avant la pandémie, nous avions anticipé une contraction de 18%. En cumul à fin mai, la baisse de volume du marché du ciment était de l’ordre de 50% par rapport à l’année dernière. Aujourd’hui, en cumul à la fin de l’année, nous prévoyons une baisse de plus de 30% du marché du ciment, due principalement à l’arrêt des ventes entre le 20 mars et fin mai. La tendance observée durant les premières semaines après la fin du confinement et la reprise des activités tend à confirmer cette prévision.

En ce qui concerne l’approvisionnement du marché, nous avons constaté depuis plus d’une semaine une demande soutenue par rapport à la demande habituelle de la part de nos clients quincailliers ainsi que les opérateurs du BTP. Chez Kolos, nous sommes armés pour répondre à cette demande et nous confirmons qu’il n’y a pas de pénurie de notre part. Que nos partenaires soient rassurés : nous continuerons à les approvisionner.

Les annonces du gouvernement concernent uniquement les gros projets d’infrastructure publique, et elles ne devraient avoir un impact positif sur le marché qu’en 2021. Cependant, la confiance sera un élément clé pour que cette dynamique soit durable. En effet, les projets de construction de maisons individuelles, qui représentent une grande part du marché pour le ciment, joueront un rôle important pour maintenir la demande à un niveau suffisant.

Comment est-ce que Kolos a vécu la période de couvre-feu sanitaire ?

Nous avons instauré un protocole sanitaire avant même que le confinement ne soit déclaré. Ainsi, nous avons pu réagir de façon optimale. Par exemple, nous étions déjà en phase de test de télétravail le jour où le confinement a été annoncé par le gouvernement. Durant le confinement, nous sommes restés actifs, en particulier avec le déchargement du bateau arrivé au moment du confinement. Nous remercions d’ailleurs notre personnel dévoué qui a répondu présent.

Les équipes commerciales et administratives ont fonctionné en télétravail et ont abattu un énorme travail pour préparer le protocole de reprise. Nous avions comme seul objectif de garantir la sécurité de nos employés et de nos partenaires. Durant cette période, nous sommes restés aux côtés de nos employés en leur offrant des denrées alimentaires. Notre entreprise a également soutenu, avec la Fondation Gamma, plus de 600 familles dans le besoin à travers l’île. Chez Kolos, nos maîtres mots durant ce confinement ont été empathie et solidarité. Cette solidarité est toujours d’actualité car nous menons aujourd’hui deux campagnes de collecte de denrées alimentaires, l’une destinée aux familles de maçons et l’autre aux familles toujours en difficulté.

Pourquoi la nouvelle cargaison de ciment est frappée par une hausse de prix ? Est-ce qu’elle aurait pu être évitée ?

Non. Cette hausse était inévitable et nous avons tout fait pour qu’elle soit raisonnable. Depuis le début de cette année, y compris à la reprise juste après le couvre-feu sanitaire, aucune augmentation de prix n’a été appliquée. Malheureusement, une hausse devient maintenant inévitable pour plusieurs raisons. Le principal reste la dépréciation de la roupie face au dollar durant ces dernières semaines. Nous avons tout fait pour maintenir nos tarifs en absorbant les coûts additionnels durant toute cette période, et ce jusqu’à maintenant. Mais avec un dollar qui s’est apprécié de 10% depuis ces derniers mois, la situation devient difficile. De plus, les répercussions économiques de la crise sanitaire se font déjà sentir et nous n’avons pas d’autre choix que d’augmenter nos prix à compter du 15 juillet. Kolos, comme toutes les autres entreprises de ce pays, vit une situation sans précédent. Cependant, nous avons choisi de ne majorer nos prix que de 5% seulement afin de ne pas mettre plus de pression sur nos partenaires et les opérateurs qui doivent assurer la continuité de leurs projets.

Pensez-vous qu’il y a encore de la place pour un nouveau « player » à Maurice ?

Il faut garder en tête que nous vivons une période économique inédite. C’est assez difficile de répondre à cette question. Non pas que nous ayons peur de la concurrence. Kolos est un groupe solide qui a, depuis vingt ans, gagné la confiance des grandes institutions et des grands acteurs économiques de ce pays. Nous sommes également une marque populaire auprès des Mauriciens. Notre compétitivité restera toujours notre atout.

Pensez-vous qu’une pénurie de ciment pourrait se faire ressentir sur les grands chantiers à avenir ?

Non ! 2019 a été une année record et le marché a pu être approvisionné sans aucune rupture malgré les chantiers les plus importants tels que le métro, le stade de Côte-d’Or, entre autres. C’est un niveau qui ne sera pas égalé malgré les nouveaux chantiers pour les prochaines années. Il n’y a aucune raison, en l’absence d’événement exceptionnel tels que la COVID-19, que nous ayons une pénurie.

Nous notons depuis plus d’une semaine une croissance dans les ventes. Cette hausse s’explique par la demande du marché à Maurice et à Rodrigues. Kolos s’appuie, pour servir ces deux marchés, sur une gestion optimale du stock et sur notre capacité de stockage de 60kT. Rappelons que Kolos dispose du plus grand terminal cimentier de l’Océan Indien.

Le marché de la construction a été marqué par une décroissance ces dernières années. Pensez-vous que ce scénario est derrière nous maintenant ?

La construction pour les individuels dépendra de l’évolution économique. Si la population doit se serrer la ceinture, nous verrons une très forte chute de la construction individuelle qui pourra être ensuite partiellement compensée par les annonces du gouvernement pour la construction de logements sociaux. Le BTP qui lui est consacré aux gros chantiers a connu une croissance grâce à la volonté du gouvernement d’investir dans les projets d’infrastructures publiques en 2018-2019 comme le Métro Léger et le complexe de Côte d’Or, entre autres. De ce fait, la construction a connu deux très belles années en 2018 et 2019. Pour 2020, tout dépendra de plusieurs facteurs car la consommation de ciment est en recul. L’annonce de la construction de 12 000 logements sociaux est une excellente nouvelle. On espère que cela donnera une impulsion durable au secteur.

Êtes-vous d’accord avec l’adage qui stipule que lorsque construction va, tout va ?

Le poids direct et indirect de l’activité de construction dans une économie est énorme. De plus, il est le baromètre de la confiance des ménages en l’avenir. Quand on construit une maison, on achète aussi tous les équipements – électroménager, décor, jardinage, etc. Chaque construction génère indirectement une activité économique importante. Donc : oui, pour toutes ces raisons, quand le bâtiment va, tout va !

Pensez-vous que les Mauriciens construisent de moins en moins maintenant ? Et pourquoi ?
Juste avant le couvre-feu sanitaire, le marché était relativement stable et en légère croissance. Cependant, comme je l’ai dit plus haut, si nous faisons face à une crise économique, nous connaîtrons un ralentissement significatif.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -