Drogue et réhabilitation des ados : l’ARC fait enfin son entrée dans la bataille

Le premier centre de réhabilitation pour adolescents dépendants de drogues est opérationnel depuis le 20 août. La disponibilité d’un bâtiment dans l’enceinte de l’hôpital de Montagne Longue, rénové et mis en condition, a encouragé le ministère de la Santé à lancer ce projet qui s’avérait nécessaire dans un contexte où la drogue, principalement les substances synthétiques, ont atteint de nombreux jeunes. L’Adolescence Rehabilitation Center (ARC), qui dispose d’un dedicated nursing staff, dispense une réhabilitation psychosociale à ses accueillis et donne la possibilité aux scolarisés d’étudier durant leur séjour. L’ARC est placé sous la responsabilité du psychiatre Anil Jhugroo. Ce projet, qui a le mérite de combler une absence criante en matière d’encadrement, est appelé à se renforcer pour durer, indépendamment des gouvernements à venir.

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Leur admission au centre de réhabilitation pour adolescents de Montagne Longue est pour leur famille respective un signe d’espoir. Six jeunes âgés de 15 à 17 ans, dépendants principalement de drogue synthétique et de drogue dure, y sont actuellement en désintoxication et traitement médical. Pour leurs proches, ce tout premier centre du genre pour mineurs à Maurice est, sans aucun doute, l’ultime recours pour sauver ces jeunes garçons de la spirale infernale de la toxicomanie. Jusqu’à récemment, le pays n’était pas encore doté de structure, y compris résidentielle, apte à prendre en charge des mineurs usagers de drogues. Qui plus est, avec la progression fulgurante des drogues synthétiques depuis ces cinq dernières années, celles-ci ont attiré bon nombre de jeunes et continuent à faire des ravages auprès de ceux-ci, dont des moins de 15 ans.

Le personnel spécialisé dans l’encadrement médical des adolescents de l’ARC Jhugroo, est en rodage et
travaille sous les directives du Dr Anil Jhugroo (2e à gauche)

Mais faute de centre spécialisé, la réhabilitation des mineurs ne pouvait se faire. Et même s’ils franchissaient le seuil des organisations non-gouvernementales qui accompagnent des toxicomanes adultes, leur passage reste éphémère. L’arrivée de l’Adolescence Rehabilitation Center de Montagne Longue vient pallier cette absence d’encadrement. Même si pour le moment le centre, qui ne dispose que de 12 lits, a démarré son programme avec quatre jeunes accueillis et ne peut malheureusement offrir ses services à tous ces mineurs sous l’emprise de la drogue synthétique, celui-ci relève d’une initiative qui ne peut qu’être encouragée.

La famille un maillon essentiel

« Ils ont bien meilleure mine », constate le Dr Jhugroo en se dirigeant vers ses quatre patients. Ces derniers, regroupés à une table, sont occupés à lire des livres à caractère pédagogique. Cet exercice, nous explique le responsable de l’ARC, qui fait partie de leurs activités, a pour but de réactiver leurs capacités cognitives et stimuler leur connaissance générale. La lecture aurait été quasiment inenvisageable à la première semaine du programme. À ce stade, ils ont des difficultés à se concentrer, d’où une scolarisation perturbée pour deux des patients.

Les premiers jours, explique encore le psychiatre, sont consacrés principalement, aux traitements symptomatiques liés à la consommation de drogue et thérapeutiques. À la deuxième semaine, les jeunes rencontrent le psychologue et participent aux thérapies mises en place dans le cadre du programme. La thérapie familiale, un élément essentiel dans la réhabilitation, insiste le Dr Jhugroo, intervient à la troisième semaine. Les parents ont la responsabilité, dit-il, d’assurer le suivi de leurs enfants au moment de la réintégration familiale et sociale de ces derniers. Durant cette phase, les ONG qui collaborent avec l’ARC et qui lui ont envoyé les adolescents, accompagnent également ces derniers. Le suivi, assure le Dr Jhugroo, se fera sur une base régulière et dans la durée.

« À sa sortie au bout de quatre semaines de réhabilitation, nous rencontrerons l’adolescent soit au bureau de l’ONG, dans une des cinq Addictology Units, ou une des trois Harm Reduction Units de la Santé la plus proche de son domicile. Nous lui donnerons le choix du lieu de suivi pour qu’il se sente à l’aise », précise ce dernier. À la quatrième semaine de leur séjour, les jeunes patients sont préparés à leur sortie (post-discharge care) et à affronter l’extérieur. Mais dans l’éventualité où l’un des jeunes toxicomanes en réhabilitation n’est pas prêt à réintégrer la société, son séjour sera automatiquement prolongé. En cas de rechute, le patient a la possibilité de réintégrer le centre, après que celui-ci et ses partenaires ont analysé les causes de la récidive.

Football et rattrapage scolaire

Tout au long du programme, aucune sortie à l’extérieur n’est autorisée. Le calendrier du centre comprend donc des activités récréatives. D’ailleurs, c’est d’emblée que quatre des six garçons confient leur préférence pour le football, qu’ils pratiquent sur un terrain dans l’enceinte de l’établissement hospitalier. Ils ont également été initiés au yoga, et ce, tous les matins après le réveil à 6h. Ils ont droit à la télévision. Pour les deux adolescents scolarisés, ils retrouvent leurs manuels et notes chaque après-midi, de 16 à 18h. Le mois prochain, ils participeront aux examens de School Certificate de Cambridge. Le centre, concède son responsable, ne dispose pas encore des services d’un enseignant pour s’assurer du rattrapage scolaire. « Entre-temps, des infirmiers et moi-même, nous les soutenons dans leurs révisions. Pour ne pas couper les collégiens de leurs études, nous tenons à ce qu’ils apportent leurs manuels scolaires à leur admission », précise le Dr Jhugroo.

En apparence, l’ARC, loin d’être teen-friendly, est une aile classique d’hôpital avec ses lits en rangée. Sauf que le bâtiment, indépendant, fraîchement rénové dans le cadre de ce projet, affiche une propreté irréprochable et respire le neuf. Le centre dispose de son propre personnel, dont quatre infirmiers, quatre health care assistants, un médecin et un infirmier en chef. Les jeunes patients, assure le responsable du centre, sont encadrés 24h/24. Même s’il a une capacité d’accueil de 12 lits, l’ARC, explique le Dr Jhugroo, est en rodage et compte d’abord compléter son programme avec les premiers accueillis. Pourtant, les demandes pleuvent.

Le psychiatre précise aussi que l’ARC accueille de jeunes toxicomanes qui ont déjà été identifiés par les ONG avec lesquelles il collabore ou qui sollicitent les services du ministère de la Santé. Quant aux dépendants de drogue qui souffrent d’importants troubles psychiatriques résultant de leur addiction, ils sont automatiquement dirigés vers l’hôpital Brown-Séquard. L’ARC prend le relai lorsque les patients sont stabilisés. Le personnel de l’ARC, assure le Dr Jhugroo, a bénéficié d’une formation dispensée par celui-ci ainsi que des consultants étrangers, dont le bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime. Néanmoins, l’ARC, qui ne dispose pas encore d’un occupational therapist, reconnaît-il, doit renforcer ses ressources.

Ados en réhabilitation : « Pou bizin for dan latet »

Durant leur séjour à l’ARC de Montagne Longue, les quatre résidents rencontrés ont été complètement coupés de leur environnement familial. Ils reverront leurs proches au moment de la thérapie familiale, avant de réintégrer leur foyer respectif. « Au début, c’était dur de ne pas voir les parents », confient ces derniers. Se disant décidés à ne plus toucher à la drogue, ils concèdent que, pour appliquer cette décision, « pou bizin for dan latet. » Deux d’entres eux vont renouer avec la vie scolaire à leur sortie. L’un confie vouloir embrasser une carrière dans la police et l’autre travailler dans la comptabilité.

Les filles à Mahébourg

La drogue synthétique ne fait pas de ravages uniquement chez les jeunes garçons et les hommes ! Des adolescentes en sont aussi concernées, et la nécessité de leur pourvoir d’une prise en charge médicale et d’un accompagnement pour leur réhabilitation est un réel besoin, d’autant que les filles sont davantage vulnérables. Une dépendance en toxicomanie peut mener à la prostitution. L’Adolescence Rehabilitation Center de Montagne Longue n’accueille que des garçons, son personnel n’étant pas formé pour assurer la réhabilitation des filles. En revanche, c’est le cas pour le personnel médical qui est en poste au nouveau centre résidentiel de réhabilitation à l’hôpital de Mahébourg. Ce centre, qui est opérationnel depuis peu, accueille de jeunes hommes de 18 ans à monter. Dans un deuxième temps, le centre prévoit d’accueillir des jeunes filles toxicomanes, en alternance avec les garçons.

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