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Eau : La planète a soif (1re partie)

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Eau : La planète a soif (1re partie)
On a tendance à l'oublier : l'eau, précieuse et vitale, n'est pas renouvelable

Un comble : la planète bleue a soif. En réalité, il y a assez d’eau, mais pas toujours où l’on voudrait ni de bonne qualité. Chaque pays trouve donc sa solution, comme de construire des barrages, pomper dans les nappes souterraines, recycler l’eau, dessaler l’eau de mer et même… récupérer le brouillard. Voici la première partie de ce dossier consacré à cet inestimable or bleu, que l’on croit éternel.

La planète bleue est recouverte à 70% d’eau. Pourtant, paradoxalement, pas moins de 1,4 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable dans le monde. Raison : la grande majorité de l’eau est salée. L’eau douce ne représente en effet que 3% du volume d’eau global. Et sur ces 3%, les deux tiers sont immobilisés sous forme de glaciers ou de glaces polaires. Bref, il ne reste que 0,01% d’eau douce disponible.

Ces 135,000 km cubes de ressources devraient pourtant, en théorie, suffire à couvrir les besoins de nos sept milliards d’habitants. Mais voilà : leur répartition inégale et la pression accrue de la démographie conduisent à une sécheresse parfois dramatique. Il est ainsi un fait que l’on assiste à l’épuisement de nos eaux souterraines.

Après les eaux de surface, on s’est donc mis à puiser dans les nappes phréatiques. En Chine, le niveau de certains aquifères a ainsi chuté de plus de 50 mètres en 40 ans. À Mexico, le pompage d’eau souterraine dépasse la régénération de 50 à 80%, provoquant au passage un effondrement du sous-sol. Résultat : il faut aller chercher l’eau toujours plus loin et toujours plus profond. À Alger et Casablanca, le rayon d’alimentation en eau potable atteint déjà les 200 km. À Amman, en Jordanie, l’eau est pompée dans une nappe fossile à plus de 1,200 mètres de profondeur. En Inde, on creuse chaque année un million de puits supplémentaires par an, alors que le niveau des nappes phréatiques baisse déjà de 2 à 3 mètres par an.

Ressource non renouvelable.

Le problème de l’eau est aussi qu’elle devient dans certains cas une ressource non renouvelable. L’agriculture, qui consomme 70% de l’eau prélevée, est à ce titre montrée du doigt. Dans le Midwest américain, par exemple, 200,000 puits ont été creusés pour irriguer trois millions d’hectares. La nappe d’Ogallala, qui s’étend du Dakota du Sud jusqu’au Texas (soit une superficie équivalente à la France), se vide ainsi huit fois plus vite qu’elle ne se remplit.

Mais les agriculteurs sont aussi les victimes de la raréfaction de l’eau. D’après l’International Water Management Institute, 25% des cultures mondiales de céréales seraient menacées à court terme par un épuisement des eaux souterraines. “Si l’exploitation des nappes se poursuit au même rythme, de grands pans de l’économie rurale pourraient disparaître en une génération”, prévient Christopher Ward, de la Banque mondiale.

Il faut savoir que l’Onu considère une région en “stress hydrique” quand ses ressources naturelles en eau sont inférieures à 1,700 mètres cubes par an et par personne. Les pays les plus menacés sont ceux du golfe arabique. Le Koweït dispose ainsi de moins de 10 mètres cubes d’eau/personne/an, les Émirats Arabes Unis, de 58.

Le « lac » Poyang en Chine, complètement asséché

Le développement économique et le régime alimentaire influent fortement sur la consommation. Ainsi, un Américain consomme 600 litres d’eau par jour, contre 200 à 400 litres pour un Européen et moins de dix litres pour un Africain. En 2025, 48% de la population mondiale devrait habiter dans des régions de stress hydrique, selon le World Resources Institute.

Pollution accrue.

Les problèmes liés à l’eau ne sont pas seulement quantitatifs. Sa qualité se dégrade en effet aussi, malgré les améliorations de traitement. Selon une étude publiée l’an dernier, 50 à 75% des eaux françaises seraient ainsi dégradées. Jean-Claude Lefeuvre, qui a coordonné le rapport, estime même que “le bilan officiel est loin de refléter la réalité, car il ne prend pas en compte les nombreux polluants émergents et les polluants d’origine microbiologique”. Inutile de dire que le constat, à Maurice, doit être tout aussi accablant, si ce n’est plus, à la différence que dans notre pays, aucune étude à ce propos n’a réellement été entreprise, rendant ainsi difficile d’évaluer l’impact de la pollution dans nos rivières et autres sources d’eau douce.

Les polluants sont en tout cas multiples. Les produits pharmaceutiques, comme les œstrogènes ou les antibiotiques, se retrouvent par exemple dans l’eau par le biais des urines et des effluents hospitaliers, et perturbent le développement et la reproduction de la faune aquatique. Idem pour les phtalates (présents dans les plastiques), les retardateurs de flamme bromés, les dioxines (issues de la combustion) et les micro-algues toxiques.

Paradoxalement, les efforts sont souvent contre-productifs. Ainsi, il faut savoir qu’en remplaçant les fosses septiques par le tout-à-l’égout, on réduit certes le risque de pollution des nappes phréatiques, mais on pollue davantage les eaux de surface. Les industries, devenues beaucoup plus économes en eau poussées par des contraintes économiques et écologiques, rejettent du coup des effluents de plus en plus concentrés. “Le recyclage de l’eau enrichit souvent les effluents en polluants difficiles à dégrader”, explique Sylvie Fleury, responsable industries à la Saur, en France.

L’eutrophisation, due à un emploi excessif d’engrais, est en outre devenue préoccupante. L’azote, le phosphore et les nitrates entraînés par le ruissellement favorisent la prolifération d’algues, qui “pompent” tout l’oxygène de l’eau et asphyxient les autres formes de vie. Aux États-Unis, les polluants drainés par le Mississippi ont créé une “zone morte” à son débouché, dans le golfe du Mexique : crevettes et coquillages ont complètement disparu.

Les nappes souterraines sont elles aussi en voie de dégradation, d’autant plus qu’elles sont surexploitées. Les décharges et l’épandage d’engrais favorisent l’infiltration de substances polluantes. D’ici à 2025, les rejets de polluants devraient quadrupler dans le monde. Sans compter que l’eau est parfois “naturellement” polluée. Au Bangladesh, par exemple, plus de 4 millions de puits seraient contaminés par de l’arsenic provenant des sous-couches géologiques. Bien entendu, des solutions existent, comme les barrages, mais est-ce vraiment aussi bénéfique que cela. C’est ce que nous verrons la semaine prochaine.