Dr Drishtysingh Ramdenee, secrétaire général de la MCCI — «Compensation salariale : Les secteurs fragiles doivent être soutenus  »

Dans un entretien accordé à Le-Mauricien, Drishtysingh Ramdenee, secrétaire général de la Chambre du Commerce et d’Industrie ( MCCI), met en lumière les efforts de l’organisation pour soutenir les entreprises mauriciennes, en particulier les PME, face aux défis économiques actuels. Il aborde l’impact des compensations salariales sur les secteurs fragiles, le rôle de la MCCI dans l’amélioration de la compétitivité, et les initiatives pour les secteurs émergents.
« La compensation salariale à Rs 635 pour les employés gagnant jusqu’à Rs 50 000 augmente les coûts pour des secteurs fragiles comme la fabrication et l’exportation. Le MCCI insiste sur la nécessité d’ajustements contractuels et d’améliorations de productivité pour absorber ces coûts », affirme-t-il. Drishtysingh Ramdenee Ramdenee souligne également l’importance des programmes de soutien comme le Xport Accelerator et les avantages de l’adhésion pour les PME, tout en présentant les priorités stratégiques de la MCCI pour 2024-26. « La vraie constance réside dans la capacité d’adaptation », dit-il.

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Le gouvernement a annoncé la compensation salariale à Rs 635 pour les employés touchant jusqu’à Rs 50 000. Que cela signifie-t-il pour les entreprises ?
Plusieurs entreprises dans des secteurs tels que le Manufacturing, les BPO, l’exportation et le commerce sont fragilisées. Il serait important que cette augmentation de charge soit prise en compte pour les entreprises en difficultés et que les contrats fixes soient revus pour intégrer ces charges supplémentaires, particulièrement avec les paliers sur les marges actuellement en place.
Une dynamique ouverte et l’augmentation de la productivité , notamment avec des permis accessibles, l’efficience de la logistique, l’accès à la main d’œuvre, parmi d’autres, sont essentiels pour permettre aux entreprises d’absorber ces coûts.
Depuis votre nomination en 2023, vous avez mentionné des piliers comme la productivité et la compétitivité opérationnelle. Quelles sont les deux ou trois actions concrètes que la MCCI a menées qui ont eu l’impact le plus mesurable sur la compétitivité des entreprises mauriciennes ?
Le rôle institutionnel de la MCCI se décline en plusieurs fonctions pour appuyer nos membres : données pertinentes, représentations sectorielles et création d’opportunités d’affaires.
Au niveau des données, nos équipes sont disponibles en tout temps pour répondre et guider sur diverses questions liées au business – quelques exemples : l’information sur divers pays en termes de commerce et investissement, guide sur les lois et amendements, obtention de permis, entre autres. Nous nous sommes aussi focalisés sur des papiers plus approfondis comme Export Insights, des papiers sectoriels et par pays qui fournissent à nos membres des informations tangibles pour une meilleure prise de décision.
En termes de représentation, la Chambre est une fourmi ouvrière. Il faut savoir que la MCCI est l’institution privée avec le plus grand nombre de personnel. Au niveau de notre siège social nous comptons environ 35 personnes, avec des liens forts avec nos Business Units et entreprises d’investissement.
Nous travaillons sur autant de sujets stratégiques que de dossiers opérationnels touchant directement nos membres. Quelques exemples de dossiers stratégiques sont l’Intelligence Artificielle, l’économie bleue, la pêche, le secteur financier – notant qu’avec la Mauritius Bar Association et le Mediation Arbitration Center (Mauritius) Ltd (MARC), nous avons organisé une conférence sur le secteur financier.
Les dossiers opérationnels incluent le Price Control, le plastique, l’Extended Product Responsibility (EPR), les Food Regulations, le port, la facilitation d’interaction avec les certificats d’origine, et bien d’autres. Notre mémoire budgétaire de cette année comptait quelque 200 mesures.
Le support à la croissance notamment pour les PME constitue un axe majeur. Un exemple est Xport Accelerator, lancé en partenariat avec le PNUD en septembre 2024. La première cohorte a accompagné 18 PME à travers un diagnostic approfondi mené par les experts d’EY-Parthenon. Cette année, 20 PME bénéficient d’un accompagnement personnalisé couvrant plus de 10 secteurs d’activités, avec un soutien financier ciblé pour la certification, le marketing et la visibilité internationale.

Vous avez participé à l’élaboration de nouveaux piliers comme la Fintech et la nutraceutique. Quel soutien spécifique la Chambre fournit-elle aujourd’hui aux entreprises opérantes ou souhaitant se lancer dans ces secteurs pour accélérer leur croissance ?
Effectivement dans mon emploi précédent j’ai eu l’occasion de participer à la mise en œuvre des plans d’action de la Fintech et de la nutraceutique.
Aujourd’hui, les opportunités sont encore plus larges – parlons notamment des industries niches liées au secteur financier comme la Ship Registration, la biotechnologie, l’économie bleue, le secteur du digital, entre autres.
La MCCI a mis en place plusieurs comités notamment le comité sur les secteurs émergents. Ce comité œuvre pour délivrer des rapports, des partages d’information et la structuration de plaidoyer afin de définir des plans de développement pour ces secteurs en lien avec les impératifs du public et du privé. Nous avons déjà travaillé sur plusieurs rapports qui ont été soumis aux autorités. Ces plateformes permettent aux opérateurs d’échanger sur les défis spécifiques à leur industrie – stratégie sectorielle, support gouvernemental, exportation de services.
Nous nous attelons aussi à pousser les échanges dans ces domaines au niveau régional – concrètement par exemple nous présidons le comité de la COMESA sur les technologies et nous appuyons Cap Business Ocean Indien (la MCCI étant membre fondateur) pour développer plusieurs projets concrets dans la région notamment sur les questions d’économie bleue, la biotechnologie marine, l’écoconstruction, la biodiversité, entre autres.
L’accès aux standards internationaux passe principalement par GS1 Mauritius, créé en 1994, qui compte plus de 3 000 entreprises dont 83% de PME. Ce langage commun facilite la communication sur la scène mondiale.
Le travail porte aussi sur les initiatives transversales essentielles : disponibilité de main-d’œuvre qualifiée, digitalisation des opérations, amélioration de la connectivité digitale, portuaire et aérienne. Le plaidoyer vise à créer un environnement propice à l’innovation dans ces secteurs à haute valeur ajoutée.
La diplomatie économique joue également un rôle crucial. Le réseau international étendu d’organisations représentant les intérêts du secteur privé facilite les connexions qui ouvrent des portes dans ces secteurs spécialisés.
Vous avez déclaré que la MCCI s’engage à être un véritable One-Stop Shop’ pour les PME. Concrètement, comment se traduit cette promesse aujourd’hui ?
Concrètement, cela passe par l’Advocacy, le Networking et l’accès aux marchés. L’Advocacy : nos comités et commissions – commission commerce, commission industrie, commission services, comité inclusivité, comité nouveaux secteurs, comité internationalisation, comité Outward Investment et comité Business Facilitation – se sont réunis durant l’année écoulée pour traiter des dossiers variés en lien avec les intérêts et besoins des entreprises notamment les PME : EPR, nouvelles taxes, Sugar Tax, Food Regulations, restriction sur l’usage du plastique, VAT sur les produits électroniques, contrôle des prix, mark-ups, IP, parmi d’autres. Plusieurs mémorandums et Position Papers ont été transmis aux ministères concernés pour porter la position du secteur privé.
Le Networking et la connexion entre entreprises passent par les commissions sectorielles, les événements thématiques, et les rencontres avec des délégations internationales. L’innovation se matérialise à travers les outils digitaux développés – DPI, DocuCheck, Track2Asset ou encore l’application MCCI Tax Refund. Mais aussi et surtout, la résolution de problèmes concrets : quand une PME fait face à un blocage administratif, à une incompréhension réglementaire, ou à une difficulté d’accès à un marché, la MCCI intervient pour aider le membre à entrer en contact avec le ministère concerné.
L’accès aux marchés : au-delà de Xport Accelerator, les missions commerciales et rencontres avec des délégations internationales créent des opportunités concrètes. GS1 Mauritius facilite l’accès aux standards internationaux pour plus de 3000 entreprises dont 83% de PME.
Le programme Xport Accelerator, mené avec le PNUD, est une initiative louable. Quel est le bilan chiffré de ce programme en termes de nouvelles exportations ou de nouveaux marchés ouverts pour les PME participantes ?
Le programme a démarré en septembre 2024 avec 18 PME mauriciennes issues de secteurs diversifiés : agro-industrie, textile, technologies émergentes, marketing et communications, énergie renouvelable.
Ont suivi des sessions de coaching individuelles menées par des experts. Chaque entreprise a bénéficié d’un diagnostic approfondi évaluant forces et faiblesses, suivi d’un accompagnement personnalisé et d’ateliers techniques sur les stratégies d’exportation, la logistique, le branding, le marketing digital et les outils de financement.
L’édition 2025, lancée le 15 octobre, accompagne 20 PME – 5 entreprises poursuivant leur parcours, rejointes par 15 nouvelles. La diversité sectorielle s’est élargie avec plus de 10 secteurs représentés, incluant les services financiers numériques.
Il est encore tôt pour donner des chiffres d’exportation précis, mais les résultats sont encourageants : plusieurs entreprises ont décroché de nouveaux contrats, développé leurs réseaux régionaux et exploré des partenariats commerciaux.
Le programme a considérablement amélioré les connaissances en matière d’exportation et la maturité stratégique, positionnant les participants pour une croissance durable sur le marché africain de plus de 1,2 milliard de consommateurs répartis dans 54 pays.

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En fin de compte, pourquoi une entreprise, notamment une PME, doit-elle absolument être membre de la Chambre de Commerce aujourd’hui ?
Je vous remercie pour cette question. Pour les PME, il s’agit d’aide à la représentation, de montée en compétitivité, en compétences, d’aide à la diversification – c’est ce que nous offrons.
Nos comités, nos événements garantissent une montée en connaissances mais aussi la possibilité de maillage au niveau national et international. Nos rapports, nos données et nos représentations aident les PME à mieux s’adapter au cadre réglementaire et quand possible de demander des amendements.
Les PME représentent plus de 275 000 emplois à Maurice – près de la moitié de la main-d’œuvre nationale – et contribuent Rs 195 milliards à la Gross Value Added du pays, soit une croissance de 23% depuis 2018. L’adhésion à la MCCI ajoute sa voix à celle de milliers d’autres pour former cette Private Sector Voice entendue dans les salles où se décident les politiques économiques, les réglementations commerciales et les stratégies de développement.
S’ajoute à cela 175 ans d’expertise institutionnelle et un réseau international établi avec des chambres de commerce et organisations du secteur privé à travers le monde.
Le Networking aide aussi les PME à se connecter entre elles, pas seulement avec le gouvernement. Le gala anniversaire a réuni plus de 300 leaders d’opinion. Les Midi-Conférences thématiques et missions commerciales créent des plateformes d’échange. Les rencontres avec des délégations internationales et les forums sectoriels permettent de rester informé des tendances et opportunités.
Être membre c’est avoir le soutien de toute une institution et un réseau national et international pour mieux naviguer un environnement économique complexe.

Quels sont les grands dossiers nationaux dans lesquels la MCCI a été appelée à apporter sa contribution ? Et quel est le rôle irremplaçable que vous jouez pour le secteur que les entreprises ne pourraient pas assumer elles-mêmes ?
Plusieurs priorités structurent notre action : infrastructure, amendements réglementaires, diversification économique, diplomatie économique, inclusivité, innovation.
Quand nous prenons position sur un dossier – réglementations plastiques, contrôle des prix, Food Regulations, accès à la main d’œuvre, Cost of Doing Business, logistique ou l’IP – nous le faisons sur la base de consultations larges, des analyses sectorielles, et une représentation équilibrée.
Nous travaillons sur des dossiers qui nous permettent d’équilibrer le débat et apporter un positionnement du privé visant le progrès économique. Cette légitimité porte la visibilité et la voix des entreprises de manière forte et structurée.
Nous fournissons des données élargies, des études de tendance, facilitons l’internationalisation, l’accès aux nouveaux marchés, le networking, et le déploiement technologique.
Prenons l’exemple des réglementations plastiques depuis 2020 : après plusieurs consultations sur les implications commerciales, nos représentations ont abouti à des amendements tenant compte des défis soulevés.
L’engagement porte aussi sur le développement portuaire et la modernisation des infrastructures, les négociations pour le renouvellement de l’AGOA – accord crucial pour les exportations textiles vers les États-Unis expirant en 2025 – et la diplomatie économique pour développer de nouveaux marchés, notamment sur le continent africain.
Les consultations pré-budgétaires annuelles nous ont permis de soumettre des mémorandums et positions sur les priorités économiques. Nous avons également eu des prises de position post-budgétaires.
En 2025, les axes principaux portaient sur la connectivité digitale, portuaire et aérienne, la consolidation de l’industrie, l’export de biens et services, l’accentuation de la diplomatie économique vers de nouveaux marchés, et surtout l’amélioration de l’Ease of Doing Business et du Cost of Doing Business – notamment par un retour à une dynamique d’ouverture de l’offre et de la demande, et une compétition saine, pour donner plus de prédictibilité aux entreprises.
Les dirigeants d’entreprises changent, les priorités évoluent, les cycles économiques passent. La MCCI maintient une continuité institutionnelle qui permet de suivre les dossiers sur le long terme, de comprendre les contextes historiques des décisions, de maintenir des relations avec les autorités à travers les changements de gouvernement. Nous traduisons les préoccupations opérationnelles des entreprises en analyses d’impact économique.
Dans un environnement économique de plus en plus rapide et globalisé, quelle est la pertinence actuelle et future d’une Chambre de Commerce ?
La pertinence d’une Chambre de Commerce se mesure à sa capacité d’évoluer avec les besoins de l’économie qu’elle sert. Avec 175 ans d’existence, la plus ancienne Chambre de Commerce de l’hémisphère Sud, la MCCI a démontré cette capacité d’adaptation à travers les crises successives : de la mono-culture sucrière à la diversification économique, des crises sanitaires aux transformations technologiques.
Une entreprise seule, particulièrement une PME, n’a ni le temps, ni les ressources, ni le poids pour se faire entendre. La MCCI rassemble ces voix et les achemine vers les autorités. Les commissions et comités techniques permettent une remontée structurée des préoccupations sectorielles, et les représentations auprès des ministères et agences portent le poids de la légitimité collective.
La globalisation multiplie les complexités – standards, certifications, réglementations étrangères. À travers nos outils et notre réseau international, nous guidons nos membres. Une PME mauricienne qui veut exporter vers l’Afrique ou se conformer aux exigences du marché européen a besoin d’un guide institutionnel ayant déjà tracé ces chemins.
À travers Xport Accelerator, les outils digitaux, le réseau international avec des chambres de commerce à travers le monde, et 175 ans d’expérience dans la facilitation commerciale, la MCCI continue d’accompagner ses membres.
Anticiper plutôt que réagir a toujours guidé notre action. De la standardisation du sucre en 1907 à nos outils digitaux préparant les exportateurs aux exigences européennes de 2026. En effet, la standardisation de la qualité du sucre a donné un avantage compétitif aux exportations. L’introduction des standards EAN (qui deviendront GS1) en 1994, avant l’ouverture du premier hypermarché, a positionné Maurice à l’avant-garde.
Le lancement de l’application Tax Refund, des outils numériques, les travaux actuels sur le DPI pour préparer les exportateurs aux exigences européennes de 2026, ou encore l’ouverture de la première institution d’enseignement supérieur privée à Maurice, la MCCI Business School – tout cela témoigne de la capacité à voir venir les transformations et à préparer les membres en avance.
Ce besoin d’une institution alliant expertise locale et réseau international n’a jamais été aussi crucial.
Quelle nouvelle feuille de route la MCCI mettra-t-elle en place pour se préparer aux défis d’avenir ?
Le Strategic Plan 2024-26, actuellement en phase finale de préparation, marque un tournant.
La proximité devient centrale. Aujourd’hui plus que jamais, dans un contexte local et international changeant et complexe, les entreprises doivent se regrouper pour mieux saisir les opportunités et amortir les chocs. Nous allons renforcer notre Advocacy et avoir des Surveys réguliers pour structurer nos activités en fonction des besoins précis de nos membres.
L’objectif est de passer d’une relation transactionnelle à un véritable partenariat stratégique avec chaque membre. La campagne de visibilité suite au gala anniversaire d’août 2025 et la série vidéo MCCI Amplify qui sera lancée prochainement – où les membres viennent présenter leurs activités et témoigner des bénéfices de leur adhésion – illustrent cette volonté de proximité.
Nous renforçons aussi notre pertinence globale via les MOU internationaux et Joint Business Councils, avec une priorité sur l’Afrique.
La production de données économiques fiables reste essentielle. Export Insights, dont l’édition 2025 sera publiée incessamment, ou encore nos analyses, fournissent aux entreprises les informations nécessaires pour prendre leurs décisions.
C’est dans cette logique d’anticipation que l’initiative A Piece of Paradise se développe, et qu’un comité de réindustrialisation se met en place, focalisé sur la réingénierie et la diversification des business models des membres.
Pour 2026, nos priorités reste la mise ne place d’un Regulatory Impact Assessment Framework, la consolidation de la logistique et connectivité, la fluidité d’accès à la main-d’œuvre et aux permis.
Le comité de réindustrialisation soutiendra des initiatives concrètes de business re-engineering et de diversification, tout en plaidant pour des mesures réglementaires, financières et fiscales augmentant la continuité du secteur manufacturier. La diplomatie économique renforcée capitalise sur les MOUs et Joint Business Councils pour rendre les accords de libre-échange plus opérationnels.
L’attention particulière portée au Ease of Doing Business et Cost of Doing Business vise un retour à une dynamique d’ouverture de l’offre et de la demande, une compétition saine, et l’élimination des structures de mark-up pour donner plus de prédictibilité aux entreprises.
Cette feuille de route sera revue régulièrement par le conseil d’administration pour assurer l’agilité face aux évolutions de l’environnement économique. Après 175 ans, une leçon demeure : la vraie constance réside dans la capacité d’adaptation.

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