En toute urgence et en fin de semaine écoulée, le Monetary Policy Committee (MPC) de la Banque de Maurice s’est réuni pour avaliser une nouvelle révision à la hausse du Key Repo Rate (KRR).
Le quantum est de 100 points, soit l’un des plus conséquents de ces dernières années, car il faudra remonter à au moins cinq ans, soit en 2017, pour un taux directeur bancaire de 4%. L’autre fait à retenir est qu’en l’espace de moins d’une année, cet indicateur des opérations bancaires a été ajusté à plus que du double, passant de 1,85% à 4%.
De ce fait, il faudra s’attendre à voir dès le début de la semaine les banques annoncer de nouveaux barèmes de taux d’intérêt imposés sur les produits offerts aux clients. Cet ajustement des taux d’intérêt n’affectera pas seulement les ménages, ou encore les Corporate Customers des banques commerciales. Le taux de rémunération des bonds en vue d’assurer le financement des dépenses publiques devra évoluer en parallèle, d’autant qu’en six mois, soit de mars à septembre de cette année, les Government Securities for Meeting Borrowing Requirement ont connu une augmentation de Rs 29 milliards pour atteindre Rs 340,6 milliards, représentant 74% de la montagne de la dette publique de Rs 460,5 milliards au 30 septembre dernier.
Cet ajustement abrupt et élevé du Key Repo Rate semble ne pas être la fin de l’histoire compte tenu de la persistance de l’inflation, qui s’installe désormais en double-digit territory, avec au moins un 10,4% annoncée pour la fin de cette année. Commentant dans la dernière édition de MCBFocus, publiée en fin de journée vendredi, la décision de la dernière réunion sans point de presse du Monetary Policy Committee, le Chief Strategy Officer du MCBGroup, Gilbert Gnany, anticipe de nouveaux ajustements. “There could be further monetary policy tightening locally, although the negative output gap in relation pre-pandemic level and the highly uncertain outlook would warrant scrutiny”, fait-il comprendre.
À la fin de septembre, l’endettement des ménages s’était accru de Rs 18 milliards en une année, passant de Rs 122,7 milliards en 2021 à Rs 140,8 milliards. Un ajustement de 100 points sur le Key Repo Rate et sa traduction sur les taux d’intérêt à l’emprunt pratiqués par les banques suscitent des préoccupations. Analysant les dernières tendances à ce chapitre, le dernier Financial Stability Report de la Banque de Maurice, notant qu’à la fin de l’année dernière le taux de la Household Credit Expansion était de l’ordre de 8%, concède que “the low interest rate environment and confidence in economic prospects were conducive to housing expansion”. À la fin de septembre dernier, les facilités bancaires accordées pour les besoins résidentiels s’approchaient de la barre des Rs 100 milliards, soit Rs 98 milliards, contre Rs 82 milliards en septembre de l’année dernière.
Toujours à ce même chapitre, le Financial Stability Report pour la période se terminant au 30 juin dernier note que “the proportion of household debt service relative to income earned reached 17,2% as at end-December 2021, a 0,2 percentage point increase from the previous quarter”. Avec la majoration du Key Repo Rate de 215 points depuis le début de cette année, cet indicateur de dépenses devra encore s’alourdir dorénavant avec la Banque de Maurice tirant la sonnette d’alarme contre des risques potentiels.
“Interest rate hikes, aiming to bring down inflation over the medium term by anchoring inflation expectations, are expected to increase the debt servicing burden of households, especially those who have borrowed at high DTI ratios. The debt servicing capacity of the household sector was not a major threat to financial stability in the last quarter of 2021. Going forward, however, those households that are more vulnerable financially may face strains with interest rate increases and high inflation that would adversely impact their cost of living”, prévenait la Banque de Maurice bien avant la dernière hausse du taux directeur bancaire.
Endettement national
Contrairement au front des ménages, avec la consommation comme moteur de la croissance de ces derniers temps, le corporate exposure auprès des banques commerciales a été en berne, avec notamment les interventions de la Mauritius Investment Corporation (MIC) dans le cadre du Bank of Mauritius Covid-19 Support Programme. “As a result of these developments, Corporate Sector Credit contracted at annual rate of 1,8% as at end-December 2021. This trend was sustained in the first quarter of 2022”, souligne la Banque Centrale, qui trouve que “the risk to financial stability posed by the tapering pandemic support measures to the corporate sector appeared to remain well contained”.
À la fin de septembre, le relevé des emprunts bancaires de Rs 367,3 milliards, excluant le global business sector, se répartissait principalement comme suit :
Ménages : Rs 140,8 milliards, dont Rs 98 milliards pour les constructions résidentielles
Hospitality Sector : Rs 48,6 milliards
Commerce (gros et détail) : Rs 26,5 milliards
Immobilier et foncier : Rs 20,6 milliards
Manufacture : Rs 19,6 milliards
Construction : Rs 17,5 milliards
Agriculture : Rs 12,7 milliards.
Aux Rs 367 milliards de facilités accordées par les banques au titre des crédits au secteur privé vient se greffer le montant de Rs 460,5 milliards de la Public Sector Debt (Gross), représentant 85,2% du Produit intérieur brut (PIB) au 30 septembre dernier, contre 87,6% à la fin de mars dernier. Ainsi, la dette publique contractée par le gouvernement a progressé de Rs 24 milliards en l’espace de ces six derniers mois.
Ainsi, la plus grosse part de l’endettement national se situe sur le plan local, avec Rs 340,6 milliards de government securities, en hausse de Rs 29 milliards toujours en six mois. Avec le dernier ajustement du Key Repo Rate, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, devra prévoir des allocations supplémentaires pour assurer le servicing de ces Rs 350,6 milliards de securities émises par la Banque de Maurice, dont
Rs 142,9 milliards de Long Term Bonds
Rs 98 milliards de Five-Year GoM Bonds
Rs 55,7 milliards de Treasury Notes et
Rs 43,1 milliards Treasury Notes et autres facilités à court terme.
À l’inverse de la dette locale ou encore de celle des entités parapubliques, la Budgetary Central Government External Debt est en régression, passant de Rs 88,6 milliards en mars dernier à Rs 75,9 milliards à la fin de septembre. Par contre, l’endettement des corps paraétatiques a progressé à grands pas pour se rapprocher des Rs 60 milliards contre Rs 46,1 milliards il y a six mois.
STC : inquiétude
Les dernières données publiées par nulle autre autorité que le ministère des Finances indiquent que cet aspect de la dette locale a presque doublé, passant de Rs 11,2 milliards en mars dernier à Rs 21,7 milliards au 30 septembre. À ce stade, la principale inquiétude demeure au niveau de l’état financier de la State Trading Corporation (STC), dont les fonds ont été littéralement dilapidés avec les Covid-19 Procurements de l’ère du tandem Sawmynaden-Ramasamy en 2020.
À la fin de septembre, la STC avait eu recours à des emprunts non-garantis par le gouvernement pour un montant d’un peu plus de Rs 10 milliards, soit Rs 8 milliards de plus en six mois. Le ministre du Commerce, Soodesh Callichurn, qui se trouve emmêlé avec le scandale de l’importation de ti-papie interdit, n’a pas enore été acculé à l’Assemblée nationale pour fournir des explications sur la gestion financière de cet organisme d’État chargé d’assurer l’approvisionnement stratégique du pays.
À cette même table, la National Property Fund Ltd est endettée à hauteur de Rs milliards avec la garantie du gouvernement, la Banque de Développement : Rs 3,8 milliards sans garantie aucune, Airport Terminal Operations Ltd : Rs 3,2 milliards sans garantie, MauBank Holdings Ltd : Rs 3,1 milliards avec garantie ou encore la State Investment Corporation et le Sugar Investment Trust avec Rs 1 milliard chacune et d’autres organismes parapublics ne faisant pas partie du club select des endettés à plus de Rs 1 milliard sur le plan local.
La dette libellée en devises étrangères des corps paraétatiques se monte à Rs 29 milliards, dont la moitié au guichet de la SBM (Mauritius) Infrastructure Development Company Ltd (Rs 14 milliards) pour le financement de projets engagés conjointement avec l’Inde. Quatre autres sociétés parapubliques, soit MauBank Holdings avec des dettes de Rs 4,6 milliards, Mauritius Telecom (Rs 3,3 milliards), Central Electricity Board (Rs 3,4 milliards) et Airports of Mauritius Co. Ltd (Rs3 milliards). Les deux organismes engagés dans le port, soit Mauritius Ports Authority et Cargo Handling Corporation Ltd, sont endettés pour Rs 431 millions et Rs 154 millions respectivement.
Indépendamment de l’évolution des taux d’intérêt et des répercussions sur le servicing de la dette locale, le dernier MCBFocus attire l’attention en guise de flèche du Parthe que “the persisting pressures on the rupee especially against the greenback would, coupled, with the rising interest rates on the global front, to some extent, weigh on Mauritius external debt servicing costs”.
Comme quoi, pour ce nouvel exercice financier, il faudra s’attendre à des intérêts accrus par rapport à la gestion de la dette publique, sans compter les risques de dérapage au niveau des budgets des ménages…