Pêche thonière : L’armateur français Sapmer plie bagage 

Un armateur français de la pêche thonière (Sapmer) a décidé de plier bagage face au traitement de faveur dont bénéficierait un de ses concurrents dans l’octroi de permis à  partir des quotas annuels délivrés par la Commission des Thons de l’océan indien (CTOI). L’article paru, récemment dans nos colonnes, a été évoqué, mardi, au Parlement par le ministre de la Pêche, Sudheer Maudhoo, au cours du Fisheries Bill : « En août 2021, la holding française qui détient l’entreprise faisait face à un endettement. Le plan de sauvegarde a été homologué, prévoyant la cession des activités sur 4 ans. Mon ministère aurait pu annuler le quota, mais nous voulions maintenir notre présence sur le marché. » Sapmer a répliqué cette semaine en annonçant « la cession prochaine de ses trois thoniers sous pavillon mauricien à un armateur sud-américain afin d’assurer la pérennité de la société et de ses emplois dû à la  baisse significative des quotas. »

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Certes, Sudheer Maudhoo a donné certaines explications sur les zones d’ombre entourant ces permis qui étaient délivrés chaque année aux différents opérateurs, et qui se font sur une base mensuelle depuis janvier 2023. L’endettement de la holding française justifie-t-il, pourtant, de telles restrictions à l’égard de Sapmer, mettant en péril tout un secteur d’activités ? Aussi, le ministre n’a pipé mot sur les conséquences néfastes qu’engendrent cette baisse de quota et le fait que la CTOI envisagerait de revoir à la baisse ses quotas pour Maurice en 2024 ou 2025. Et quid de la collusion présumée entre un opérateur espagnol et un certain « Marsan Pwason » ?

Pour rebondir sur les propos du ministre faisant état d’« un lourd endettement auquel est confronté la holding française qui détient Sapmer depuis août 2021 », Adrien de Chomereau, le PDG de l’armateur, souligne dans un communiqué de presse que « depuis 2021, les quotas attribués à nos trois  thoniers par les autorités mauriciennes ont chuté drastiquement, pesant ainsi lourdement sur la rentabilité des activités. Les quotas mauriciens ont été réduits de plus de 60%, passant de 10,500 tonnes en 2021 à 4,300 tonnes en 2023. »

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Or, dans son allocution au Parlement, le ministre Sudheer Maudhoo souligne le contraire, en suivant le « point de départ » du mois d’août 2021 : « Mon ministère a permis à d’autres opérateurs de thon d’entrer sur le marché pour garantir l’approvisionnement. D’autres chalutiers ont commencé des opérations et nous avons pu respecter le quota. À partir de janvier 2023, les quotas ont été soumis à une licence mensuelle pour assurer l’approvisionnement. En avril, la holding française a officiellement mis en vente ses bateaux, ce qui confirme notre décision de permettre l’entrée de nouveaux participants. Notre système d’allocation de contrat mensuel permet de maintenir le quota. »
Sudheer Maudhoo peut-il alors expliquer les raisons qui l’ont poussé à donner des instructions à ses officiers, lors d’une réunion tenue à son bureau le 7 août dernier, pour  procéder à la délivrance des licences et des quotas pour les restant de l’année 2023 à… Sapmer pour, dit-il, « garantir » la continuité des opérations de pêche et la livraison de matière première aux usines de transformations… avant de finalement faire marche arrière et de refuser la délivrance en temps et en heure, deux mois plus tard.

Le ministère tarde systématiquement à octroyer mensuellement le permis de pêche à la Sapmer, depuis janvier 2023. Est-ce une coïncidence si le ministère s’est empressé de délivrer le fameux sésame à l’armateur tricolore dès le 1er novembre, suivant l’article paru dans Week-End, le 29 octobre ?

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Dans son communiqué, Sapmer se fonde sur « la chute des quotas et la forte dégradation des conditions d’opérations, dû à l’inflation réglementaire, ne permettant plus une pêcherie pérenne », pour expliquer la cession prochaine de ses 3 thoniers sous pavillon mauricien à un armateur sud-américain. Le PDG Adrien de Chomereau se dit « déçu de conclure ainsi cette formidable aventure qui nous a permis en 10 ans la constitution d’une véritable filière durable à Maurice. Néanmoins, je suis rassuré de voir que ces 3 navires seront entre de bonnes mains. L’acquéreur sud-américain est un opérateur spécialisé dans le thon, présent dans la pêche, la transformation et la commercialisation en produit fini du thon. » La livraison des 3 navires de l’armateur français devrait intervenir entre novembre 2023 et janvier 2024, sous réserve de la levée des conditions suspensives.

Reste que cette cessation d’activité ne sera pas sans conséquence pour une centaine de marins qui risquent de se retrouver sur le pavé. Comme il en est d’usage, le protocole d’accord de la cession des 3 navires n’inclut pas la reprise de leurs équipages. « Des réunions avec les représentants du personnel sont d’ores et déjà engagées pour présenter les conséquences pour les équipages et les équipes à terre, à Concarneau, Maurice et aux Seychelles de cette prochaine cessation. Cette dernière n’aura pas d’impact à La Réunion. Pour ce qui est des 33 marins français concernés par cette cession, la SAPMER, après une période de transition et de prise en main par l’acquéreur, proposera des opportunités de mobilité interne ou externe », souligne le communiqué de Sapmer.

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Epée de Damoclès sur l’usine Mer des Mascareignes
Pour accompagner la montée en puissance rapide des captures dans l’océan Indien de ses nouveaux thoniers-senneurs, Sapmer a signé, en 2008, un partenariat avec l’usine de production Mer des Mascareignes, appartenant au groupe IBL. En 2013, l’armement équipera même ses installations de Port-Louis d’une nouvelle unité comprenant une chambre froide à -40°C et une usine de transformation et de valorisation supplémentaire.

Avec la cession des 3 thoniers de Sapmer à un armateur sud-américain, l’usine des Mascareignes n’aurait d’autre choix que de mettre la clé sous la porte, à en croire certaines sources, avec pour conséquence qu’une centaine de travailleurs risquent de se retrouver au chômage.

Les activités de l’usine de transformation du thon Princes Tuna (Mauritius) Ltd, qui travaille aussi en étroite collaboration avec Spamer, risque également de prendre du plomb dans l’aile, compte tenu de ce chamboulement, en créant  une pénurie de thon sans précédent sur le marché local, d’autant que les procédures pour l’acquisition des 3 thoniers de Sapmer par l’armateur sud-américain risquent de durer plusieurs mois.

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