— Baisse des arrivées, repli de la croisière, marchés traditionnels en berne… mais des signaux de résilience demeurent
Maurice entame l’année touristique 2025 sous des auspices mitigés. Si le mois d’avril 2025 a donné un souffle nouveau et que les chiffres de mai sont plutôt positifs, les chiffres officiels publiés par Statistics Mauritius dans son rapport sur le tourisme international du 30 mai 2025 confirment un ralentissement de l’activité touristique à Maurice pour le premier trimestre 2025. Le pays a enregistré une baisse globale de fréquentation touristique de 5,8% au premier trimestre, à un moment où plusieurs destinations concurrentes de la région affichent, elles, des hausses sensibles. Si la dépense moyenne par touriste augmente, plusieurs indicateurs signalent un infléchissement qui interpelle.
Durant la période allant de janvier à mars 2025, 326 389 touristes ont été enregistrés à Maurice, contre 346 562 durant le premier trimestre 2024. Ce recul de 5,8% marque un retournement de tendance, d’autant plus préoccupant qu’il contraste avec l’élan de reprise régionale observé au Sri Lanka (+13,6%), aux Maldives (+4,7%) et aux Seychelles (+0,3%).
Cette baisse se reflète également dans les chiffres globaux du trafic de passagers internationaux : les arrivées tous modes confondus (air et mer) passent de 489 049 à 486 584 (-0,5%), tandis que les départs reculent de 508 269 à 505 353 (-0,6%). Les arrivées par voie aérienne, majoritaires, s’élèvent à 443 560 passagers contre 445 224 un an plus tôt (-0,4%) ; celles par voie maritime passent de 43 825 à 43 024 (-1,8%).
Dégringolade de la croisière, explosion des excursionnistes
Le segment croisière enregistre une chute brutale : alors que 41 560 croisiéristes avaient été accueillis au premier trimestre 2024, ils ne sont plus que 41 299 cette année. Plus significatif encore, seuls 8 309 d’entre eux sont classés comme touristes (contre 16 857 en 2024), soit une baisse de 50,7%.
En revanche, le nombre d’excursionnistes — ces visiteurs d’un jour qui arrivent et repartent le même jour — bondit de 15 002 à 23 854, soit une augmentation de 59,0%. Ces excursionnistes, bien qu’ils ne consomment pas d’hébergement, représentent un potentiel économique non négligeable à capter (restauration, achats, excursions).
Repli des marchés européens, poussée de l’Inde et de l’Afrique
Le recul des arrivées s’explique en grande partie par la défection des marchés européens, traditionnellement moteurs du tourisme mauricien. Sur les 10 principaux marchés émetteurs, sept affichent des baisses :
Allemagne : 23 290 en 2025 contre 38 276 en 2024 (-14 986, soit -39,2%)
Russie : 9 970 contre 14 455 (-4 485, soit -31,0%)
Suisse : 6 523 contre 8 283 (-1 760, soit -21,2%)
Royaume-Uni : 30 527 contre 32 539 (-2 012, soit -6,2%)
Réunion : 33 828 contre 34 924 (-1 096, soit -3,1%)
France, principal marché : 82 984 contre 85 024 (-2 040, soit -2,4%)
CIS (ex-URSS) : 13 008 contre 16 542 (-3 534, soit -21,4%)
Ces baisses sont partiellement contrebalancées par des hausses notables sur des marchés en développement :
Inde : 12 376 contre 10 162 (+2 214, soit +21,8%)
Afrique du Sud : 22 870 contre 21 756 (+1 114, soit +5,1%)
République tchèque : 8 454 contre 6 785 (+1 669, soit +24,6%)
Ukraine : 1 847 contre 1 102 (+745, soit +67,6%)
Turquie : 2 079 contre 1 512 (+567, soit +37,5%)
Pologne : 6 445 contre 4 304 (+2 141, soit +49,7%)
Israël : 915 contre 345 (+570, soit +165,2%)
Touristes seniors et profil des visiteurs
Les seniors (60 ans et plus) représentent une part significative de la clientèle touristique : 67 113 visiteurs, soit 20,6% des touristes. Parmi ceux arrivés par mer, cette proportion grimpe à 39,6%.
Par tranche d’âge, la fréquentation diminue dans presque toutes les catégories :
5–9 ans : 13 533 contre 15 763 (-2 230, soit -14,1%)
10–14 ans : 12 453 contre 15 068 (-2 615, soit -17,4%)
45–49 ans : 25 787 contre 28 068 (-2 281, soit -8,1%)
70 ans et plus : 22 080 contre 24 514 (-2 434, soit -9,9%)
Moins de nuitées, mais des dépenses en hausse
Le nombre total de nuits touristiques chute de 4 236 631 en 2024 à 4 083 079 en 2025 (-153 552, soit -3,6%). La durée moyenne de séjour passe de 11,9 à 11,7 nuits.
Malgré cette baisse, les recettes touristiques totales ne diminuent que légèrement, de Rs 23,98 milliards à Rs 23,58 milliards, soit une baisse de Rs 399 millions (-1,7%). En revanche, la dépense moyenne par touriste augmente de Rs 69 197 à Rs 72 251, soit +Rs 3 054 (+4,4%).
Hébergement : taux d’occupation en léger repli
Au 31 mars 2025, Maurice comptait 110 hôtels en activité (sur 111 autorisés), représentant 14 059 chambres et 31 486 lits. Les 61 grands hôtels (plus de 80 chambres) concentraient 11 331 chambres (soit 81% de la capacité) et 25 750 lits (82% du total).
Les taux d’occupation moyens sur le trimestre sont en recul :
Tous hôtels confondus :
Chambres : 68% contre 69% en 2024 (-1 pt)
Lits : 61% contre 62% (-1 pt)
Grands hôtels :
Chambres : 70% contre 71% (-1 pt)
Lits : 63% contre 64% (-1 pt)
Départs de Mauriciens en hausse
Les départs de résidents mauriciens à l’étranger passent de 76 645 à 81 866, soit +5 221 personnes, une hausse de 6,8%. Les destinations privilégiées sont :
Émirats arabes unis : 19 016 (contre 17 994, soit +5,7%)
Inde : 15 015 (contre 9 276, soit +61,9%)
Réunion : 9 878 (contre 9 139, soit +8,1%)
France : 7 246 (contre 7 425, soit -2,4%)
Afrique du Sud : 6 994 (contre 6 692, soit +4,5%)
Royaume-Uni : 4 676 (contre 5 015, soit -6,8%)
Un marché concurrentiel : la région en avance
Alors que Maurice accuse une baisse de 5,8% de ses arrivées touristiques, ses voisins affichent une croissance :
Sri Lanka : 722 276 visiteurs, contre 635 784 en 2024 (+86 492, soit +13,6%)
Maldives : 632 424 contre 604 004 (+28 420, soit +4,7%)
Seychelles : 97 798 contre 97 517 (+281, soit +0,3%)
Maurice : 326 389 contre 346 562 (-20 173, soit -5,8%)
Emploi : stabilité dans les grands établissements
Les établissements touristiques de plus de 10 salariés ont enregistré une légère hausse de l’emploi : 28 445 employés recensés fin mars 2024 contre 28 014 en mars 2023, soit +431 emplois, une progression de 1,5%. Cette stabilité témoigne de la prudence des opérateurs, qui semblent maintenir leurs effectifs en prévision d’une reprise.
Une vigilance stratégique s’impose
Le premier trimestre 2025 est marqué par une baisse généralisée des arrivées, un recul sévère du segment croisière, et une érosion persistante des marchés européens traditionnels. Malgré une dépense par touriste en hausse et l’essor de marchés alternatifs comme l’Inde et l’Afrique du Sud, Maurice perd du terrain face à ses voisins régionaux.
Face à cette dynamique, l’heure est à une réorientation stratégique pour renforcer l’attractivité, diversifier les marchés et adapter l’offre aux nouvelles attentes des voyageurs. Dans un environnement concurrentiel qui se redessine, Maurice doit impérativement capitaliser sur ses atouts différenciateurs pour retrouver un positionnement de premier plan.
Pourquoi Maurice n’attire plus
… et pourquoi il faut agir vite !
Basé sur les chiffres officiels de Statistics Mauritius pour le 1er trimestre, l’industrie touristique mauricienne connaît un début d’année 2025 en demi-teinte, marqué par un recul de 5,8% des arrivées touristiques par rapport au premier trimestre 2024. De même, entre janvier et avril 2025, Maurice a accueilli 446 546 touristes, soit une baisse de 1,2% par rapport à la même période en 2024 (452 181). En mars seul, la chute est de 3,8%, alors que d’autres destinations comme les Seychelles (+8,8%) ou le Sri Lanka (+9,6%) enregistrent des croissances impressionnantes. Si le mois d’avril 2025, avec 120 157 arrivées, constitue une exception : une hausse notable de 13,8% comparé à avril 2024, attribuée à une meilleure connectivité aérienne et à l’afflux des visiteurs européens pendant les vacances de Pâques, la contraction globale des arrivées touristique sur les cinq derniers mois, alimentée principalement par le désengagement des marchés européens, alors même que certains marchés émergents, notamment asiatiques, affichent une croissance robuste suscitent l’inquiétude. Le « paradis des vacanciers » de l’océan Indien semble sombrer dans l’indifférence. Derrière les chiffres, des centaines de commentaires de touristes, glanés sur les réseaux sociaux du groupe Le Mauricien, pointent des causes profondes.
Une hausse des prix jugée insupportable
Le premier coupable est sans appel : les prix explosent. « Nous venons à Maurice depuis 2013, tous les deux ans. Cette année, c’était notre sixième séjour… et probablement le dernier », tranche un couple français. « Même prestations, même hôtel, même durée : 2 000 € de plus qu’en 2019. » Un écart qui illustre une tendance générale : Maurice est devenue une destination jugée « hors de prix », avec un rapport qualité/prix de plus en plus critiqué. « C’était déjà très coûteux, maintenant c’est hors de prix », résume un autre visiteur. Les témoignages affluent : hôtels deux fois plus chers, billets d’avion prohibitifs, dépenses courantes stratosphériques. Claire, une touriste belge, raconte : « Pour le prix d’un hôtel moyen ici, je pourrais aller dans plusieurs destinations avec un service bien supérieur. » Les hausses ne s’arrêtent pas là : les produits de consommation courante, dont la nourriture, ont également flambé. La perception d’un véritable gouffre financier se fait sentir partout. « En octobre 2023, j’ai payé 3 200 € pour 12 jours dans un 4 étoiles à l’ouest de l’île. En 2024, le même séjour m’aurait coûté près de 5 000 €. À ce prix-là, j’ai préféré aller en Thaïlande », indique une habituée, amère. Même les Mauriciens de la diaspora le ressentent : « Mon île n’est plus accessible, même pour nous », constate une expatriée en Belgique.
La dégradation du service : la fin de l’hospitalité mauricienne ?
Autrefois saluée pour son accueil chaleureux, Maurice déçoit désormais par la baisse sensible de la qualité du service. Ce qui exacerbe le mécontentement des touristes. L’hospitalité mauricienne, jadis réputée dans le monde entier, n’est plus qu’un lointain souvenir pour de nombreux voyageurs qui se disent déçus de ne plus retrouver la chaleur humaine des Mauriciens qui faisait le charme de la destination.
« Le touriste vient aussi rencontrer des Mauriciens, pas seulement le soleil », rappelle un internaute. Mais aujourd’hui, la main-d’œuvre locale, découragée par des salaires faibles et un manque de reconnaissance, a déserté les hôtels, remplacée par des travailleurs malgaches, bangladais ou népalais, souvent peu formés. Résultat : communication difficile, professionnalisme en berne et un accueil stéréotypé, même dans des établissements 4 ou 5 étoiles. « Il n’y a plus de Mauriciens dans les hôtels. Les touristes viennent pour la rencontre, l’échange, pas pour communiquer avec un serveur népalais qui ne comprend pas leur commande », commente, agacée, un touriste britannique. « J’ai dû expliquer à trois employés différents ce qu’était une cuillère à dessert dans un hôtel haut de gamme », raconte une touriste. Pierre et Juliette, retraités français, déplorent : « Beaucoup de jeunes sans formation, incapables de parler anglais ou français, ruinent l’expérience. » « L’accueil autrefois chaleureux a laissé place à un service impersonnel », ajoute Pierre.
L’insécurité : un danger grandissant
Le mythe du « pays sûr » s’effrite. Les témoignages affluent : vols, agressions, harcèlement, chiens errants, déchets sur les plages… « Mon fils a failli se faire mordre par un chien à Grand-Baie. La plage était jonchée de détritus. Inacceptable pour une destination premium ! » proteste une touriste suisse. L’état de certains villages touristiques et l’absence de surveillance sont souvent cités. Les touristes déplorent une montée de la criminalité, en particulier dans les zones touristiques. À Flic-en-Flac ou Port-Louis, vols, harcèlements et agressions sont de plus en plus rapportés. « L’île est devenue trop sale, trop chère et surtout trop dangereuse », tranche Laura, une Belge agressée sur une plage. Face aux plaintes, la police reste passive, alimentant un sentiment d’abandon chez les visiteurs.
Un environnement sacrifié
Le paradis naturel que représentait Maurice n’est plus qu’un souvenir pour beaucoup. « Les plages, autrefois idylliques, sont jonchées de déchets », s’indigne Terry. Le bétonnage à outrance, pour construire malls et hôtels de luxe, a défiguré l’île. Karine, visiteuse française, témoigne : « Maurice devient méconnaissable. Avant, c’était un havre de paix, maintenant c’est une station balnéaire sans âme. » « On ne vient pas ici pour voir des centres commerciaux. On veut du lagon, de l’authentique », regrette un autre touriste.
Transport : un cauchemar pour les visiteurs
Les touristes sont unanimes : se déplacer à Maurice est un défi. « Les bus s’arrêtent trop tôt, les taxis abusent des touristes, et certaines attractions sont quasi inaccessibles sans voiture privée hors de prix quand ce ne sont pas simplement des arnaques des chauffeurs de taxi ou de van… », souligne George. L’absence de transport de nuit freine les envies de découverte, surtout pour ceux voulant explorer les montagnes, les villages reculés ou les forêts naturelles.
Pauvreté de l’offre culturelle et de loisirs
Maurice reste attachée à son modèle « plages-hôtels », mais les touristes veulent plus : culture, patrimoine, nature vivante. Les visiteurs cherchent aujourd’hui des expériences plus immersives, mais trouvent souvent que l’île ne leur propose rien de novateur. « On nous propose des excursions formatées, catamarans avec punch à volonté, mais rien d’authentique », dénoncent des visiteurs anglais. Randonnées, observations respectueuses des dauphins, immersion dans la culture locale ? Trop rare. « Les jeunes cherchent une vie nocturne, une énergie… ici, tout ferme à 21h », explique une voyageuse allemande. Sur ce plan, Maurice ne rivalise plus avec Bali, les Canaries ou la Thaïlande, où l’offre de loisirs et d’activités est plus dynamique.
Une concurrence régionale beaucoup plus agile
Pendant que Maurice s’enlise, ses voisins avancent : Maldives, Seychelles, Sri Lanka, Zanzibar… adaptent leurs offres, cassent les prix, misent sur la durabilité. « Les Maldives offrent aujourd’hui plus de choix, et à un meilleur rapport qualité/prix », explique un touriste français. Même la Thaïlande attire les Européens, avec une offre plus dynamique et plus abordable.
« À Maurice, rien ne bouge. C’est triste », lâche un visiteur italien.
Un appel urgent au sursaut
Face à ce constat alarmant, l’inquiétude gagne même les hôteliers. « Il n’y a plus d’enthousiasme », confie l’un d’eux. « L’industrie touristique est essentielle pour notre économie. Si rien n’est fait, on va droit dans le mur », avertit un autre. Le problème est structurel : pas de plan stratégique, pas de gouvernance solide, pas de vision long terme. « Ce ne sont pas seulement les touristes qui viennent moins, c’est surtout ceux qui ne reviennent plus », analyse un professionnel du secteur.
Maurice à un tournant critique
Le message est clair : réduire les coûts, réinventer l’accueil, préserver l’environnement, renforcer la sécurité, diversifier l’offre… sinon, le désamour sera irréversible. Pour retrouver sa place parmi les meilleures destinations mondiales, Maurice doit repenser profondément son modèle touristique. Pas demain. Maintenant !
Tourisme : Maurice recule, la région avance
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