Véritable sanctuaire disposant d’un écosystème riche et unique les wetlands sont des zones censées être protégées. Hors, après les projets d’hôtels à Rivière-Noire et à Bel Ombre, des villas en constructions dans ces zones extrêmement sensibles à Grand-Gaube et à Beau-Champ. La société civile et les écologistes s’organisent contre ces projets qui signeront la mise à mort des zones humides et de leurs inestimables richesses.
A Grand-Gaube et à Beau-Champ des projets de développement annoncent la destruction des wetlands qui s’y trouvent. L’écosystème unique et la vie qui grouille dans ces zones humides seront mis à mort par les constructions prévues. Conséquence déjà visible : dans le nord du pays, une dune de sable de catégorie 2 connectée à une zone humide de catégorie 1 a déjà été victime des travaux. Oliver François qui habite tout près, la zone humide en question voyait passer des oiseaux migrateurs et les pailles en queue et d’autres oiseaux qui venaient y pondre ainsi que d’autres oiseaux. Mais tout cela semble disparaître “Auparavant, à marée haute, elle était gorgée d’une eau qui s’en allait à marée basse. Désormais, l’eau reste là, elle est stagnante, la connexion est rompue. Cela met en péril tout l’écosystème”, dit-il.
On s’étonne d’ailleurs qu’aucun notice board n’ait été placé pour annoncer les travaux préalablement. Ce qui aurait permis aux habitants de contester les travaux avant qu’ils ne soient faits. Les habitants sont montés au créneau pour contester ce projet à travers une manifestation le dimanche 1er mars.
À l’autre bout du pays, à Beau-Champ – tout prêt de Bel Ombre – deux autres wetlands sont elles menacées par un projet de 42 villas et d’un wellness centre à l’arrière d’un projet d’hôtel qui avait lui-même été contesté par la société civile, car représentant un immense danger pour cette Environmental Sensitive Zone (ESA). La plateforme Aret Kokin Nou Laplaz conteste elle le permis EIA obtenu par le promoteur et a envoyé plusieurs lettres au ministre de l’Environnement.
L’écosystème en péril
A Grand-Gaube, à quelque 500 mètres de la dune les habitants ont été surpris de voir une tractopelle nettoyer un terrain dans une autre wetland de catégorie 1 la semaine dernière. Ce, bien qu’un projet de développement y avait été stoppé en 2016 en raison des enjeux écologiques. Ces travaux ont été effectués un jour seulement après une manifestation pacifique organisée pour contester le projet de villas autour de l’autre wetland. “Plusieurs promoteurs font leurs projets en même temps. Ça va créer un désastre écologique”, prévient Oliver François.
Écocide.
Ce dernier, très concerné par la protection de l’environnement souligne: “Cet endroit un ‘key wetland’. Il y a une connexion souterraine directe avec les autres marécages. Si ce marécage disparaît, le bassin de mangroves disparaîtra ne laissant plus aucun endroit aux poissons où pondre. Le lagon sera mort au niveau de la composition chimique qui est optimale pour que les coraux puissent vivre. Cela détruira tout un récif, toute une vie sous-marine.”
L’incompréhension
Tout comme le projet d’hôtel à Les Salines débuté en 2018 ce projet de construction de villas se situe autour d’une wetland de catégorie 1. Or, il faut savoir qu’une wetland de catégorie 1 est celle qui a la plus haute priorité en matière de protection. Le Technical Report on Freshwater Wetlands of Mauritius fait en 2009 par le ministère de l’Environnement et la National Development Unit recommande d’ailleurs que ces sites soient protégés et qu’aucun développement majeur infrastructurel n’y soit entrepris. Le fait d’y permettre la construction d’un projet de villas va à l’encontre des recommandations de ce rapport. D’autant plus qu’il s’agit ici d’une State Land, ce qui implique que le gouvernement avait toutes les possibilités de décliner le projet.
Sébastien Sauvage : “C’est un écocide”
Sébastien Sauvage d’Ecosud est également inquiet de ce qui se passe à Grand-Gaube actuellement. “En sus de rompre le processus de filtration d’eau qui est primordiale ces projets viennent détruire une dune et une wetland. Tout cela aura des impacts catastrophiques sur les mangroves, les herbiers marins et les coraux qu’on trouve autour du site et qui sont tous des ESA. Ce qui implique qu’il y aura des impacts sur les poissons et probablement sur la qualité de vie des habitants de Grand-Gaube et des Mauriciens en général. Pour nous, c’est un écocide, c’est à dire à dire de détruire tout un écosystème. La question est de savoir qui est complice de cet écocide.”
EIA biaisé
Aret kokin Nou La Plaz questionne le permis EIA obtenu par les promoteurs du projet de Beau-Champ qui est “biaisé” selon cet organisation. “Il est incomplet et ne reflète pas la réalité du site de nature très sensible. Dans ce rapport, il n’est pas fait mention des Environmentally Sensitive Areas qui s’y trouvent pourtant. Il n’y a pas mention du lagon alors qu’il s’agit d’un ‘beach hotel’. La cerise sur gâteau est que le promoteur a obtenu deux feux verts pour le prix d’un. Une licence EIA qui incorpore un ‘desalination plant’ qui requiert normalement une demande de EIA séparée et distincte du projet principal.”
Par ailleurs les promoteurs semblent avoir trouvé la faille qui leur permette d’outrepasser l’obtention d’une EIA licence, seule bouée de sauvetage parfois le développement irrespectueux de l’environnement. Le projet qui est contesté actuellement à Beau-Champ présente ces aspects. “Ils disivent le projets en petits lots pour rester dans les limites de ‘less than 50 units’ sous le PDS Scheme. Ce qui leur évite les procédures d’un EIA. Cette approche fragmentée, non holistique et dans un ordre aléatoire est en effet adoptée par bon nombre de promoteurs ces jours ci, alors même qu’ils ont déjà le projet de réaliser tout un masterplan en plusieurs phases. Pourquoi se compliquer la tâche et produire un EIA report, qui en plus ouvre la voie aux commentaires du public ? Un EIA Report qui doit en plus être ‘fair and true’,comme le stipule le Environment Protection Act. Pourquoi prendre le risque qu’un rapport bien fait, témoigne noir sur blanc le fait que leur projet risque en effet de détruire un écosystème fragile ? Tout ces stratagèmes, sont secondés par EDB, l’expert pour les options ‘fast-track’ bien entendu”, indique Carina Gounden de Aret Kokin Nu Laplaz.
Maurice fait fi de ses engagements
Ce développement sauvage se poursuit avec la bénédiction des autorités qui n’ont toujours pas saisi l’importance de la protection des wetlands malgré tous les beaux discours. Maurice fait fi de la Convention Ramsar dont il est signataire et qui implique clairement la protection de tous les wetlands. Le message est très clair : le développement a priorité sur la protection de l’environnement. Ce, même si les mangliers, les roseaux, les lagons, les récifs coralliens et les innombrables animaux qui en dépendent en pâtissent.