Attouchements allégués : Une scoute vise un haut gradé de la MSA

En février dernier, elle le rapporte formellement.

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  Il n’y aurait pas eu de suite. Elle s’en remet à la police le 22 juillet

Au cours de la journée du 22 juillet dernier, une jeune scoute, accompagnée d’une avocate mise à sa disposition par l’ONG Pédostop, a consigné une déposition au poste de police de Rose-Hill contre un haut gradé de la Mauritius Scouts Association (MSA) pour attouchements répétés. La jeune fille, également soutenue par une psychologue de l’ONG, aurait formellement rapporté les faits à la commission de sécurité et de protection de la MSA depuis février dernier. Mais aucune réponse n’aurait été apportée à la détresse de la jeune scoute. Pendant plusieurs mois, sa famille a sollicité des membres du conseil exécutif de la MSA afin de faire la lumière sur cette affaire, avant de se tourner finalement vers la police. Du côté de la MSA, nous avons appris que les allégations portées contre ce responsable ont créé un certain malaise au sein de l’organisation. Par ailleurs, deux cheffes du mouvement ont exprimé leur consternation en apprenant que la jeune fille a récemment été sanctionnée sans explication. Et, depuis peu, c’est le chef commissaire de la MSA lui-même qui a annoncé son retrait de l’exécutif de l’association.

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C’est en février dernier que la jeune fille, en se confiant à son père, lui a révélé les agissements que le haut gradé aurait eu à son encontre, après avoir longtemps gardé le silence à ce sujet.”Elle état rentrée de ses activités, je lui ai demandé comment elle allait et de me parler de sa journée. Elle m’a répondu en me disant: Tu sais papa, il y a un pédophile chez les scouts. J’ai été surpris par cette réponse. Je lui ai alors demandé de me dire ce qu’elle entendait par ‘pédophile’ et pourquoi elle disait cela”, explique le père de la scoute. C’est alors que celle-ci s’est mise, dit-il, à raconter comment ce haut responsable de l’association aurait à plusieurs reprises profité de certaines occasions, à la Baden Powell House, pour se rapprocher d’elle et procéder à des contacts physiques inapropriés.  Entre les efleurements, attouchements et les distances que le présumé agresseur n’aurait pas respecté, il aurait aussi selon la jeune fille, tendance à envahir sa zone de confort. “Il s’arrangeait toujours pour se placer très près d’elle lorsqu’il voulait lui parler. Ma fille m’a expliqué qu’elle se sentait extrêmement mal à l’aise et terriblement gênée lorsqu’il agissait ainsi “, poursuit son père. Dans la déposition qu’elle a consignée au poste de police de Rose-Hill, le 22 juillet dernier, elle a également rapporté des propos déplacés, à connotation sexuelle, qu’aurait tenus ce membre du comité exécutif national des scouts.

Les parents de la scoute expliquent qu’ils ont été profondément choqués par les confidences de leur fille. Les attouchements, leur a-t-elle confié, auraient eu lieu l’année dernière. L’homme accusé par la jeune fille aurait également manifesté un certain intérêt pour elle en la suivant sur les réseaux sociaux et en “likant” certaines de ses photos. Les faits dénoncés à la police se seraient produits alors que la présumée victime était âgée de 17 ans. “Quand elle m’a tout raconté, j’ai gardé mon calme. Je comprenais la gravité des choses et je ne voulais pas réagir dans la précipitation. Le scoutisme est la passion de ma fille. Elle a intégré le mouvement alors qu’elle n’avait que 6 ans. Elle s’est toujours impliquée et a donné le meilleur d’elle-même pour être à la hauteur de son engagement et des valeurs du scoutisme. En voyant son intérêt pour le mouvement et ses aptitudes, je l’ai toujours encouragée dans cette voie”, confie le père de la jeune fille.

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Cette dernière lui aurait également confié que, depuis qu’elle avait remarqué le comportement de ce responsable, elle faisait tout son possible pour l’éviter. Toutefois, ayant elle-même été promue, elle était amenée à se rendre régulièrement à des activités organisées à la Baden Powell House. “ Lui aussi s’y trouvait, alors qu’il n’était pas censé être toujours présent “, relève le père de la présumée victime.

“Notre fille était mineure ! “

“Après avoir écouté le récit de ma fille, je lui ai demandé quelle serait, selon elle, la marche à suivre d’après le protocole de l’organisation. Je lui ai posé cette question parce que nous avons toujours cultivé une relation de confiance et que, dans chaque moment d’épreuve, nous avons pris l’habitude d’aborder les choses avec un esprit analytique. Cela aide ma fille à grandir. Elle m’a alors dit qu’elle en avait parlé à son leader, et que ce dernier lui avait conseillé de déposer une plainte auprès de la National Safe From Harm Commissioner de la MSA. Je l’ai vivement encouragée dans cette démarche”, affirme le père de la scoute. Chose qui a été rapidement faite après leur conversation, avance-t-il. Et pour ne pas avoir à subir d’autres attouchements, le père a donné des consignes à sa fille. Ensemble ils ont convenu de certaines actions lors des activités , comme de rester en contact régulier, au téléphone avec ses parents, réagir promptement et avertir ses supérieurs si besoin est.

Après la plainte formelle déposée par la jeune fille auprès de la commissaire nationale à la sécurité et à la protection, en février dernier, ses parents concèdent qu’ils s’attendaient à une réaction de l’organisation. “Lorsqu’une institution, et plus encore une commission chargée de protéger les scouts, reçoit de telles allégations, il est normal de s’attendre à une réponse et à ce que les parents soient convoqués. De plus dans notre cas, notre fille était mineure ! “, souligne le père de la scoute.

Face au silence de l’institution, les parents de la jeune fille ont décidé d’intervenir, d’autant plus, soutiennent-ils, qu’ils avaient été préalablement rassurés par un autre responsable de la MSA, lequel leur avait garanti qu’il demanderait un rapport officiel concernant la déposition de leur fille auprès de la commission de sécurité et de protection. “Nous avons demandé et obtenu une rencontre avec le chef commissaire et un autre responsable de la MSA. Ils nous ont affirmé ne pas être au courant du cas de ma fille et disaient que, là encore, c’était à la commission de sécurité et de protection de s’en occuper “, relate notre interlocuteur. Cependant, affirme-t-il, quelque temps après cet échange, sa fille a reçu un courrier  l’informant — sans explication — qu’elle a été suspendue de ses nouvelles fonctions au sein de deux branches de la MSA“ Cela reste encore un coup dur pour elle “, font ressortir ses proches.

Par ailleurs, cette suspension n’a pas été bien accueillie par la cheffe des scouts des Basses Plaines-Wilhems, qui en a fait part à la commissaire responsable de ce district. Cette dernière, visiblement interloquée par la sanction prise à l’encontre de la jeune fille, a réclamé une rencontre avec les “personnes impliquées”, dans une correspondance adressée au chef commissaire. “ J’aurais dû être informée (…) Les membres qui ont pris cette sanction sévère à l’encontre d’un membre du district ont enfreint le code de conduite de la MSA », écrit-elle au chef commissaire, Bruno Rose. Pour les proches de la scoute, celle-ci serait victime de représailles.

Ce n’est que le 9 juillet dernier que les parents de la scoute, après de nombreuses demandes, ont été convoqués devant un panel constitué par la commission de sécurité et de protection.” Mais, tient à préciser le père de la présumée victime, nous pensions que l’affaire des attouchements allait être abordée. Cela n’a pas été le cas. En mettant sur la table la suspension de ma fille, il était évident qu’on cherchait à noyer le poisson. De plus, nous n’avons pas compris la présence d’un représentant du bureau de l’Ombudsperson pour les enfants ainsi que de SOS Children’s Village. Pour moi, c’en était trop ! Je voulais comprendre pourquoi la MSA avait attendu tout ce temps, pour au final ne pas réagir à la plainte de ma fille, pourtant déposée dès février.Toutes les fois où j’ai demandé à recevoir le compte rendu des quelques rencontres qui ont eu lieu, on m’a fait tourner en rond. Lors de la réunion de juillet, on m’a donné l’assurance que la Commission de sécurité et de protection avait transmis des recommandations au chef commissaire. “

Un peu plus d’une semaine après la déposition à la police de la jeune fille contre le haut gradé de la MSA, le chef commissaire des scouts de Maurice se serait retiré du comité exécutif national. C’est ce que Week-End a pu lire dans un message que celui-ci a envoyé aux proches de la présumée victime. Auparavant, c’est la commission de sécurité et de protection qui remuait ciel et terre pour obtenir des conseils juridiques sur cette affaire, allant même, avons-nous appris, jusqu’à frapper à la porte de Pédostop, ONG qui encadre des mineurs victimes d’abus sexuels. “ Nous ne cesserons de nous battre pour notre fille. Il n’est pas normal qu’elle ait eu à subir des attouchements d’un adulte dans un lieu où elle est sensée être en sécurité. Il n’est pas juste que cet homme n’ait rien eu à répondre auprès de la MSA! C’est parce que rien n’a été fait, qu’il peut toujours récidiver, que j’avais prévenu la MSA que fort de la Children’s Act 2020 je m’en remettrai à la police”, explique le père de la scoute, décidé à aller jusqu’au bout dans cette affaire.

Le présumé agresseur: “Je ne suis impliqué d’aucune manière dans les faits évoqués”

Contactées, les principales parties mentionnées dans les allégations d’attouchements sexuels au sein de la Mauritius Scouts Association n’ont pas souhaité s’exprimer à ce sujet. Le chef commissaire, quant à lui, n’a pas répondu à nos appels ni à notre message. Le haut gradé visé par la déposition de la présumée victime, pour sa part, nous a d’abord renvoyés à son avocate. Cette dernière nous a expliqué qu’il avait pris contact avec elle pour le représenter, mais qu’à vendredi dernier, ses services n’avaient pas été retenus par le présumé agresseur et qu’elle ne pouvait, de ce fait, être désignée comme son avocate. Toutefois, elle a confirmé qu’à cette date, le haut gradé n’avait toujours pas été convoqué ni interpellé par la police. Dans un deuxième temps, le haut gradé en question nous a envoyé ce message par WhatsApp: “Je tiens à préciser, de manière formelle, que je ne suis impliqué d’aucune manière dans les faits évoqués. Je suis d’autant plus surpris que mon nom ait été mentionné ou transmis, sans fondement, dans ce contexte. Je vous rappelle que, conformément aux principes fondamentaux du droit, la présomption d’innocence doit être scrupuleusement respectée. Toute communication ou publication prématurée, de nature à porter atteinte à mon honneur, à ma réputation ou à mon image, serait considérée comme une violation grave de mes droits (…).” Que ce dernier se rassure : Week-End n’a jamais attendu ce message pour appliquer les principes fondamentaux qui régissent notre métier…

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