FCC Amendment Bill : Vers une coopération renforcée entre la police et les instances anti-corruption

Adopté en troisième lecture le 16 juillet 2025, le Financial Crimes Commission (Amendment) Bill marque un tournant dans l’architecture institutionnelle de la lutte contre les crimes financiers à Maurice. Il autorise désormais la police et la Financial Crimes Commission (FCC) à conduire des enquêtes conjointes, grâce à l’introduction d’un nouvel article 58A dans la FCC Act 2023. Si le gouvernement présente cette réforme comme une avancée stratégique, l’opposition y voit une menace pour l’indépendance de la FCC.

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Pour le Premier ministre Navin Ramgoolam, ce texte vient corriger les dérives d’une institution qu’il qualifie de politisée dès sa création. « La FCC n’a pas été créée pour lutter contre les criminels, mais pour protéger certains et harceler d’autres », a-t-il déclaré. Selon lui, l’amendement permettra une meilleure coordination avec la police dans les affaires complexes, où les lacunes actuelles sont exploitées par les réseaux criminels. Cette réforme s’inscrit dans une vision plus large : la création d’une National Crimes Agency (NCA) inspirée du modèle britannique, en partenariat avec le Royaume-Uni, dans la foulée des accords sur les Chagos. Le PM y voit une étape décisive vers une modernisation du cadre légal mauricien.

À l’opposé, le leader de l’opposition, Joe Lesjongard, dénonce une dérive institutionnelle : « Ce n’est plus la FCC qui décidera d’ouvrir une enquête, mais le commissaire de police, bras droit du Premier ministre. » Il y voit une volonté de reprise en main politique, d’autant plus inquiétante que la FCC fait face à un manque de ressources humaines et à des démissions internes. Il accuse le gouvernement de transformer un organisme indépendant en simple instrument de pouvoir.

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Dans l’attente d’une législation plus solide

Le Whip de l’opposition, Adrien Duval, critique, lui, la méthode : il déplore le recours à un certificat d’urgence et l’absence de consultation du comité parlementaire chargé de superviser la FCC. Pour lui, la réforme affaiblit gravement le statut de la Commission comme « Apex Body » en matière de criminalité financière, et pourrait provoquer des conflits d’autorité sur le terrain, notamment en matière de procédure et de compétences.

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Pour le ministre du Travail, Reza Uteem, cette réforme est, en ravanche, une réponse directe aux exigences de la FATF et de l’ESAAMLG, qui avaient critiqué le manque de coordination entre les agences d’enquête mauriciennes. Il insiste sur le fait que la police ne remplace pas la FCC, mais intervient en appui lorsque cela est nécessaire, dans un cadre clair.

Enfin, l’Attorney General Gavin Glover défend le projet comme une nécessité juridique et pratique. Il évoque des cas d’enquêtes parallèles où la FCC et la police poursuivaient un même accusé de manière incohérente. Pour lui, l’amendement permet une coopération souple mais indispensable, en attendant une future législation plus solide, appelée à remplacer la FCC Act.

Cette réforme met en lumière deux visions irréconciliables : celle d’un renforcement opérationnel face à la criminalité, et celle d’une dérive politique masquée sous couvert d’efficacité.

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