Enceinte de 2 mois, elle confie : “Je suis dégoûtée…”
Une jeune fille de 16 ans, habitante du Sud, a dénoncé son père, un maçon de 48 ans, à la police, mardi dernier, pour abus sexuels répétés. L’adolescente, qui s’est enfuie du domicile de son présumé agresseur il y a une semaine pour se réfugier chez des proches, a depuis découvert qu’elle est enceinte. Selon ses déclarations aux enquêteurs, à la brigade pour la protection de la famille et à la Child Development Unit (CDU), le bébé serait de son père. Lequel, selon la jeune fille, aurait été arrêté dans le passé pour agression sexuelle sur mineur. Dans le cadre de la présente affaire, une autre fille de 14 ans et en situation de handicap, du maçon, a également été hospitalisée. La présumée victime n’a pas connu son père avant ses 14 ans, soit quelque temps après le décès de sa mère. Et lorsqu’elle avait 8 ans, elle a subi, dit-elle, des attouchements sexuels par le compagnon de cette dernière. En 2024, elle aurait été hospitalisée pendant 3 semaines après avoir été battue par son père. Toutefois, selon elle, celui-ci n’aurait pas été inquiété par les autorités.
De son lit d’hôpital, où elle a été admise mardi dernier, Hema (nom modifié) nous explique qu’elle s’est enfuie de la maison de son père, il y a un peu plus d’une semaine. Deux semaines plus tôt, celui-ci aurait abusé d’elle. Cette fois-là, c’en était trop pour l’adolescente. Elle affirme que ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’elle tentait de s’enfuir. Mais ce jour-là, il n’avait pas pu la rattraper, ni la convaincre de rentrer. Il était trop tard : Hema avait déjà pris le bus en direction du Nord-Ouest et était arrivée chez sa cousine. Elle ne comptait pas faire marche arrière. “Il m’a appelée et demandé de revenir à la maison. J’ai refusé”, raconte Hema. Marquée par ce qu’elle dit avoir enduré pendant plusieurs mois, ainsi que par le choc d’une grossesse inattendue, Hema revient, avec un étonnant recul, sur les agressions dont elle aurait été victime et sur une vie marquée par l’instabilité. “Je veux quitter l’hôpital, travailler, vivre ma vie maintenant… “, confie-t-elle.
“Son fils a tout entendu”
Il y a trois semaines, le père d’Hema aurait abusé d’elle dans la nuit, sans se soucier de la présence de ses deux autres enfants, une fille de 14 ans en situation de handicap et un garçon de 11 ans, qui vivent sous le même toit. Les quatre habitent dans une maison en tôle, au sein d’une poche de pauvreté dans le sud du pays. Les petites pièces de cette maison sont séparées par du plywood et des rideaux en tissu. “Son fils a tout entendu. Il m’a entendu pleurer, il l’a même vu m’agresser. Mais il était tétanisé. C’est ce qu’il a confié à des proches”, dit Hema. “Elle avait tout raconté à sa grande soeur, mais celle-ci refusait de la croire”, affirme Anna (nom modifié), 24 ans, la cousine de Hema. Elle ne se serait confiée à personne d’autre, pas même à Anna, avec qui elle est pourtant proche – du moins jusqu’à récemment.
“La première fois qu’il m’a violée remonte à décembre dernier. Il avait déjà changé de comportement envers moi. Il était devenu plus agressif. C’est d’ailleurs à cause de son impulsivité et sa violence que sa dernière compagne l’a abandonné”, confie Hema. “Ce jour-là, il m’a appelé au téléphone et grondé parce que j’étais sortie. À mon retour, il consomait de la bière et m’en a proposé. J’ai bu un verre et peu de temps après, j’ai été prise de somnolence. Le lendemain à mon réveil, j’étais nue. Je ne comprenais pas ce qui s’était passé et j’étais abasourdie. Quand j’ai commencé à poser des questions, il s’en est pris à moi et m’a frappée”, poursuit Hema. En mars dernier, l’homme aurait récidivé. “Il était complètement ivre. Il m’a menacé. Li dir mwa, si to kriye mo touy twa.” Un mois après cette deuxième agression sexuelle, Hema fait une fugue. “Il s’est rendu au poste de police de notre localité pour rapporter ma disparition. Sa ti vinn enn case missing. Lapolis inn retrouv mwa”, avance-t-elle.
Hema raconte qu’en 2024, elle aurait subi de son père des violences physiques qui l’auraient conduite à l’hôpital. Elle y est resté, dit-elle, trois semaines. “J’avais consigné une déposition à la police. Mais après mon hospitalisation, je suis retournée à la maison, c’est-à-dire chez lui”, affirme l’adolescente.
“ Li tape, li bate…”
Cet homme qu’elle dit appeler “papi” est un père biologique qu’elle n’aurait jamais connu durant son enfance. “Il n’a pas vécu longtemps avec ma mère. Je ne l’ai vu qu’à mes 14 ans après la mort de ma maman”, raconte Hema. Sa mère, qui souffrait d’une addiction à l’alcool, est décédée il y a environ trois ans, des suites d’une cirrhose du foie. Elle avait eu d’autres enfants issus de relations précédentes.
“ Mon père est apparu chez des membres de ma famille maternelle qui m’avaient recueillie, et il a insisté pour que j’aille vivre chez lui, avec sa compagne et ses enfants dans le Sud. Il disait qu’il en avait le droit. Personne n’a insisté et on m’a laissé partir. Dans un premier temps, la cohabitation se passait plutôt bien. Mais lui aussi, il buvait tous les jours. Et au bout d’un an, il a commencé à devenir plus violent. Li tape, li bate…” Hema, qui a été déscolarisée après le premier confinement lié à la pandémie de Covid-19, n’a fait qu’une année en prévocationnel. Elle a connu une vie oisive, sans repère et sans but.
“Je suis dégoûtée…”, lâche la jeune fille qui tente de trouver une explication au comportement de son père. “Dès fois, il disait que ma mère n’avait pas à l’abandonner”, dit-elle. Craignant sa réaction et ne souhaitant pas lui adresser la parole, elle n’a pas osé, indique-t-elle, lui reprocher les abus qu’il lui a fait subir. “Il faisait comme si de rien était, que rien de grave ne s’était passé. Pire, il me surveillait de près. Il n’aimait pas quand je quittais la maison”, assure Hema. Selon cette dernière, la fille de son père aurait été également hospitalisée après sa déposition à la police. Hema avance avec certitude que le présumé agresseur a déjà eu des démêlés avec la justice dans le passé pour une affaire d’abus sexuel sur mineur. Celui-ci, confie encore Hema, ne serait pas le seul membre de sa famille à l’avoir agressée.
À 8 ans, alors qu’elle vivait avec sa mère, le compagnon du moment de celle-ci aurait commis des attouchements sur elle. “Lorsque j’en ai parlé à ma mère, elle m’a conduite au poste de police. Il a été arrêté et comdamné. Ma mère l’a quitté. Lorsqu’il est sorti de prison, il nous a téléphoné et m’a demandé pardon”, raconte Hema. “Je lui ai pardonné”, dit-elle. Quand on lui demande porquoi elle a fait le choix de pardonner à son agresseur, elle répond tout simplement : “Parce que ma mère était amoureuse de lui.” Cet homme est, depuis, décédé de complications liées à l’alcool.
“Les médecins m’ont dit que je vais devoir garder le bébé… Moi, je ne voulais pas. Me zot dir mwa tro tar, pa kapav fer ale”, explique Hema. “Ce bébé est de mon père”, dit-elle avec certitude. “J’ai un petit ami, à qui je viens de révéler ce qui m’est arrivé. Il m’a rassurée. Il m’a dit qu’il va assumer la responsabilité de cet enfant, même s’il n’est pas de lui”, ajoute l’adolescente. Le jeune homme, âgé de 18 ans, lui aurait promis de la soutenir. “Me mo pa kone ki mo pou fer ar sa zanfan-la, mo ena boukou zafer pou mo fer. Mo anvi travay, ramas mo kas. Kan mo ti pou gagn 21 an ki mo ti pou gagn enn zanfan…”, relate Hema.