Le SP Gungadin qualifie de « volte-face » la position du DPP de ne pas résister à la motion de la défense
Akil Bissessur : « Je n’ai jamais vu une telle scène dans une salle d’audience »
La guerre est déclarée entre la police et le Bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), du moins en ce qui concerne l’arrestation de Me Akil Bissessur dans des allégations d’importation de stupéfiants, alors qu’il n’y a eu aucun débat sur la motion de remise en liberté conditionnelle présentée par la défense. Mes Yakrajsingh Ramsohok et Rajeenee Seegobin ont en effet informé le tribunal de Mahébourg que le DPP n’objecte pas à la remise en liberté sous caution des trois suspects. Ce qui a irrité le surintendant Gungadin, responsable de la Sub-Team de la PHQ Special Striking Team (SST), devant qualifier de volte-face cette décision du Parquet. Ce développement a donné ainsi lieu à un véritable clash verbal entre les deux avocats susmentionnés et l’officier de police. Le ton est même monté devant la magistrate Doorgeshnee Dinya-Mooloo, une scène inédite entre les représentants du DPP et de la police dans un tribunal. À l’appel de l’affaire hier, le surintendant Gungadin et l’inspecteur Korimbaccus, de la PHQ SST, se tenaient prêts à déposer à la barre pour donner leurs raisons, objectant à la remise en liberté conditionnelle des trois protagonistes, à savoir Me Akil Bissesur, Doomila Moheeputh et Avinash Bissessur.
Mais la magistrate Doorgeshnee Dinya-Mooloo a tout d’abord invité les représentants du DPP à faire connaître leur position. Me Y. Ramsohok : La position du DPP est de ne pas objecter à la motion du demandeur (Akil Bissessur) d’être relâché sous caution. Face à cette prise de position, les avocats de la défense congratulent Akil Bissessur, alors que le SP Gungadin tente d’engager des échanges avec les représentants du bureau du DPP. Me Valayden : Votre honneur, mon client a été arrêté quatre fois et avait dû fournir des cautions pour les accusations provisoires contre lui. Ces charges ont été rayées. Je demande la discrétion de la cour pour qu’un Non-Monetary Bail lui soit accordé. D’autant qu’il est le seul gagne-pain de sa famille. La présidente de la cour lève la séance et s’apprête à se rendre à son bureau quand le SP Gungadin lance : « J’ai un Statement à faire. » La magistrate lui répondra qu’il aura l’occasion de parler « quand la séance reprendra ». Elle reviendra après une dizaine de minutes avant d’ordonner la remise en liberté d’ Akil Bissessur contre une caution de Rs 50 000 et une reconnaissance de dette de Rs 200 000. Une autre condition imposée est qu’il devra se présenter au poste de police de Sodnac chaque mercredi entre 6h et 18h et être disponible pour les besoins de l’enquête policière.
Le SP Gungadin exprime alors son mécontentement envers le banc du DPP. SP Gungadin : Ce n’est pas la position de la police. Nous objectons à cette remise en liberté conditionnelle. C’est une volte-face de la part du bureau du DPP. Les avocats de la défense protestent alors que les représentants du bureau du DPP cachent difficilement leur irritation. Me Valayden : Il n’a pas le droit d’objecter. Ce n’est pas légal. La magistrate : SP Gungadin, la police opère sous le bureau du DPP. Ses représentants ont donné leur stand. SP Gungadin (en haussant le ton) : La police n’est pas d’accord. Nous objectons… C’est alors que le responsable de la Sub-Team de la PHQSST demande à la Cour l’autorisation de pouvoir faire un Statement. SP Gungadin : Je suis le représentant du commissaire de police.
Ce dernier est en mission à l’étranger, en France plus exactement. Avant de partir, samedi, il m’a demandé de le représenter en cour aujourd’hui. Je représente les intérêts de la police dans cette affaire. Le commissaire de police m’a aussi dit que si le bureau du DPP allait à l’encontre des instructions de la police, la police devra objecter et maintenir notre position. Le bureau du commissaire de police sollicitera l’aide des avocats du privé (Private Barristers) dans cette affaire. La magistrate : La liberté conditionnelle a été accordée, car il n’y a aucune objection de la part du DPP. SP Gungadin (élevant la voix) : L’enquête n’a même pas encore commencé… Me Y. Ramsohok (en colère) : Votre honneur, j’objecte fermement au terme volte-face utilisé par cet officier. I want to put this on record. Je tiens à préciser que la présente décision n’émane pas du bureau du DPP, mais du DPP lui-même.
R. Valayden : Durant mes longues années au Barreau, où j’ai comparu en Cour pour plusieurs clients pour des délits criminels, je n’ai jamais entendu le terme volte-face utilisé contre le DPP ou un de ses représentants. Je tiens à faire cette déclaration On Record.
Finalement, la magistrate Doorgeshnee Dinya-Mooloo a levé la séance et Akil Bissessur a été invité à régler sa caution. Il devra se présenter en Cour le 7 décembre.
Son frère, Avinash, a comparu devant le magistrat Devinash Oozageer dans la salle d’audience No 1, où l’inspecteur Korimbaccus était présent. Me Rajeenee Seegobin a fait part de la position du DPP de ne pas objecter à la remise en liberté conditionnelle du suspect.
Après le clash verbal de son supérieur plus tôt, l’inspecteur Korimbaccus n’a pas protesté. Avinash Bissessur s’est acquitté d’une caution de Rs 45 000 et a signé une reconnaissance de dette de Rs 200 000. Alors que Doomila Moheeputh a été présentée devant la magistrate Ameerah Dhunoo et n’a pas eu d’objection du DPP également. Elle s’est acquittée d’une caution de Rs 40 000 et a signé une reconnaissance de dette de Rs 100 000.
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Me Akill Bissessur : « Je n’ai jamais vu une telle scène dans une salle d’audience »
Après sa libération conditionnelle, Akil Bissessur a réagi à ce clash entre la police et le DPP.
« Je prends position contre l’abus de certains policiers et je fais confiance au judiciaire et au DPP. Je n’ai jamais vu une telle scène dans une salle d’audience. Ma libération est une décision du DPP lui-même. Le représentant du DPP l’a fait ressortir », déclare-t-il.
Il estime que cette décision fait suite « à un travail de fourmi de mes avocats et toute l’équipe derrière ». Il se dit confiant que les charges provisoires contre lui seront rayées bientôt « car je suis innocent ».
« Je suis une victime car je lutte contre les abus des droits humains. Aujourd’hui, mes avocats, mon frère, ma compagne et des parents sont les victimes collatérales à cause de mes prises de position », a-t-il poursuivi.
Il a profité de l’occasion pour remercier le PMSD et son leader Xavier Luc Duval d’avoir quitté le gouvernement de l’Alliance Lepep en 2015. « Ils ont eu le courage d’empêcher que le Prosecution Bill passe au Parlement. Si cette loi avait été votée, il y a longtemps que j’aurai été On Remand dans une prison », rajoute-t-il.
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Me Valayden: « Aster pe rod fer bouncer ar mazistra »
Rama Valayden dénonce lui aussi ce qui s’est passé en Cour en disant, « je suis un ex-Pupil de sir Gaëtan Duval et je lui avais aussi demandé cela. Zame mo’nn tann la polis fer fezer dan lakour ».
L’homme de loi a réitéré son invitation au commissaire de police en vue de dissoudre la PHQ SST. « Mo fer appel a CP, disoud SST. Ou pa kapav ena bouncer kot ou. Aster pe rod fer bouncer ar mazistra », s’appesantit-il.
Il a remercié l’équipe légale qui a travaillé sur ce cas et avance que hier matin, Me Anoup Goodary avait eu la responsabilité de déposer certains éléments au bureau du DPP. « Grâce à un consultant, nous avons pu extraire des images (des caméras de surveillance) montrant qu’il y a eu Planting chez Akil Bissessur », affirme-t-il.
Rama Valayden estime que « zot pu rod repiez Akil ankor » et demande à la population d’être nou sekirite.
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Vimla Bissessur (mère d’Akil et Avinash) : « Cessez de persécuter ma famille »
Vimla Bissessur, la mère d’Akil et Avinash, demande au gouvernement et à la police, « cessez de persécuter ma famille ». Elle dit avoir donné une bonne éducation à ses fils et ces derniers savent faire la distinction entre ce qui est bien et mal.
« J’ai grandi mes enfants en leur inculquant certaines valeurs. Quand ils sont persécutés, c’est moi qui souffre, mais je ne montre pas mes émotions. Je reste forte pour eux. Je ne souhaite aucun parent innocent de passer par ce que je passe ces derniers temps », plaide-t-elle.