Rose-Belle. Cinquante ans. Un demi-siècle. Et pourtant, pour beaucoup, le 12 mai 1975 reste une date douloureusement gravée dans la mémoire collective. En moins de cinq minutes, un camion hors de contrôle sème le chaos en plein centre du village, tuant 15 personnes, dont 10 enfants âgés de 8 à 16 ans, et blessant grièvement six autres.
12 mai 1975, le jour où Rose-Belle a basculé dans l’horreur
Les faits remontent au lundi 12 mai 1975, aux alentours de 12h10. Un camion de marque Commer, immatriculé AL 248, en circulation depuis à peine dix mois, transporte 12,5 tonnes de fertilisants vers une propriété à Bel-Ombre. Le véhicule descend la route escarpée de Lapeyre, à Nouvelle-France, lorsque ses freins lâchent subitement. Aux commandes, Goolam Meeajane, 65 ans, tente de garder le contrôle. En quelques secondes, le camion prend de la vitesse. Le chauffeur, réalisant qu’il ne pourra ni stopper le véhicule ni bifurquer vers les routes secondaires de Plaisance ou de Souillac, décide de continuer vers Mahébourg, espérant une échappatoire.
Hélas ! À l’entrée de Rose-Belle, le camion devient ingérable. Il klaxonne sans relâche, zigzague, frôle des piétons, percute plusieurs véhicules. À hauteur du marché, il heurte une Austin 1300, une Volkswagen, puis fauche une fillette de 13 ans près du cinéma Capitol. Dans sa course, il traîne une Austin Cambridge sur plusieurs mètres, dont les deux occupants — Sokodé Rekha, 50 ans, et Jeekeeria Assotally, 45 ans — meurent sur le coup.
Le camion percute ensuite un groupe d’écoliers qui rentraient à la maison pour la pause déjeuner. Le camion terminera sa trajectoire dévastatrice contre deux maisons, celles des familles Souris et Thomas. Sur place, les secours découvrent un carnage : 11 morts immédiats, 4 corps méconnaissables, 6 blessés graves, dont certains enfants en état critique.
Un pays plongé dans le deuil national
Dès l’annonce du drame, l’ensemble du pays est sous le choc. Le Premier ministre en mission à l’étranger, c’est Sir Veerasamy Ringadoo qui assure l’intérim. Il ordonne la mise en berne des drapeaux nationaux, la suspension des travaux parlementaires et adresse un message officiel de condoléances et de solidarité.
Les funérailles nationales du 13 mai 1975 sont historiques. Près de 50 000 personnes prennent part au cortège funéraire à Rose-Belle — une mobilisation citoyenne sans précédent à l’époque. Les volontaires portent le drapeau national en tête du cortège. Des ministres, députés et figures de l’opposition, comme Sookdeo Bissoondoyal, Abdool Razack Mohamed et Satcam Boolell, se rendent sur place pour rencontrer les familles endeuillées.
Un traumatisme collectif encore présent
Le drame de Rose-Belle reste à ce jour le plus grave accident routier de l’histoire de Maurice. Il a marqué un tournant dans la manière dont la sécurité routière est perçue dans le pays, provoquant, dans les mois qui ont suivi, une révision des règlements de transport de marchandises, un renforcement des contrôles techniques et une prise de conscience des risques liés à la surcharge et à la vétusté des véhicules lourds.
L’une des victimes les plus jeunes, Nathalie Souris, 8 ans, ainsi que Nicole Monroe, 16 ans, figuraient parmi les enfants présents dans la maison familiale au moment de l’impact. Quatre aide-chauffeurs du camion, âgés de 26 à 31 ans, tous originaires de l’ouest de l’île, ont également péri. Leurs obsèques ont attiré près de 3 000 personnes à Cassis, témoignant de l’ampleur émotionnelle de l’événement.