Gestion des déchets – La poubelle est pleine

La gestion des déchets a toujours été un problème épineux, même pour un petit pays comme Maurice. Avec le centre d’enfouissement de Mare Chicose au bord de la saturation, il devient urgent de trouver des alternatives qui soient en phase avec notre époque. Le tri sélectif occupe un espace trop restreint, tout comme le recyclage, alors que le monde entier se tourne de plus en plus vers ces solutions. L’absence d’une vraie politique de gestions des déchets a fini par remplir la poubelle.

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Chaque année, ce sont 540,000 tonnes de déchets solides qui sont enfouis à Mare Chicose. Depuis sa création en 1997, le centre d’enfouissement a déjà accueilli 8 millions de tonnes de déchets. Selon les prévisions, il arrivera à saturation en mai 2020. Quelque 100,000 tonnes de déchets atterrissent dans la nature annuellement. D’où l’urgence de mettre en place une bonne politique de gestion des déchets.

Absence d’une vraie politique nationale.

Les solutions que semblent vouloir apporter les autorités ne sont pas compatibles avec les aspects écologiques de notre île. Un projet d’incinération de déchets est dans le pipeline, après l’épisode de 2009, où l’on avait tenté d’aller de l’avant avec la construction d’un incinérateur à La Chaumière. Dix ans après, la réflexion n’est donc pas allée plus loin. Les mêmes raisonnements archaïques sont avancés, dans l’espoir que le projet aboutisse cette fois.

Dans la tête des décideurs, l’investissement prend le pas sur la protection de l’environnement. Pourtant, les dangers liés à ce genre d’initiative sont connus. Plusieurs études montrent que les risques de cancers et d’autres maladies sont accrus pour les personnes exposées aux émanations provenant d’incinérateurs de déchets. L’institut de veille sanitaire en France a démontré que les risques de certains cancers augmentent de 20% pour les personnes exposées.

Ces tentatives d’éliminer un problème tout en sachant que la solution va en créer un autre montrent l’incompétence de nos dirigeants concernant la gestion de nos déchets. L’absence d’une vraie politique nationale est flagrante. Depuis le temps qu’on parle de tri sélectif et de recyclage, les gouvernements successifs ont toujours buté sur une mise en place de ces solutions à l’échelle nationale. À l’étranger, les exemples sont légion : différents camions viennent collecter différents types de déchets chez les gens ou dans des poubelles spécifiques à chaque type de déchets.

Le recyclage recule.

Ici, les autorités n’ont jamais réellement pu ou voulu aller en ce sens. Quelques poubelles spécifiques ont été placées, mais sans des actions concrètes pour encourager le peuple à trier ses déchets et permettre leur recyclage et leur réutilisation. Ce sont les citoyens qui ont montré l’exemple. L’ONG Mission Verte a placé une vingtaine de poubelles de tri à travers le pays, tout en s’assurant que les déchets ainsi triés sont collectés par elle. Mais l’exemple n’a jamais été suivi par les autorités. Elles n’ont jamais donné les moyens à l’ONG de le faire à une plus grande échelle.

Idem pour le recyclage. Quelques compagnies privées ont vu le jour pour soulager le centre d’enfouissement et permettre à des déchets d’être réutilisés. Mais elles n’ont jamais eu l’accompagnement nécessaire des autorités pour que le recyclage puisse se faire à l’échelle nationale. Actuellement, ce sont 7,800 tonnes de déchets qui sont recyclés chez nous et 16,000 tonnes qui sont exportés à des fins de recyclage. Ce qui représente un pourcentage minime par rapport au volume de déchets produit. Une compagnie de recyclage a récemment dû mettre la clef sous la porte en raison des difficultés financières rencontrées.

Au lieu de devenir la principale solution de l’épineux problème de la gestion des déchets, le recyclage semble reculer à toute vitesse. Comme le souligne Thierry Lebreton, consultant sur les stratégies de développement durable, “une politique nationale n’est pas la somme de ces petites initiatives”. Les autorités voient les déchets uniquement comme des déchets et non comme une ressource qui peut être revalorisée.

La pire approche.

Résultat : les services de voirie continuent à collecter les déchets mélangés chez les gens pour aller remplir le centre d’enfouissement de Mare Chicose. Les habitants de cette localité ont été délocalisés en raison des problèmes de santé dont ils étaient victimes. La nature, elle, continue de se faire agresser par les déchets entassés. “Le site d’enfouissement représente un vrai danger, car il peut contaminer le sol avec le lixiviat – le jus produit quand il pleut sur le site d’enfouissement”, souligne Vassen Kauppaymootoo, ingénieur en environnement.

Selon Thierry Lebreton, les autorités ont tendance à vouloir trouver une solution unique au problème de la gestion des déchets. “On cherche toujours une seule idée alors que c’est la pire approche possible. C’est toujours un ministre contre un autre, en l’occurrence le ministre de l’Énergie contre celui de l’Environnement. On essaye de trouver des solutions waste to energy ou d’autres de ce type-là.” Or, la gestion des déchets est un sujet complexe, nécessitant une approche intégrée. “Il faut une approche beaucoup plus concertée, qui implique davantage de participation de tous les acteurs concernés, depuis la production des déchets jusqu’aux consommateurs.”

Système dépassé.

Vassen Kauppaymuthoo estime qu’il faut une réflexion en profondeur. “Il est temps d’aller vers une méthode plus moderne. Faire une caractérisation des déchets pour savoir ce qu’on a exactement dans ces déchets. C’est ce que font plusieurs pays depuis pas mal de temps. Cela passe nécessairement par le tri sélectif et le recyclage. Le système est dépassé, il faudra trouver une méthode alternative.” Il ajoute que la gestion des déchets solides n’ira pas sans le nettoyage du pays. “On a sensibilisé, mais il faut qu’il y ait une répression. Il faut qu’il y ait un changement de comportement des gens.”

Pourtant, des solutions faciles peuvent être trouvées, pour peu que les autorités aient la volonté de les mettre en place. À commencer par les bouteilles en plastique, dont 100 millions sont produites annuellement à Maurice. “Il faut qu’il y ait une consigne sur les bouteilles en plastique. La seule façon de rendre le système efficace est de le monétiser. Sinon, ça ne fonctionnera pas. L’idéal serait de diminuer la consommation de plastique”, affirme Vassen Kauppaymuthoo. L’interdiction pure et simple des bouteilles en plastique est également envisageable. Une plus grande utilisation de bouteilles en verre peut représenter une alternative. Des initiatives telles que celles-ci peuvent être associées au tri sélectif et au recyclage pour que nos déchets ne servent pas qu’à faire déborder le vase déjà rempli de Mare Chicose.

Volume de déchets produits en augmentation

2009 : 415,948 tonnes

2010 : 427,802 tonnes

2011 : 419,697 tonnes

2012 : 422,711 tonnes

2013 : 449,192 tonnes

2014 : 458,510 tonnes

2015 : 486,455 tonnes

2016 : 483,003 tonnes

2017 : 496,729 tonnes

2018 : 543,196 tonnes

Les types de déchets produits

Alimentaire : 27%

Jardin : 27%

Papier : 14%

Plastique : 14%

Métal : 3%

Vert : 3%

Textile : 6%

Autres : 6%

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