(Villageoises) Grand-Port : Entre mer et montagnes, en attendant le retour des beaux jours

Le conseil de district de Grand-Port comprend le plus grand nombre de villages, soit 24, tout juste devant Flacq et ses 23 villages. Son territoire s’étend de 16e Mile, près de Forest-Side, à Curepipe, jusqu’à Quatre-Sœurs, sur la côte sud-est. Sur cette partie du littoral, les séquelles de la COVID-19 et du MV Wakashio sont encore douloureuses pour ceux qui vivent du tourisme et de la pêche. Beaucoup de personnes sont toujours sans emploi. Outre les grandes agglomérations, comme Mahébourg et Rose-Belle, Grand-Port comprend également de petits villages typiques, comme Bananes et Cluny, où le temps semble s’être arrêté.

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Bambous-Virieux, Bois-des-Amourettes, Camp Carol, Petit-Sable, Grand-Bel-Air, Rivière-des-Créoles, St-Hubert, Trois-Boutiques, Union Vale… Des noms de village qu’on n’entend pas tous les jours et qui, pourtant, font partie de notre région rurale. Ici, les familles vivent traditionnellement des activités de la mer et de l’agriculture. Les compagnies sucrières de Rose-Belle, Omnicane et Beau-Vallon ont marqué cette région du pays qui, au fil du temps, a évolué, avec le tourisme et les activités autour de l’aéroport.

Grand-Port abrite aujourd’hui, un hôtel Holiday Inn et un “business park” à Plaine-Magnien, ainsi que deux grands centres commerciaux à Rose-Belle et à Beau-Vallon, et divers développements fonciers, comme la Smart City d’Omnicane, à Mon-Trésor, ou encore Pointe-d’Esny, Le Village, de Beau-Vallon, à Mahébourg.

Loin des villas et des résidences pied dans l’eau, on retrouve des petits villages authentiques, nichés entre les collines et montagnes. Bananes et Cluny sont de ceux-là. On y accède en empruntant la voie à gauche, tout juste après la station-service Indian Oil de Rose-Belle. Après un long parcours au milieu des champs de cannes, on traverse alors le réservoir Eau Bleue, pour finalement arriver à Cluny. La tranquillité du petit village est troublée de temps à autre par les gros camions d’ordures se rendant au centre d’enfouissement de Mare-Chicose, situé quelques kilomètres plus loin.

Peu après l’entrée du village, on croise Sanai Gungaparsad, qui revient de la boutique du coin. Cela fait 75 ans qu’il vit ici, et il n’envisage pas sa vie ailleurs. « Il fait bon vivre à Cluny. En hiver, il fait très froid, mais en été, c’est un peu plus confortable. » Le septuagénaire se vante des infrastructures de son village : « Nous avons le terrain de foot pour les jeunes et le jardin d’enfants. » Auparavant, raconte encore Sanai Gangaparsad, on plantait du riz dans la localité. Ce qui faisait la fierté des habitants et permettait à certains d’avoir du travail. Depuis, les rizières ont été abandonnées, dit-il.

Un peu plus loin, Dhundev Gunnoo, arrive sur sa bicyclette noire. À 82 ans, ce natif de Cluny garde encore la forme. Comme Sanai Gungapersad, il se dit très fier de son petit village. Ici, précise-t-il, certains cultivaient la canne. « Mais de nos jours, le prix de la canne a baissé. Cela ne rapporte plus comme avant. Beaucoup ont abandonné. »

Le regard des aînés contraste toutefois avec celui des jeunes. Raju Seetapah fait partie de ceux qui n’ont pas leurs langues dans leurs poches. Il descend de la maison en construction où il est en train de travailler pour dire son mécontentement. « Isi enn bann ale, enn lot bann vini, pena naryen. Zame pena progre dan Cluny », martèle-t-il, pestant contre les députés de la circonscription et les conseillers du village. Montrant des hommes en gilets orange en train de procéder au marquage routier, il affirme qu’il a fallu attendre les élections villageoises pour voir une telle initiative. « Ici, on nettoie seulement quand il y a une fête. Pour Maha Shivaratree ou le Divali. Et puis quoi ? N’a-t-on pas besoin de propreté les autres jours de l’année ? » se demande-t-il.

Une perte de temps

À son avis, les villageoises sont une perte de temps. « Personne n’est vraiment intéressé à travailler pour le village. S’il n’y avait pas cette allocation, peut-être que personne ne se serait présenté pour ces élections. Il y a une rivière où on fait la prière. Allez voir son état ! » Il estime que « si le gouvernement a de l’argent, il aurait dû faire des développements » pour les jeunes, au lieu d’investir dans les villageoises. « Il y a un centre social ici, mais il n’y a ni carrom, ni tennis de table. Il faut des activités pour les jeunes, au lieu qu’ils tombent dans la drogue. »

Un peu plus loin, on rencontre Anjani Ganoo, assise derrière sa malle de gâteaux et de dholl puri. C’est un petit commerce qu’elle a lancé il y a quelque temps pour arrondir ses fins de mois. Étant née à Cluny, elle s’est habituée à l’environnement et à la vie tranquille de ce coin de verdure. Toutefois, elle concède qu’elle aurait souhaité voir plus d’activités pour les femmes dans la localité. « J’aurais souhaité qu’on aménage un endroit où les femmes et les enfants pourraient faire de la marche ou du jogging en toute sécurité. On a un terrain de foot ici, mais ce n’est pas adapté pour les femmes. De même pour le jardin d’enfants. Si on avait un espace un peu plus grand et clôturé, cela aurait été bien pour les enfants. Surtout qu’on a de gros camions qui passent par ici à longueur de journée. »

Sa voisine Karen Mava, qui passe par là, témoigne de la même situation. Elle regrette qu’il n’y ait pas assez de développement et, surtout, d’activités pour les femmes qui sont à la maison. « On aurait pu nous donner des formations. » Les femmes de la localité regrettent également de devoir aller jusqu’à Rose-Belle pour trouver un magasin ou un supermarché.

Sur la route de Bananes

Si Cluny est connu pour ses rizières, Bananes n’est toutefois pas célèbre pour ses bananeraies. Ici, on ne plante pas plus de bananes qu’ailleurs. C’est un jardin d’enfants, à l’entrée du village, qui accueille les visiteurs. Ce qui frappe surtout ici, ce sont les grandes maisons à étage érigées dans ce coin perdu, au pied de la montagne Lagrave. D’ailleurs, depuis qu’il y a un développement touristique au Domaine de Lagrave, le village s’est quelque peu désenclavé puisque les visiteurs passent par Bananes pour y parvenir. Dans les hauteurs, la vue est à couper le souffle.

Jayantee Jhoomuck est originaire de St-Hubert. Elle est venue vivre à Bananes lorsqu’elle s’est mariée. Cela fait 38 ans qu’elle a adopté ce petit coin, où elle qualifie la vie de « bien tranquille ». Contrairement à Cluny, on ne voit pas ici les gros camions, puisque la route de Mare-Chicose ne passe pas par Bananes. Les bruits qui troublent la tranquillité ici proviennent des travaux de drains en cours. « Comme vous voyez, on est en train de faire des développements par ici, et nous sommes très contents de cela. Auparavant, Bananes comptait parmi les 24 endroits les plus défavorisés de Maurice », dit-elle.

En revanche, elle confie que Bananes n’a pas d’école. Ni préscolaire, ni primaire. « Auparavant, on avait la “feeder school”, mais maintenant, on a arrêté. Les enfants doivent aller à l’école à Cluny. » Le transport routier ici est assuré par la CNT, mais beaucoup de personnes ont également leur voiture. Jayantee Jhoomuck souhaite, elle, qu’il y ait un plus grand jardin d’enfants afin que ces derniers aient plus d’espace pour jouer.
Dans sa boutique, derrière le comptoir, Sobha est témoin de l’évolution du temps. Voilà 25 ans qu’elle a quitté le nord du pays pour venir s’installer dans ce village du sud. Elle concède qu’il n’a pas été facile de s’y adapter, mais aujourd’hui, elle se dit très contente de sa vie à Bananes. « Ici, on profite de la tranquillité. Il n’y a pas l’effervescence des grands villages. Le climat est également très doux », confie-t-elle.

SUR LA CÔTE SUD-EST

La plaie du Wakashio toujours béante

La côte sud-est s’étend de Mahébourg à Quatre-Sœurs. Dans cette partie du district de Grand-Port, les gens vivent en grande partie de la pêche et des activités touristiques. Avec la pandémie de COVID-19, mais surtout avec le confinement, qui a provoqué la fermeture des hôtels, et la marée noire du Wakashio, qui a forcé les autorités à fermer les plages, la vie est devenue très difficile dans cette région. Plus de régates, plus d’excursions… Mahébourg tourne au ralenti. Les pêcheurs obtiennent bien une allocation du gouvernement, mais ils ne cachent pas leurs peines de ne pouvoir sortir en mer. « Pe koumans strese ek sa bann zafer-la. Latet fatige », confient-ils.

Les skippers, eux, se battent encore pour être reconnus. Certains n’ont pas encore reçu d’allocations depuis la marée noire. Mais ils essayent de s’accrocher. D’autres font des petits boulots. En ce qu’il s’agit des hôtels et autres “guest houses”, la réouverture partielle des frontières n’a pas changé grand-chose. On attend encore le retour des beaux jours. D’ailleurs, de la belle plage de Pointe-d’Esny, on aperçoit une partie de l’épave du Wakashio, toujours présent dans le lagon. Preuve, s’il en fallait, qu’il faudra patienter encore longtemps pour que l’accès à la mer soit rétabli.

Au niveau des activités économiques, Mahébourg est un village léthargique. L’effervescence du lundi, jour de foire, n’est plus d’actualité. Les chauffeurs de taxi attendent en vain les passagers puisque la plage publique de Blue-Bay ainsi que l’Ile-aux-Aigrettes sont toujours fermées. Akhmez Jaulim est commerçant à Mahébourg. Il affiche la grise mine face à la situation. « Les ventes ont considérablement baissé. Les gens n’ont plus d’argent et les compagnies de crédits veulent plus donner de crédit aux personnes de cette région. Du coup, nous n’arrivons pas à nous sortir d’affaires non plus. »

Ce dernier, qui est également propriétaire de la résidence touristique Coco Villa, dit subir doublement des effets de la crise. Il souhaite que le gouvernement organise des activités à Mahébourg pour encourager les gens à venir dans le village. « Par exemple, il y avait une marche à Mahébourg il y a quelque temps, et toutes les “guest houses” étaient remplies avec cet événement. » Il souhaite qu’en cette période de fin d’année, des animations culturelles puissent avoir lieu afin d’égayer Mahébourg à nouveau.

Près de 90 000 électeurs pour 24 villages
Bambous Virieux (1 136 électeurs)
Bananes (550)
Beau-Vallon (5 052)
Bois-des-Amourettes (1 423)
Camp-Carol (1 646)
Cluny (1 188)
Grand-Bel-Air (1336)
Grand-Sable (1 614)
Mahébourg (11 630)
Mare-d’Albert (3 947)
Mare-Tabac (2 270)
Midlands (2 135)
New-Grove (8 791)
Nouvelle-France (5 810)
Vieux-Grand-Port (2 146)
Petit-Bel-Air (1 078)
Plaine-Magnien (8 068)
Quatre-Sœurs (2 527)
Rivière-des-Créoles (2 421)
Rose-Belle (9 664)
Saint-Hubert (2 334)
Seizième Mille (2 024)
Trois-Boutiques/Union Vale (4 216)
Union Park (4 195)

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