Harvesh Seegolam : « Rs 10 milliards de la BoM en attendant l’indemnisation »

– « Je peux d’ores et déjà vous annoncer que les moratoires seront prolongés jusqu’à décembre 2020 »

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Dans cet entretien accordé au Mauricien en fin de semaine, Harvesh Seegolam, le Gouverneur de la Banque de Maurice, annonce une avance de Rs 10 milliards mise à la disposition des autorités mauriciennes en faveur de ceux impactés par l’échouement du MV Wakashio et les risques sur le plan environnemental. Il indique également que les moratoires annoncés par la Banque centrale dans le cadre des mesures visant à amortir l’impact de la COVID-19 sur l’économie mauricienne seront prolongés.

Après la COVID-19, l’échouement du Wakashio vient-il plomber davantage la situation économique du pays ?

La mission de la Banque centrale consiste à promouvoir le développement économique soutenu et ordonné. C’est dans le cadre de ce mandat que nous agissons de concert avec le gouvernement, tant sur le front de la COVID-19 que du MV Wakashio. Pour répondre à la crise de COVID-19, le gouvernement et la Banque de Maurice ont mobilisé Rs 140 milliards supplémentaires pour soutenir et relancer notre économie. Au travers de ce montant global, ont été mis à disposition : Rs 20 milliards pour le roulement des fonds des entreprises systémiques ; Rs 30 milliards de roupies pour les investissements stratégiques ; Rs 10 milliards spécifiquement pour les Petites et moyennes entreprises ; Rs 30 milliards pour financer des projets d’investissements publics majeurs. En ce qui concerne le MV Wakashio, pour faire face aux conséquences de l’échouage et plus largement aux enjeux ayant trait à l’environnement, la Banque centrale va mettre à la disposition du gouvernement une avance initiale d’un montant de 10 milliards de roupies. Cette avance se fera sous forme de prêt, une ligne de crédit. Et ce, dans l’attente que l’État reçoive l’indemnisation pour les dommages causés. N’oublions pas que la promotion du Green and sustainable Mauritius est l’une de nos priorités.

Comment se porte la Mauritius Investment Corporation trois mois après sa création?

Je tiens à rappeler que la MIC possède une capacité d’investissement de 2 milliards de dollars, soit 80 milliards de roupies. L’objectif de la MIC est d’atténuer la contagion du ralentissement économique au secteur bancaire, limitant ainsi les risques macroéconomiques et financiers. À ce titre, la MIC fournit un soutien financier aux opérateurs économiques systémiques nationaux en difficulté. La MIC vise également à garantir et à accroître la richesse financière des générations actuelles et futures tout en assurant la stabilité du secteur bancaire. À l’heure où je vous parle, il m’a été rapporté que ce sont presque Rs 20 milliards qui sont en train d’être déboursées par la MIC, dont Rs 10 milliards rien que pour les distressed hotels et Rs 2 milliards pour le secteur manufacturier. Des demandes émanant de divers secteurs de la pharmaceutique et de la technologie vont également bon train et sont actuellement à l’étude au niveau de l’Investment Committee institué.

Quel est le constat économique de la BoM dans la conjoncture ?

Depuis le premier jour de la crise, nous avons mis en place un système de suivi et de réponse proactif et efficace. La Banque de Maurice est en alerte maximale, nous sommes pleinement mobilisés. Tout l’arsenal dont dispose la Banque est en train d’être actionné pour avoir des résultats non seulement rapides mais aussi durables. Nous ne sommes pas à court de ressources. Bien que les entrées en devises étrangères aient diminué de presque 50% en raison de la crise, il n’y a aucun manque de devises sur le marché grâce à notre politique monétaire et notre politique de taux de change. La Banque centrale a mis à la disposition du marché local 2 milliards de dollars.  Nous nous sommes engagés dans une politique monétaire en faveur de la reprise, à travers une baisse historique du taux directeur. Je vous affirme ma pleine détermination à faire sortir Maurice de la crise. Au niveau du secteur bancaire, le système est solide et continue à faire preuve de résilience. La demande de crédit est en hausse, ce qui démontre la bonne santé de notre système bancaire. Mon rôle est, entre autres, de protéger le système bancaire et l’économie qui pourront difficilement résister à un second confinement. D’ailleurs, dans ce sens, je peux d’ores et déjà vous annoncer que les moratoires seront prolongés jusqu’à décembre 2020.

Pourtant, l’on compte aussi les sceptiques qui affirment que la situation économique va empirer…

Nous avons déjà fait beaucoup, et rien ne nous arrêtera pour continuer à soutenir les Mauriciens et leurs entreprises, qui constituent le ciment de notre réussite socio-économique. Il est de notre devoir en tant que Banque centrale d’assurer la prospérité du pays. À cet effet, la Banque de Maurice a déjà mis en place un grand nombre de mesures qui, je vous le dis clairement, produisent des résultats positifs. En des termes concrets, cela se traduit par une reprise de la demande locale et un retour à un niveau de consommation normal. L’économie reprend. L’économie va mieux. La contraction économique, bien que réelle, ne se fera pas ressentir de façon sévère sur les ménages mauriciens. Le chômage ne va pas exploser. La confiance est là ! Les centres commerciaux, les supermarchés sont pleins. Le nombre de véhicules mis sur route pour le mois de juillet 2020 est même supérieur au chiffre de l’an dernier à la même période. Ces chiffres ne trompent pas. Les Mauriciens ont retrouvé leurs habitudes et se tournent de plus en plus vers le marché local. Ceux qui avaient pour habitude de faire leur shopping à l’extérieur, se tournent de facto sur le marché intérieur. Cette reprise s’explique par les efforts cumulés déployés par le pays.

N’empêche que dans la réalité elles sont nombreuses les compagnies qui font la queue devant le Redundancy Board…

Il y a eu des aides directes et indirectes qui ont été octroyées aux employés du secteur privé par le biais du Wage Assistance Scheme et aux Self-Employed via le Self-Employed Assistance Scheme. Ce sont quelque Rs 25 milliards qui ont été utilisés et qui continueront à l’être jusqu’en juin 2021. Je tiens à rappeler qu’à un certain moment, ce sont presque 500 000 employés du secteur privé qui ont été rémunérés par l’État. Il est inacceptable de voir que certains, par idéologie et égoïsme, ne prennent en compte que leur propre intérêt. Ils n’ont que faire du bien commun du pays. C’est grave! Nous notons également que certains font preuve de mauvaise foi. Alors que nous les soutenons financièrement avec des conditions plus que favorables, en parallèle, ils prennent publiquement des positions qui vont à l’encontre du bien du pays. Soyons clairs, sans notre aide, ces compagnies seraient en faillite. Des dizaines de milliers de Mauriciens seraient au chômage et les investisseurs auraient tout perdu. Je déplore cette attitude contre-productive pour le pays. Ne jouons pas avec le feu. La stabilité de Maurice a permis au pays de progresser économiquement et socialement depuis l’indépendance. Le chômage n’a pas connu de flambée. Nous comptabilisons 45 000 demandeurs d’emploi. Cela est bien loin des 100 000 chômeurs prévus comme conséquence de la crise économique liée à la COVID-19. C’est l’indication que les mesures mises en oeuvre au travers du Plan de relance produisent les effets escomptés. D’ailleurs, j’encourage les observateurs à analyser ce qui se passe au-delà de nos frontières. En Australie, aux États-Unis, pour ne citer que quelques pays, l’emploi est mis à mal, le chômage est entré dans une course folle.

Pourquoi semble-t-il que la Banque de Maurice a durci le ton vis-à-vis de plusieurs banques commerciales dernièrement ?

La Banque de Maurice est le régulateur des banques, et ne transige avec aucune règle qu’elle impose à ses opérateurs. En vertu de son mandat, elle supervise le secteur et s’assure que les banques soient résilientes aux chocs et inspirent confiance. Comme je l’ai déjà affirmé à plusieurs reprises, la rigueur est le principe directeur du secteur bancaire. J’y attache une importance capitale. Et pour cause, la Banque centrale a dernièrement pris un certain nombre d’actions et de sanctions en vue de protéger les intérêts des dépositaires et faire en sorte que l’écosystème bancaire mauricien maintienne un niveau de stabilité et de confiance élevé. À cet effet, plusieurs remises en ordre ont été conduites. La Banque de Maurice continuera à faire ainsi. À la suite d’une importante consultation auprès des banques sur l’exposition transfrontalière, nous avons amendé le Guideline on cross-border exposure afin de redéfinir les exigences minimales que les banques commerciales doivent respecter.

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