(Hippisme) Bilan 2020 : Une saison plombée par la Covid-19

C’est dans un contexte inédit et particulier que s’est déroulé la saison hippique mauricienne 2020 qui a été frappée de plein fouet comme la plupart des secteurs économiques mondiaux par les répercussions de la Covid-19 qui sévit depuis plus d’un an déjà. Ainsi, le Mauritius Turf Club n’a pu respecter son calendrier initial qui devait comporter 43 journées, dont 4 optionnelles, et qui devait démarrer le 21 mars. Renvoyé une première fois au 28 mars en raison du temps inclément, le début de la compétition a été mis en veilleuse suite à la découverte des premiers cas de Covid-19 à la mi-mars qui a résulté à l’annonce du confinement national.

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C’est avec un retard de 13 journées, soit le 20 juin que le coup d’envoi a été donné après l’approbation du gouvernement d’un protocole sanitaire strict sur l’hippodrome. Ainsi, les trois premières journées se sont déroulées à huis clos, sans bookmakers et propriétaires. Ces derniers sont montés au créneau, dénonçant le manque de considération à leur égard alors qu’ils représentent un maillon essentiel de cette industrie. En revanche, le Tote et le SmsPariaz étaient opérationnels en dehors du champ de courses. Le pari était risqué, mais le manque de liquidités n’offrait pas au MTC d’autres possibilités que de démarrer sous certaines contraintes comme l’annonce d’une baisse de 40% des stakesmoney, un coup dur pour les entraîneurs et propriétaires. Le Président du MTC, Kamal Taposeea avait même déclaré «Il fallait choisir entre le huis clos ou fermer le MTC jusqu’au déconfinement total», afin de justifier ces décisions impopulaires dans ces moments difficiles. Au bout du compte, le calendrier a été reprogrammé et la saison écourtée sur six mois avec seulement 32 journées.

Rousset et Juglall champions

Avec les contraintes liées à la fermeture des frontières, seuls deux jockeys étrangers, Derreck David et Cédric Ségeon, qui étaient attachés à Rameshwar Gujadhur et Patrick Merven, étaient sur place pour démarrer la saison. L’Indien Imran Chisty, puis le Sud-Africain Bernard Fayd’herbe et le Chilien Manuel Martinez ont débarqué durant la saison avec l’ouverture graduelle des frontières mi-septembre/début octobre pour le compte de Daby, Allet et Sewdyal respectivement afin de pimenter la compétition. Les autres entraîneurs ont fait confiance aux local boys. Une occasion pour les Joorawon, Allyhosain et Aucharuz de réaliser un bon score alors qu’on a vu l’émergence en fin de saison de l’apprenti Abhishek Sonaram qui a inscrit 8 victoires sur 37 montes.

Au classement, Derreck David est longtemps resté en tête, mais il a été rattrapé en fin de saison par le jockey de Gilbert Rousset, Nooresh Juglall, qui a profité de la démission du Sud-Africain à la veille du dernier week-end hippique pour inscrire sa 31e victoire de la saison et se voir décerner la cravache d’or, une récompense qu’un Mauricien obtient 29 ans après le sacre de Vijay Anand Bundhoo.

Chez les entraîneurs, Gilbert Rousset s’est offert un neuvième titre de champion avec 32 victoires pour Rs 7.3M récoltées en terme de gains sans avoir remporté la moindre épreuve classique en 2020. À ce chapitre, c’est Ramapatee Gujadhur qui a été le plus prolifique avec la Duchesse et la Coupe d’Or enlevées par Ehsaan et Black Cat Back respectivement, alors que Rameshwar Gujadhur et Ricky Maingard ont enlevé le Barbé et le Maiden par l’entremise de White River et Alshibaa respectivement. Avec plus de Rs 6M chacun, Rameshwar Gujadhur et Ricky Maingard complètent le podium devant Vincent Allet qui a, lui, remporté le plus grand nombre d’épreuves cette année.

Le MTC asphyxié

Comme on le prévoyait, la Covid-19 a mis le MTC à genou. Asphyxié – étant resté près de 7 mois sans revenus depuis décembre –, le Club de la rue Eugène Laurent, déjà déficitaire de près de Rs 6M à la fermeture de ses comptes au 31 décembre 2019, a été contraint de frapper à la porte des banques pour garder la tête hors de l’eau. Il a dû aussi avoir recours au Wage Assistance Scheme (WAS) mis en place par le gouvernement dans le cadre du lockdown, pour assurer le salaire de ses employés. Dans un élan de solidarité, le Top Management a même consenti à une baisse de salaire à hauteur de 35% avec comme objectif d’aider le club dans ses finances.

Il faut aussi faire ressortir que dans ce contexte marqué par l’incertitude et le manque de visibilité sur le court et moyen terme, le MTC n’a pu compter sur le soutien de ses sponsors habituels. Avec une économie sous respiration artificielle, ils étaient peu nombreux les entreprises à se bousculer pour sponsoriser une journée hippique. Ce qui a rendu la tâche du MTC encore plus difficile. Ce n’est qu’en fin de saison que quelques sponsors se sont manifestés. Mais encore !

Ajouter à ce désert au niveau du parrainage, le manque à gagner conséquent provenant des bookmakers lors des trois premières journées à huis clos. En tant normal, les revenus provenant des opérations des bookies dites fixed-odds, contribuent à la hauteur de 80% des revenus du MTC. Seuls les deux compagnies du Tote (ASL qui opère sous l’entité commerciale Supertote et Globalsports Ltd sous celle de Totelepep) et le SMsPariaz, étaient autorisés à opérer dans le contexte du huis clos, avec comme condition qu’ils allaient reverser un pourcentage plus élevé que d’habitude sur leurs redevances.

À ce chapitre, certains pensent que les conditions de reprise à huis clos ont été imposées par le magnat des paris, bailleur de fonds du gouvernement, pour bénéficier d’un boulevard sur l’autoroute du betting, ce qui ne l’a pas empêché de faire une sortie de route dès la première journée avec les couacs qui ont enrayé son système informatique provoquant le mécontentement de nombreux parieurs.

Le MTC a aussi été privé de revenus provenant des activités connexes, telles la location des loges et des échoppes et la vente de cartes d’entrée. Pour pallier à ce manque, le MTC n’a pas eu d’autre choix que d’aménager un calendrier répondant aux réalités du moment avec plus de week-ends et des journées à 9 courses. D’ailleurs, c’est la première fois dans les annales du MTC qu’une saison s’étend au-delà du 10 décembre. Il avait même été question d’organiser des courses en janvier 2021 avant que cette idée ne soit abandonnée, les conditions ne s’y prêtant pas.

Qu’attendre de 2021 ?

La saison ayant pris fin le 20 décembre dernier, l’heure est au bilan et la question qui taraude les esprits est quelle sera la répercussion de 2020 sur le calendrier 2021 ? D’emblée, il faut admettre que la Covid-19 a mis au grand jour le manque d’audace et de vision du MTC. Son modèle économique qu’il adopte actuellement ne fonctionne plus et en répond encore moins aux nouvelles réalités imposées par les temps modernes. Mettre les choses en perspective et réfléchir sur comment amener le MTC, aujourd’hui bicentenaire, à renouveler les défis du 21e siècle est déjà un bon pas en avant. La Covid-19 peut donc servir de prétexte pour mettre les courses sur la voie de la modernité.

Déjà, l’idée de faire du MTC une compagnie privée, selon les dispositions du Companies Act 2001, est bien accueillie. Mais cela ne doit pas être fait au détriment de l’intérêt général des courses. « Tout le monde sait aujourd’hui que la GRA fonctionne aux ordres, non pas de son ministère de tutelle ou du gouvernement, mais de celui qui soudoie la conscience des faibles. Celles d’avides de récompenses argentées pour obtempérer à ses vils objectifs » soulignait à juste titre l’éditorialiste de Turf Magazine récemment.

Ce qui l’a amené à s’interroger sur ce généreux mécène qui s’est porté acquéreur d’une cinquantaine de chevaux en Afrique du Sud a être répartie entre cinq établissements en vue de relancer la machine, alors que tous les stakeholders savent pertinemment que 2021 s’annonce sous de mauvais auspices avec un nombre conséquent de propriétaires commençant déjà à prendre leurs distances du monde hippique.  Pour certains parce que cela devient de plus en plus insoutenable financièrement et pour d’autres parce qu’ils ont bu le calice jusqu’à la lie dans un contexte on ne peut plus difficile et particulier. Donner à l’hippisme un second souffle oui, mais pas  à n’importe quel prix !

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