HUMAN STORY— Cri du cœur d’une mère meurtrie : « Eléana, mo ti marsan lamisik, bizin lazistis ! »

Elle s’accroche encore à ce fragment de vie rien que pour encadrer ses trois enfants. Mais dans sa douleur de mère meurtrie, Mirella Gentil n’a pas oublié le meurtre atroce de sa petite fille, Eléana, 11 ans, violée, décapitée, et dont le corps avait été retrouvé un 15 avril 2015 en état de décomposition, projetant du même coup les habitants de Cité-Anoska dans un grand émoi. Un crime crapuleux menant à la décapitation d’un enfant parti trop tôt à la fleur de l’âge, et qui avait ce désir de devenir slameuse. “Enn ti marchand lamisik”, comme elle le chantait pour auréoler les rêves de ses proches et amener du bonheur dans les foyers.

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Six ans après les faits, le meurtrier James Ramasawmy, dont l’ADN avait été confirmé sous les ongles d’Eléana, a avoué son crime. Mirella Gentil souhaite que justice soit faite et que, s’il est vraiment coupable, sa sentence soit communiée en souffrance pour avoir ôté la vie d’un enfant dont les rêves ont volé en éclats, brisés en toute innocence.

Cité-Anoska, dans une maisonnette en tôle presque décrépie. Mirella Gentil, 36 ans, a encore la force de croire que justice sera rendue à sa fille, Eléana. Son cœur de mère a besoin de s’exprimer, d’évacuer tout ce vague à l’âme qui la tenaille depuis tant d’années déjà. Elle a toujours du mal à croire que James Ramasawmy, qui a un lien de parenté avec un de ses oncles, soit le meurtrier de sa fille. Pourquoi toute cette violence sur sa fille, qui, au moment des faits, n’avait que 11 ans ? Une innocence bafouée entre les mains d’un homme qu’elle avait accueilli chez elle et qu’elle croyait sincère.

« Li ti trouv mo tifi zoli. Pa pou sa mo bizin dir li enn violer. Mank fam, kifer mo tifi ? » Ces mots, elle les prononce avec rage, avec ce besoin viscéral d’évacuer cette incompréhension marquée de frustration. « Linn kraz latet mo tifi ek enn ros. Li bizin peye si li mem inn fer sa. Il doit y avoir une justice sur Terre. Ce n’est pas à moi de dire si c’est lui ou pas. Je n’ai rien vu, pas même le cadavre de ma fille. C’est ma mère, Claudette Perrine, qui m’a appris que ma fille avait été décapitée après avoir vu son petit corps inerte », raconte-t-elle, le coeur gros.

Mirella retient ses larmes. Sa force de mère se décuple, comme animée par une fureur de vivre pour rendre justice à sa fille, partie à la fleur de l’âge… « Ma fille était une slameuse douée qui avait créé ses rythmes de base de slam sur l’air d’un Mwa mo enn ti marsan lamisik. » Le visage de Mirella s’illumine soudainement, laissant filtrer par la fenêtre de son salon un halo de lumière. Elle se remémore sa vie, en tant que femme ayant raté le coche en amour, seule à élever  ses enfants avec le soutien de sa mère et de son entourage. Sa vie d’avant, elle la décrit avec, dans le regard et dans des mots teintés d’éclats : « Enn zoli ti lavi ek kat zanfan. »

Travaillant comme jardinière, elle faisait le va-et-vient entre son boulot et la maison. Ses enfants étant avec leur grand-mère, quand elle rentrait dans sa maisonnette, Mirella les couvrait d’amour en les écoutant raconter leur journée. Elle se décrit alors comme une mère célibataire se devant de s’accrocher à son travail pour gagner son pain quotidien. Pâle reflet de son existence qui contraste, sur le moment, car Mirella est aujourd’hui sans emploi.

Edouarda, ou Eléana, comme elle se plaît de le dire, aimait jouer avec des enfants plus jeunes qu’elle et aimait slammer, comme animée par un talent oratoire inné. Au réveil, raconte-t-elle, le thé était préparé par Eléana. Son bain pris, la petite criait à tue-tête : « Monn pare pu al lekol ! »

Un talent oratoire inné

Au retour, Eléana était toujours en quête du repas préparé par sa grand-mère et, quand elle voyait les brèdes dont elle raffolait, elle s’en mettait plein les mains pour faire sa mère apprécier le bon repas mitonné. Mirella décrit sa « poupette » Eléana comme une bouffée d’oxygène, qu’elle distillait auprès de ses proches. Jamais elle n’aura été une enfant à problème. Elle sermonnait même sa mère du haut de ses 11 ans en lui disant : « Ma, il ne faut pas que tu trinques. Un petit verre par là peut te mener à la chute, même si tu ne trinques qu’une fois. » Mirella en rit de bon cœur, car sa fille était en quelque sorte son ange gardien. « Mon unique regret est de ne pas avoir su la protéger.  Elle m’avait pourtant chanté une fois une chanson qui parle de crime, de violence, et j’avais aimé son talent, sans penser que le drame allait se jouer dans ma propre famille. »

Et pour cause : Cité-Anoska, petit quartier niché sur les hauteurs de 16e Mile, à Forest-Side, allait devenir le théâtre d’un crime atroce. C’est au lendemain d’un baptême fêté en liesse chez une cousine que Mirella s’aperçoit que sa fille s’est volatilisée dans la nature. Elle explique que le jour de la fête, elle avait vu sa fille revenir de l’église et qu’elle voulait goûter aux plats de la fête : « Mo dir li : Nou pa kot nou, al kot granmer si to le manz enn ti kitsoz. Apre to vini !. Et le soir de la fête, je lui ai parlé en lui disant : Aret galoupe, get to tiser. Linn dir mwa : Ma, mo bien get mo tiser enn lazourne, less mwa zoue in pe ! »

Sa fille est alors repartie à la fête, jouer avec les enfants. Et comme sa mère indique qu’il est de coutume, lors des fêtes, de rester chez les proches, elle n’a donc pas remarqué la disparition de sa fille. Mais le lendemain matin, toujours aucune trace d’Eléana. Mirella commence alors les recherches et décide finalement de se rendre au poste de police de la localité.

Pendant plusieurs jours, des battues seront organisées, soit dès le 6 avril 2015. Avant que son corps ne soit finalement retrouvé en état de décomposition une dizaine de jours plus tard, le 15 avril, dans une région boisée de Lapeyre, à Nouvelle-France, à deux kilomètres de l’endroit où s’était déroulée cette fête fatidique.

« James inn donn nou koudmin rode »

Un premier suspect sera arrêté, en l’occurrence un certain Arnaud Boodram, qui était déjà fiché. Mirella explique à son propos que c’était une erreur de parcours, et que personne ne soupçonnait à cet instant que James Ramasawmy, le neveu de son oncle, qu’elle considérait comme un membre de sa famille, était en fait le meurtrier. Cruelle vérité.

« James avait des vues sur ma fille sans que je ne m’en rende compte. Linn donn nou koudmin rode. La CID a embarqué toutes les personnes qui étaient à la fête, et James a été un des premiers à se soumettre à un test ADN. » La police a alors vu du premier coup que l’ADN correspondait aux traces génétiques découvertes sous les ongles de sa fille. « Ce qui est terrible, voire terriblement cruel c’est que James a participé aux recherches pour retrouver ma fille. Six ans après, James a avoué son crime. Li bizin peye si li mem inn komet sa krim-la. Je l’ai vu en Cour, il ne m’a rien dit. James est père de famille et j’ai vu sa mère, qui m’a donné une poignée de mains en Cour en me demandant si son fils était à l’intérieur », poursuit la mère de la petite victime.

Mirella dit avoir « enn laenn dan mo leker ». Elle poursuit : « Je n’ai pas pu faire mon deuil. Je n’ai pas vu le corps de ma fille. Ma mère l’a reconnue. Elle ne portait que le haut. Son corps avait été jeté dans les bois par le meurtrier. C’est inacceptable ! Il faut que James croupisse en prison et qu’il ressente les mêmes souffrances qu’il a faites à ma fille. Li finn viol li ek touy li. Li pa ti travay, e li ti pe bwar boukou ! »

Mirella lance un message aux violeurs d’enfants en leur disant de changer leur mode de vie et de ne pas commettre de crime envers d’autres humains. « Je veux avoir un face-à-face avec James, dont l’ADN a été retrouvé sous les ongles de ma fille et qui a avoué. Si James l’a fait, il doit souffrir de la même façon qu’il a fait souffrir ma fille. Je n’ai pas eu les détails des sévices qu’il lui avait fait subir, mais je suis prête à écouter ses explications pour comprendre son acte. Et, surtout, qu’il me dise si ma fille avait agonisé pendant plusieurs jours et comment elle avait été décapitée. »

Son rôle de mère, Mirella dit l’avoir assumé. Notamment en enseignant le respect à ses enfants. « Mo ti donn ti kalot, pou korize, me lor rezon, pou ki zot lavenir pa gate. James a une fille. Je ne connais pas sa femme et je laisse tout entre les mains de Dieu. S’il est coupable, donn li kondanasyon a vi. Mo pa zis li parski mo pena okenn detay. » Sauf que le corps de son enfant est resté en état de décomposition pendant huit jours. D’où sa question adressée à James : pourquoi cette insensibilité et autant de cruauté pour assouvir ses pulsions sur une enfant de seulement 11 ans ? « Mo pa souet lamor personn, me li bizin peye si li koupab », lâche-t-elle.

Mirella Gentil dit que sa dernière fille, qui était proche d’Eléana, est toujours traumatisée. Elle n’ose pas faire revenir vivre auprès d’elle ses enfants et lance un appel aux autorités pour lui permettre d’avoir une maison en mémoire de sa fille et qu’elle puisse élever ses trois autres enfants. Elle est aussi à la recherche d’un tricycle pour pouvoir vendre de la nourriture, car elle a déjà un permis, mais pas d’emplacement.

Claudette Perrine, 59 ans, la grand-mère, raconte de son côté avoir vu le corps de sa petite-fille, décapitée. Bien qu’on le lui ait déconseillé de le faire, elle a insisté. « Monn pran enn leker pou mo trouv lekor Eléana dekapite. Li finn bizin agonize plizier zour avan li mor. » Elle qui a élevé Eléana entend encore sa petite-fille l’appeler « maman » et l’aider à jardiner.  « Li ti konn fer slam e li ti sante: Mwa mo enn marsan lamisik, mo kontan sante, danse, amize, nou tou bizin amize. »

La dernière fois qu’elle a vu sa petite-fille, c’était  lorsqu’elle s’était rendue à la fête. Claudette explique que cette année, elle a pris la photo d’Eléana entre ses mains et lui avait demandé : « Montre-moi le visage de  ton meurtrier. To bizin montre mwa simin-la. Je n’accepte pas qu’il t’ait défigurée ! » Aujourd’hui, elle se dit soulagée de voir que James est finalement passé aux aveux pour son crime odieux. « Je ne sais pas si mes prières ont été exaucées, mais je remercie Dieu ! »

Avec sa fille, Mirella, Claudette entonne : « Mwa mo enn ti marsan lamisik ! » Comme pour dire que là-haut, les anges veillent sur leur petite Eléana.

 

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