Industrie locale : la crise économique n’épargne pas le marché de la vanille

  • Baisse de 20% des activités chez Bourbon Vanilla
  • Nicolas De Lapeyre : « Les prix de la vanille sont très volatils »
  • Le marché est dicté par Madagascar, qui demeure le plus gros producteur

La vanille est un produit “premium” qui attire beaucoup de convoitise, mais requiert beaucoup de capital et d’expertise pour sa production, sa préparation, sa transformation et sa commercialisation. Bourbon Vanilla, filiale du groupe Taylor Smith, est bien placée pour le savoir, puisqu’elle est dans le business de la vanille depuis 2007. Ce secteur n’a pas été épargné par la COVID-19 et la crise économique. Bourbon Vanilla a en effet vu ses activités chuter de 20% cette année.

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L’entreprise importe de la vanille de Madagascar, qui est le premier producteur mondial (2 000 tonnes par an) et qui fournit 80% du marché. La vanille importée par Bourbon Vanilla est conditionnée dans le nord-est de Madagascar, car l’entreprise achète des gousses vertes auprès de petits planteurs malgaches. Ces gousses sont préparées avec soin pendant six mois, avant d’arriver à Maurice pour être conditionnées et empaquetées pour l’exportation.

Bourbon Vanilla a démarré ses opérations en 2007. Son cœur de métier est la commercialisation et la transformation de la vanille et elle figure parmi les plus gros importateurs de vanille à Maurice. « Initialement, on exportait plutôt vers l’Angleterre et on faisait des coffrets-cadeaux, surtout pour le marché hôtelier. Puis, nous avons évolué et nous sommes lancés dans la grande distribution au Danemark grâce à un distributeur que nous avions rencontré lors d’un salon », raconte Nicolas De Lapeyre, General Manager.
Aujourd’hui, Bourbon Vanilla propose à la clientèle locale, aux touristes et aux marchés internationaux de la vanille sous toutes ses formes : gousses, poudre et pâte. Ses produits sont notamment vendus par une grande chaîne de supermarchés du Danemark. Pour commercialiser ce produit “premium”, l’emballage est primordial afin de séduire le client mais il faut surtout bien le conditionner pour assurer sa qualité. Bourbon Vanilla s’est aussi positionné dans le segment du “private labelling”, c’est-à-dire en commercialisant sa vanille avec des emballages spécifiques à la requête des clients, avec leur propre marque. « Le client choisit sa marque et nous demande un packaging spécifique », dit Nicolas De Lapeyre.

Outre le Danemark, l’entreprise exporte vers plusieurs pays scandinaves, vers la France, l’Allemagne et d’autres pays européens, mais aussi vers Taïwan, l’Inde, l’Afrique du Sud, Dubayy et les États-Unis. La majeure partie des exportations concerne les gousses de vanille, qui comptent pour 70%. Le reste est vendu sous forme de poudre ou de pâte. L’entreprise fournit aussi de grands chefs européens qui incorporent la vanille dans leurs menus gastronomiques. Mais Nicolas De Lapeyre s’empresse de préciser que le marché évolue constamment et que chaque année peut être différente de la précédente. Bourbon Vanilla mise sur la traçabilité dans toutes les étapes de production : « La traçabilité est primordiale et les clients veulent savoir à qui exactement ils ont affaire et avec quels planteurs ils travaillent. »

Sa valeur demeure très volatile

Après la cueillette à partir juin/juillet, vient la préparation de vanille qui est un long processus qui peut durer jusqu’à janvier ou février de l’année suivante (soit environ six mois). « Ce processus permet d’assurer que le produit est stable et gourmet. C’est-à-dire qu’il ne va pas moisir ou fermenter. Le processus se fait dans notre unité de transformation que nous opérons sur place à Madagascar et où travaillent 50 personnes. Le planteur nous vend la vanille verte, puis nous faisons l’échaudage et la préparation pour l’exportation. Cela prend six mois, car il faut procéder à l’affinage de la vanille, la mettre à sécher à l’ombre et au soleil et la masser », explique-t-il.

Arrivée à Maurice, la vanille est entreposée dans les locaux de Bourbon Vanilla, à Riche-Terre, où elle doit être contrôlée régulièrement. Elle est ensuite conditionnée et emballée en fonction de la demande du marché, c’est-à-dire au fur et à mesure. Bien entendu, dans l’entrepôt, l’humidité et la température sont rigoureusement contrôlées, afin de ne pas nuire à la qualité du produit. « Si elle est mal préparée, la vanille est fragile », souligne Nicolas De Lapeyre.

La vanille a beau être un produit “premium” sur le marché mondial, sa valeur demeure très volatile. « Les prix sont très volatils. D’une année à l’autre, ils peuvent chuter de moitié ou doubler ! Cela dépendant de plusieurs facteurs : si la floraison est bonne, on se retrouve avec un excédent de vanille sur le marché. S’il y a un cyclone, une mauvaise floraison ou des intempéries, cela impacte sur développement de la vanille. Cela d’autant que le nord-est et nord-ouest de Madagascar sont des régions très à risque concernant les cyclones. Avec une production annuelle de 2 000 tonnes, c’est Madagascar — le plus gros producteur — qui dicte le marché mondial. La vanille est d’ailleurs le second pourvoyeur de devises à Madagascar, après le nickel. Mais il y a d’autres pays producteurs comme l’Ouganda, les Comores, la Tanzanie, l’Inde et l’Indonésie », explique le General Manager de Boubon Vanilla. Il ajoute : « Il y a de plus en plus de producteurs, mais la référence, en termes de volume et de qualité, reste Madagascar. À Madagascar le sol est meilleur, ainsi que le climat et en termes de préparation de la vanille, les Malgaches ont une longueur d’avance sur le reste du monde. »

Se montrer flexible

Si le marché fluctue, l’entreprise mauricienne dit cependant noter que, depuis ces dernières années, beaucoup de particuliers s’intéressent à la pâtisserie et que cela fait monter la demande dans le “Retail”. « Aujourd’hui, il y a de plus en plus de gens qui veulent faire leurs propres gâteaux et cela fait monter la demande individuelle », dit notre interlocuteur. Toutefois, cette année, Bourbon Vanilla n’a pas été épargnée par la pandémie et la crise économique. « La COVID-19 a changé les habitudes des consommateurs et on attend de voir comment les clients vont réagir et comment le marché va évoluer », dit-il.
Bourbon Vanilla affiche une baisse de 20% de ses activités, car les ventes ont chuté dans les supermarchés locaux et les hôtels sont fermés depuis plusieurs mois avec la disparition de la clientèle touristique. « Tout ce qui est lié au tourisme et à la fermeture des frontières est impacté par la crise », lâche Nicolas De Lapeyre. Il en est de même pour le marché d’exportation. « La demande a changé. Le secteur de la restauration a chuté et la demande des industriels (glaciers et gâteaux préfabriqués) a aussi baissé », ajoute-t-il. Loin se laisser abattre, Bourbon Vanilla préfère trouver les moyens de se réadapter et de se montrer flexible. Elle n’a licencié aucun employé. L’avenir pour cette entreprise locale, réside évidemment dans une production de vanille directement sur place à Madagascar, au lieu de l’importer à Maurice pour la commercialiser. Mais Nicolas De Lapeyre n’en dira pas plus à ce stade…


« Vaynilla » sur les rayons

Lancé en 2008, le label « Vaynilla » commercialisé par Bourbon Vanilla sur les rayons des supermarchés mauriciens, a graduellement évolué. Plusieurs produits à base de vanille sont aujourd’hui proposés sous cette marque : gousses de vanille, pâte de vanille, sucre vanillé, sel vanillé, miel à la vanille, extrait de vanille traditionnel ou avec 0% d’alcool. La vanille semble avoir de beaux jours devant elle. « Elle se réinvente avec les chefs, qui créent et inventent de nouvelles recettes », dit Nicolas De Lapeyre.


On doit la vanille à un esclave

La vanille est le fruit d’une orchidée, la planifolia. C’est au Mexique que la culture de la vanille a démarré et c’était une abeille, la Melipone, qui s’occupait de la pollinisation. Ces abeilles ne sont pas présentes dans l’océan Indien et, pendant des années, la culture de vanille ne portait aucun fruit malgré de belles floraisons. C’est un jeune esclave réunionnais de 12 ans qui a découvert les fameuses gousses de vanille. Cet esclave, Edmond Albius, a découvert la méthode de pollinisation manuelle en 1841. Il était parvenu à produire des gousses de vanille dans le jardin de son maître, à la grande surprise de ce dernier. Personne auparavant n’avait réussi à féconder la vanille et cette pratique se poursuit encore aujourd’hui. C’est en 1880 que la vanille de La Réunion est arrivée à Madagascar. La vanille se récolte une fois l’an, de juin à août. Une fois cueillies, les gousses de vanille doivent être préparées pendant de longs mois avant d’être prêtes à être consommées et appréciées. Depuis 1964, avec la création de l’AOC Vanille Bourbon, la Vanille Bourbon de Madagascar comme celle de Mayotte, de Maurice et de La Réunion, peuvent bénéficier de l’appellation Vanille Bourbon.

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