Interdiction de l’avortement en Irlande du Nord: la Cour suprême se prononce jeudi

L’Irlande du Nord enfreint-elle les droits de l’Homme en interdisant presque totalement l’avortement? La Cour suprême britannique rendra jeudi une décision qui pourrait entraîner un nouveau casse-tête pour le gouvernement de Theresa May, déjà empêtré dans le Brexit.

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La plus haute juridiction du Royaume-Uni dira si la législation nord-irlandaise, l’une des plus restrictives d’Europe, contrevient à la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH), incorporée dans le droit britannique, en criminalisant l’avortement même en cas de viol, d’inceste ou de malformation grave du foetus.

Sa décision, très attendue, intervient deux semaines après un référendum en République d’Irlande voisine où les électeurs se sont massivement prononcés en faveur d’une libéralisation de l’IVG, un scrutin qui a ravivé les revendications dans la province britannique d’Irlande du Nord, à forte tradition chrétienne.

Contrairement au reste du Royaume-Uni, où il est autorisé depuis 1967, l’avortement y est illégal, sauf si la grossesse menace la vie de la mère. Les contrevenantes risquent une peine d’emprisonnement à vie, en vertu d’une loi datant de 1861.

« Les femmes sont confrontées à une situation où, si elles sont violées et cherchent à se faire avorter, elles risquent une peine de prison plus longue que leurs agresseurs », s’est indignée la députée de l’opposition travailliste Stella Creasy, lors d’un débat organisé mardi au Parlement britannique.

– Londres ou Belfast? –

Si les sages de la Cour suprême décèlent une « incompatibilité » avec la CEDH, leur décision pourrait accroître la pression sur la Première ministre conservatrice Theresa May, déjà pressée de modifier la législation nord-irlandaise par des députés de l’opposition comme de sa majorité.

Le sujet est particulièrement délicat pour la cheffe de l’exécutif, dont la majorité parlementaire dépend du DUP, premier parti nord-irlandais, ultra-conservateur et anti-avortement. Elle compte notamment sur son soutien pour faire passer son projet de loi sur le Brexit, qui revient devant la chambre des Communes le 12 juin.

Jusqu’ici, Theresa May a déclaré que cette question relevait des compétences dévolues à l’Irlande du Nord. Mais, pour compliquer la donne, la province est engluée dans une crise politique et privée depuis début 2017 d’un exécutif décentralisé. Londres a dit faire de son rétablissement une « priorité ».

Contrairement au DUP, le Sinn Fein et les nationalistes du SDLP, qui s’appuient tous deux sur l’électorat catholique, soutiennent un assouplissement de la législation, que l’assemblée régionale avait déjà rejeté en 2016.

La balle pourrait toutefois rester dans le camp du gouvernement britannique, « compétent pour les questions relatives aux droits de l’Homme », a expliqué à l’AFP Ruth Fletcher, maître de conférences en droit médical à la Queen Mary University de Londres.

La députée travailliste Stella Creasy a elle appelé l’exécutif à passer une réforme en « 150 jours au plus ».

– ‘Torture’ –

En attendant, Londres avait annoncé en octobre qu’il financerait le voyage des Nord-Irlandaises souhaitant se faire avorter en Angleterre, en plus des frais d’avortement. Pour sa part, le Premier ministre irlandais Leo Varadkar a estimé qu’il était envisageable de leur rendre l’IVG accessible dans son pays, après sa libéralisation.

C’est la Commission des droits de l’Homme d’Irlande du Nord (NIHRC) qui avait saisi la justice en 2014, questionnant la légalité de l’interdiction de l’IVG dans les cas de viol, d’inceste ou de malformation sérieuse du foetus.

La Haute Cour de Belfast avait estimé en décembre 2015 que la législation actuelle enfreignait les droits de l’Homme, mais sa décision avait été renversée en appel, les juges estimant que cette question, lourde de considérations morales et religieuses, devait être tranchée par le législateur. La NIHRC avait alors fait appel à son tour.

Lors d’une audience en octobre 2017 devant la Cour suprême à Londres, la NIHRC avait estimé que la loi criminalise des femmes « exceptionnellement vulnérables » et les rend sujettes à des traitements « inhumains et dégradants », entraînant une « torture physique et mentale ».

L’avocat représentant l’exécutif nord-irlandais avait lui affirmé que la question relevait du « jugement démocratique » du Parlement.

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