En Ouzbékistan, de premières femmes au volant de bus

« J’ai pleuré de joie en apprenant que j’aurai le droit de conduire un bus ». Saodat Chermatova est devenue l’une des deux premières femmes conductrices de bus en Ouzbékistan, depuis la levée de l’interdiction mi-février.

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Dans son véhicule électrique, elle transporte dès l’aube naissante les passagers sur la ligne 51 de Tachkent, la capitale ouzbèke et plus grande ville d’Asie centrale aux trois millions d’habitants.

« J’attendais depuis longtemps, puis on m’a enfin appelé pour m’annoncer que les femmes étaient autorisées à conduire », raconte début mars à l’AFP Mme Chermatova, 49 ans, qui travaillait jusqu’ici à la maintenance des véhicules de transport public.

La nouvelle a d’abord suscité l’inquiétude de son mari, lui aussi chauffeur, avant qu’il ne la « soutienne pleinement », tout en lui « répétant chaque jour de faire attention ».

Voir une femme au volant d’un bus, cette petite révolution n’a pas manqué d’étonner dans un pays très patriarcal d’environ 35 millions d’habitants.

« Au début, beaucoup de gens me regardaient avec étonnement. Les hommes me demandaient si ce n’était pas trop difficile, d’autres restaient silencieux avec un air désapprobateur. Mais je ne m’en soucie pas, je reçois bien plus d’encouragements et de félicitations », poursuit Saodat.

Car dans les cinq ex-républiques soviétiques d’Asie centrale de tradition musulmane, l’indépendance en 1991 a été l’occasion d’un tournant conservateur s’agissant du rôle des femmes dans la société, porté par des valeurs traditionalistes et la résurgence de l’islam.

— Société patriarcale —

Avant d’être seule maîtresse à bord du véhicule, Mme Chermatova doit être accompagnée et conseillée pendant plusieurs jours par un collègue de 69 ans, l’énergique Makhmoud Misslimov aux 42 ans d’expérience.

« C’est une très bonne chose que les femmes soient autorisées à conduire des bus. D’autant que maintenant, ils sont plus pratiques et moins lourds que sous l’URSS », se félicite M. Misslimov, qui se souvient de l’époque soviétique où les femmes pilotaient les bus, sous certaines conditions.

A la chute de l’URSS, les femmes ont vu leurs droits se dégrader sous l’influence du religieux et de l’affirmation de l’identité nationale, en opposition à l’idéologie communiste promouvant l’athéisme et une vision plus égalitaire des sexes, malgré la persistance de discriminations.

En Asie centrale, des centaines de professions, notamment dans le très lucratif secteur des matières premières dont la région regorge, restent toujours interdites aux femmes malgré quelques améliorations.

« En Ouzbékistan, il était interdit aux femmes de conduire des camions de plus de 2,5 tonnes et des véhicules transportant plus de 14 personnes », résume Nodir Khoudoïberdiev, porte-parole du ministère ouzbek des Transports.

« Le gouvernement a levé ces interdictions pour permettre aux femmes de travailler », indique le fonctionnaire.

Une réforme dans la lignée d’efforts de libéralisation par petites touches de la société ouzbèke menés par le président Chavkat Mirzioïev, à la tête depuis 2016 d’un régime toujours dépourvu d’opposition politique et ne goûtant guère aux critiques, selon diverses ONG.

-« Exemple » –

Le Parlement a par ailleurs voté une loi portant à 40% le quota de femmes candidates aux élections législatives. Une tentative de rééquilibrer une scène politique où les femmes sont largement absentes, à l’exception de la puissante Saïda Mirzioïeva, bras droit de son président de père.

Mais si « le gouvernement ouzbek s’est attaqué aux inégalités entre les sexes », comme le note un rapport de 2020 des Nations unies, « le quotidien de nombreuses femmes reste largement inchangé ».

Malgré des hésitations initiales, Narguiza Gadoeva, 57 ans, a sauté le pas. Cette ex-monitrice d’auto-école conduira désormais un bus, comme sa collègue Mme Chermatova.

« Au départ j’étais anxieuse, mes enfants étaient contre le fait que je devienne conductrice de bus. Mais j’ai persévéré », dit-elle dans son voile beige.

Une inquiétude désormais balayée par les félicitations qu’elle assure recevoir.

« Je pense que mon cas motivera d’autres femmes pour conduire, je veux être un exemple pour les femmes ouzbèkes, montrer que nous sommes capables de beaucoup de choses », espère Mme Gadoeva.

« Il faut croire en soi et en ses forces, le principal est d’être patient et confiant, ensuite tout viendra ».

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