Journée mondiale du travail social : professionnaliser et valoriser le métier

— Travailleurs sociaux : « Sans une synergie, une formation professionnelle adéquate et appropriée, les projets de développement sont menacés »

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— Un rapport de l’UoM et du MRIC relève que « la méthode LoveBridge est efficace et porte ses fruits »

Le 17 mars marque la Journée mondiale du Travail social. Cette année, l’accent a été mis sur la nécessité de « Garantir l’importance des relations humaines », thème arrêté sur le plan international. C’est le quatrième et dernier thème de l’Agenda mondial 2010-2020 pour le travail et le développement social. Cette thématique a été établie pour attirer l’attention internationale sur l’inter-dépendance des personnes et la nécessité de changer les politiques et la prestation des services sociaux.

Dans notre contexte local, Ong et associations luttent pour une reconnaissance du savoir-faire et expérience, couplés aux efforts consentis, sacrifices et investissements d’ordre humain des travailleurs sociaux qui animent ces organismes. Priscille Noël, Chief Serving Officer de LoveBridge, Imran Dhanoo, directeur du Centre Idrice Goomany (CIG) et Cadress Rungen, fondateur et responsable du Groupe A de Cassis, définissent le travail social par « le besoin d’une formation constante et évolutive, adaptée aux réalités du terrain, ainsi que la nécessité de l’État d’investir et de reconnaître le travail social comme un métier à part entière, conférant à la personne qui le pratique un statut social ».
Dans le même souffle, le rapport du « Research on long-term holistic accompaniment of families living in poverty », réalisé par une équipe d’experts de la faculté des Sciences sociales, de l’UoM, et du MRIC a été rendu public le vendredi 20 mars. Il étudie « les pratiques et techniques utilisées par LoveBridge auprès des familles bénéficiaires » et établit que cette méthodologie « porte ses fruits ».

Priscille Noël (CSO de LoveBridge) : « Un laboratoire humain »

LoveBridge est une organisation mise sur pied depuis 2015. Sa mission : combattre la pauvreté extrême dans le pays. Valeur du jour, elle touche « 346 familles, ce qui implique plus de 1 600 individus, incluant 800 enfants, âgés entre 0 et 18 ans », explique Priscille Noël, CSO de l’Ong. Pour elle, « le travail social, qui se décline par l’accompagnement de nos familles, dès la prise en charge, et sur une durée moyenne de cinq ans, revêt un caractère très complexe et dense ». Elle ajoute : « Pour cela, nos accompagnateurs et encadreurs sont en permanence aux côtés des membres des familles. »
Priscille Noël rappelle la philosophie de LoveBridge « qui comprend six piliers, à savoir la santé, l’éducation, l’alimentation et la nutrition, le logement et l’emploi, qui gravitent autour d’un pilier central, que l’on a nommé “masco” ». Cela comprend la motivation, l’attitude envers l’empowerment et le “self-help”, les “skills & know how”, et le courage. « Le “masco” est le centre de gravité, car si les bénéficiaires n’ont pas la volonté requise pour se prendre en main, cela influera certainement sur tout le travail d’accompagnement et de remise sur pied que nous effectuons », explique-t-elle.

LoveBridge étant un jeune organisme, mais avec des buts et des besoins très précis, « nous fonctionnons quelque peu comme un laboratoire humain », indique la CSO. Elle élabore : « La prise en charge de familles entières, leur accompagnement et le soutien que notre organisation leur apporte sont une nouveauté pour Maurice. En ceci qu’on offre un service complet, dans la mesure du possible, essayant de répondre à tous les besoins de ces familles. Et on sait qu’il y a plusieurs spécificités et complexités, pour diverses raisons. »

LoveBridge, soutient Priscille Noël, s’est fixé comme objectif d’offrir une prestation de qualité. « De ce fait, nos équipes d’animateurs et d’encadreurs sont des “field workers” qui sont à la fois des personnes très conscientes de la réalité du terrain, ce qui est un plus, car nous ne pouvons avoir des personnes qui vont encadrer des familles s’ils ne comprennent pas les implications et la dureté dans laquelle se trouvent certaines familles contraintes à vivre à plusieurs dans deux chambres, par exemple », dit-elle.

Sandrine Ah-Choon, Communication & Development Coordinator, souligne que « nombre de nos bénéficiaires sont des femmes issues des communautés clés et sont très vulnérables ». Certaines ont été tellement marginalisées qu’elles en ont perdu le sens de l’hygiène de vie basique. Ceux et celles qui travaillent avec ces bénéficiaires doivent être préparés à ces réalités brutales et souvent déroutantes. Dans le même esprit, continue notre interlocutrice, « nous avons aussi, par exemple, une doctorante en anthropologie ». Elle poursuit : « Cependant, au sein de LoveBridge, nous assurons des formations évolutives et régulières, en interne, avec des soutiens d’autres Ongs, des ministères ainsi que des agences spécialisées, pour que chacun de nos encadreurs et accompagnateurs ait une base élémentaire et vitale pour poursuivre les objectifs fixés. »

Priscille Noël relève que « le défi que nous nous sommes imposés, c’est d’amener le “shift” dans la prochaine génération ». Elle explique : « Nous travaillons avec un certain nombre de familles depuis une période déterminée. Bon nombre de ces adultes ont appris à changer de comportement et à développer de nouvelles habitudes depuis leur prise en charge par LoveBridge. Après un certain temps, on constate qu’ils peuvent se débrouiller sans nous et parfois eux-mêmes nous font part qu’ils se sentent plus forts et en confiance pour poursuivre leurs parcours. C’est alors qu’on se sépare d’eux, mais tout en douceur. On maintient aussi un certain “monitoring”, juste parce qu’on sait qu’il y a des éléments qui peuvent changer la donne des fois… » Aussi, expliquent nos deux interlocutrices : « Nous nous sommes donnés pour but de changer la “next generation” : c’est-à-dire, les enfants. Cela, afin qu’ils ne perpétuent pas le même schéma dans lequel ils ont évolué, avant d’être pris en charge par LoveBridge, et ainsi casser le cycle. »

En cela, reconnaissent Priscille Noël et Sandrine Ah-Choon, « le travail social n’est pas une mince affaire : il s’agit d’un investissement humain, total et souvent, très prenant, qui déborde sur la vie privée ». Elles ajoutent : « Il ne faut pas oublier que le travailleur social est tout aussi bien mère, sœur, épouse, mari, frère… : chacun a sa vie bien à lui, ses responsabilités et ses propres soucis. »

Étude universitaire : un meilleur rendement quand le service est professionnel

Une équipe de chercheurs de l’Université de Maurice (UoM), attachés à la faculté des Sciences sociales, de concert avec des techniciens du Mauritius Research & Innovation Council (MRIC) a entrepris, entre octobre 2018 et décembre 2019, une étude portant sur la prise en charge, en prenant particulièrement comme cas d’école l’exemple de LoveBridge. L’échantillonnage a porté sur 35% des 260 familles enregistrées auprès de LoveBridge, « qui sont réparties sur cinq districts, et qui sont dans le programme depuis plus de deux ans », indique Priscille Noël.

Ce rapport a été rendu public le vendredi 20 mars. Et parmi ses principales trouvailles, le “Research on long-term holistic accompaniment of families living in poverty” indique que « le travail réalisé par LoveBridge auprès de ces familles porte ses fruits, surtout auprès des femmes célibataires », qui sont responsables de leurs foyers. « L’impact de l’encadrement de notre Ong est très positif », soutient Priscille Noël. De fait, 88% des sondés ont expliqué qu’ils n’avaient « jamais » reçu de forme d’aide, avant l’interaction avec LoveBridge. « Et que cela a contribué énormément à les faire changer concrètement et de la meilleure façon. »

Également, le rapport mentionne qu’il faut « trouver des pistes pour inclure davantage d’hommes dans ce processus de prise en charge et de valorisation de ces bénéficiaires ». Sandrine Ah-Choon fait remarquer que « dans 52% des cas, des mères célibataires, de même que des grands-mères, sont à la tête des cellules familiales ». Il faut, soutient Priscille Noël, « amener davantage d’hommes à s’impliquer directement ». Dans l’ensemble, concluent nos interlocutrices, « le rapport établit que les piliers sur lesquels LoveBridge a décidé d’axer ses interventions sont très tangibles et donnent de bons résultats ».

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