Julien Quenette (docteur en psychologie du développement) : “ Si la santé physique reste la priorité, la santé mentale ne doit pas être négligée ”

“Nous l’avons fait une fois, nous pouvons le faire une seconde fois.” C’est un des nombreux messages qui circulent sur les réseaux sociaux et dans les médias depuis l’annonce du confinement national, mardi. Un message rempli d’optimisme, soit une sorte de “mécanisme de défense” essentiel, estime le psychologue, Julien Quenette, docteur en psychologie du développement, président de la Société des professionnels en psychologie (SPP), pour surmonter cette nouvelle épreuve. Lui et les autres professionnels du métier demandent ainsi que les autorités restent à l’écoute, car si la santé physique demeure la priorité, la santé mentale, qui peut elle aussi être fatale, ne doit pas être négligée.

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Un an après presque jour pour jour, la nouvelle d’un nouveau confinement tombe. Sur les réseaux sociaux, les gens commencent à s’affoler, des images de foules devant les stations-service circulent et la population mauricienne se braque et attend tous les soirs la conférence de presse des autorités. Néanmoins, malgré le chamboulement, ils sont nombreux à garder le moral. Une forme de résilience face à une situation que l’on a déjà vécue. Un remake de 2020, qui fait néanmoins ressurgir de mauvais souvenirs pour beaucoup. La SPP est aux aguets, est bien consciente de l’impact de ce second confinement, après le premier en 2020, sur la santé mentale de beaucoup de personnes et pense de nouveau mettre en place un service d’écoute.

Panic buying lié à l’anxiété

“Pour le premier confinement, l’on n’était pas préparés, mais cette fois, on sait déjà ce qui va marcher ou pas. Aujourd’hui nous est mieux outillés pour affronter ce nouveau confinement”, explique Julien Quenette. En effet, ce sont des messages optimistes qui circulent le plus sur les réseaux sociaux. “Je pense qu’on a effectivement besoin de se focaliser sur des choses positives. La situation est compliquée, il faut le reconnaître, et il y a des appréhensions, ce qui est normal”, dit-il. Pour lui, cette réaction est un “mécanisme de défense de se dire qu’on est plus forts et c’est bien, c’est ce qu’il faut faire”.

Pour ce qui est du panic buying, il nous explique que ce phénomène ne touche pas que Maurice, mais qu’il s’agit d’un phénomène international. “Le panic buying c’est l’action d’acheter en grande quantité, due à la peur d’une soudaine pénurie, ou d’une augmentation des prix. Les études nous montrent que la panique est causée peut-être par l’influence d’un petit groupe et le phénomène s’estompe très vite. Une autre raison est le manque de confiance dans les autorités, car il y a la peur de la fermeture de tous les commerces du jour au lendemain. Il y a aussi l’influence des médias sociaux avec des images de foules ou d’étagères vides dans les supermarchés. Ceux qui n’avaient pas prévu de participer à ce panic buying se sentent ainsi contraints d’y aller en pensant qu’il y aura une pénurie, etc.” L’anxiété que tout cela va causer peut agir comme un stimulant qui pousse les gens à acheter.

“Important de rassurer sur les faits”

Le psychologue tire par ailleurs la sonnette d’alarme et recommande que l’on reste le plus clair possible en communiquant les informations relatives à la pandémie, notamment dans le cas d’enfants et d’adolescents testés positifs. “Que ce soit pour un adulte ou pour un enfant, la situation reste très difficile, et c’est la manière dont on va communiquer avec lui qui est importante. Répondre à ses questions en partageant les faits sur le COVID-19 d’une manière qu’il pourra comprendre avec des mots adaptés à son âge.”

A ce sujet, il rappelle qu’il est important d’accompagner ces patients testés positifs, mais aussi des proches. “Il y a évidemment une nécessité d’accompagnement.” Et c’est d’ailleurs une des demandes que la SPP avait faite aux autorités l’an dernier après le premier confinement. “On a fait des recommandations et on a tenté de prendre contact avec le High Level Committee. On a fait le maximum pour une collaboration, car le soutien psychologique dans ce genre de situation est essentiel, comme l’ont prouvé plusieurs recherches, dont celles effectuées pendant la pandémie du SARS en 2003, qui ont permis à la Chine de mieux se préparer pour pallier l’impact psychologique de la COVID-19 sur la population. Récemment, l’on a vu les photos de ces enfants d’une école maternelle de Floréal, quelle est la suite ?” se demande-t-il.

Un appel aux autorités pour les enfants autistes

En effet, il soutient que le constat après le premier confinement est alarmant. “Au niveau de certaines cellules d’écoute dans des collèges, l’on a observé une augmentation des cas de dépression et du risque suicidaire, à la fois chez l’ado. Le suicide reste un sujet tabou, mais le risque est bien là, d’autant plus que la situation économique et sociale devient de plus en plus difficile. Et avec l’effet du reconfinement, nos craintes au niveau de la SPP sont bien réelles.” Il lance aussi un appel aux autorités concernant les enfants autistes, qui avaient l’année dernière obtenu la permission de sortir une heure par jour. 

La SPP se mobilise donc pour cette nouvelle épreuve et espère que les autorités prennent en considération leurs recommandations. La SPP essaie ainsi de mettre en place une hotline pour toucher plus de gens, mais pour cela il faut le soutien de l’Etat.

Quelques conseils

Pas facile de se retrouver isolés chez soi. Julien Quenette propose quelques conseils qui pourraient dans un premier temps soulager certaines personnes stressées ou angoissées à l’idée d’être confinées de nouveau :

• Chacun a appris à sa manière à gérer son stress et nous avons appris à être résilients, c’est-à-dire s’adapter aux situations. Il faut donc faire confiance à notre capacité à “cope”.

• Il faut bien organiser sa journée. C’est en étant organisés, que l’on se sent le plus rassurés, et cela ne laisse pas beaucoup de place à l’anxiété.

• Il faut aussi s’organiser avec les enfants, surtout en situation de télétravail. Il faut bien communiquer sur les besoins en termes de travail, de loisirs et tout cela dans un espace restreint.

• Lorsque vous vous sentez envahi par vos émotions, prenez un temps pour vous recentrer sur votre respiration. Cinq respirations profondes permettent de reprendre le dessus.

• Pratiquer une activité physique ou de relaxation, tant que possible.

• Adopter une bonne alimentation.

• Communiquer sur ce que l’on ressent et prendre le temps avec la famille.

• Et rester connecté avec ses proches tout le temps.

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