Lalit : 40 ans de la grève d’août 1979

  • Alain AhVee : « Les historiens ont délibérément “effacé” cette page prioritaire de notre vécu »

De 14h à 16h ce samedi 24 août, le siège de Lalit, à Grande-Rivière-Nord-Ouest (GRNO), accueille une activité visant à commémorer les 40 ans de la « grande grève » d’août 1979. « C’est une grande page de l’histoire de notre pays que des laboureurs et toute la classe ouvrière de l’île ont écrite », rappelle Alain AhVee, de Lalit. Cependant, déplore-t-il, les historiens ont « délibérément effacé » cet épisode. « Avec pour résultat que de nombreux Mauriciens ignorent ce qui s’est passé cette année-là. »

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« L’unité qui a prévalu tout au long de cette grève a fi ni par donner raison aux travailleurs, et le gros capital, malgré ses pressions, a dû plier face aux grévistes…»

Lalit « ne veut pas que l’on oublie » ce qui s’est passé en ce mois d’août 1979. « D’où notre présente démarche, aujourd’hui, avec cette activité au siège de Lalit, à GRNO. Des personnes ayant vécu et participé à cette grève, comme Ram Seegobin et Jean-Claude Bibi, seront présentes pour partager leurs expériences et sentiments. » Un autre aspect de l’événement « sera consacré à l’importance d’avoir une grève », ajoute-t-il. « Un exercice qui est, de nos jours, plutôt banalisé… Et l’on reviendra sur l’unité et la cohésion qui a perduré durant cette grande grève entre les travailleurs et les syndicats. »

Cette grève, qui avait démarré le 7 août 1979, continue Alain AhVee, n’allait pas durer trois jours, comme cela se passait communément à cette époque-là. « Seki bann labourer ek artizan finn koumanse finn vit pran enn lot lanpler : lagrev-la ti vinn enn mouvman zeneral. Les employés dans le port, dans les usines, dans les municipalités, les magasins… Bref, toute la classe ouvrière avait rejoint le mouvement. C’était une expérience unique, intense, extraordinaire, de voir toute la classe ouvrière fonctionner dans un seul et même élan. Ce n’est que le 23 août, quand le mouvement de grève a fini par faire capituler le gros capital, et avec l’élaboration de l’accord du 23 août 1979 par le gouvernement, que cette grève a pris fin. »

« Les syndicalistes de la GWF, de l’OUA, du SILU-UASI et de la FTU ont été toujours sur la même longueur d’onde »

Le militant de Lalit poursuit : « De mémoire de Mauricien, notre pays n’a jamais connu un mouvement populaire similaire. C’est la raison pour laquelle nous nous y référons toujours comme “la grande grève d’août 1979”. Elle est “grande” par son ampleur : elle a eu un rayonnement national. Pour la toute première fois de l’histoire de l’île Maurice, le pays et son économie étaient paralysés par un mouvement soutenu par les travailleurs. A-t-on revu une telle chose depuis ? » Alain AhVee souligne : « Nous sommes pleinement conscients qu’il y a de nombreux Mauriciens qui n’ont pas connu cet épisode de l’histoire de notre pays. Et sur ce chapitre, je trouve regrettable que des historiens aient totalement gommé cette page de l’histoire. »

Alain AhVee revient sur « la valeur éminemment démocratique » de la grande grève de 1979. « Il faut savoir que ce mouvement était d’une part solidement structuré, avec des antennes et des représentants syndicaux dans chacun des 21 établissements sucriers de l’époque. Chacun de ces délégués œuvrait la journée aux côtés des travailleurs sur les établissements, et se rendait l’après-midi à Port-Louis, où tous les délégués syndicaux se rencontraient. Là, on discutait et on partageait. Et simultanément, il y avait un “news bulletin” qui était imprimé. Chaque délégué repartait dans son établissement sucrier avec des copies de ces bulletins afin de disséminer l’information auprès des travailleurs. L’information circulait rapidement. »

Le militant de Lalit rappelle que, d’autre part, « il ne s’agissait pas d’une grève ayant été déclenchée comme ça, au pied levé ». Il développe : « Il faut savoir que les syndicats avaient commencé le travail sur le terrain un an à l’avance. Depuis 1978, ils tenaient des meetings et des réunions réguliers, rien n’était laissé au hasard. La classe ouvrière savait ce qu’elle demandait et pourquoi. Elle se préparait aussi à l’éventualité que les négociations n’aboutissent pas, comme cela a été le cas, et envisager quelles actions elle allait prendre. »

Une foule de raisons, ainsi, qui font que « cette grande grève de 1979 allait agir comme bouclier face aux attaques du gros capital, défendu par la FMI et la Banque mondiale, qui voulaient à l’époque démanteler le Welfare State qu’est notre pays ». Lalit invite ainsi « tous les Mauriciens soucieux de connaître l’histoire de leur pays » à l’activité du jour. Et d’indiquer que « LPT a également publié plusieurs livres et documents relatifs à cette grève ».

Quand Ram Seegobin raconte

Sera mis en vente aujourd’hui, dans le cadre de la Commémoration des 40 ans de la grève d’août 1979, le document “Lagrev Ut 79 : Prinsip ki guvern tu lagrev”, signé du Dr Ram Seegobin, un des piliers de Lalit. Ce militant de carrière y raconte notamment le quotidien des grévistes, en mettant l’accent surtout sur la manière dont les représentants syndicaux œuvraient sur le terrain, au sein de chacun des 21 établissements sucriers qui observaient cette grève historique. Alain Ah Vee rappelle : « Ce qui était surtout remarquable, c’était l’unité dans laquelle fonctionnaient tous les représentants syndicaux. Tout le monde était sur la même longueur d’onde et c’était une des forces de ce mouvement. »

Dans un extrait de “Lagrev Ut 79 : Prinsip ki guvern tu lagrev”, publié dans la dernière édition de la revue de Lalit, en date d’août et septembre 2019, Ram Seegobin s’étend justement sur la manière dont, chaque jour, un délégué syndical faisait remonter les informations relatives à la situation de chaque établissement jusqu’aux délégués nationaux des syndicats. « Kan sa lasanble SILU-UASI fini, ver 4 er koumsa, lerla ena enn lasanble GWF (…) Ant sa de lasanble-la, byen souvan ti ena enn rankont ek OUA, pou nou kapav diskite kimanyer lagrev-la pe deroule… Alor toulezour travay-la ale koumsa. Sa vedir lasanble Brans onivo sak tablisman, desizyon. Lasanble delege o nivo nasyonal desizyon. Dan GWF, deba, diskisyon, desizyon. Rankont ek OUA, diskisyon, desizyon… »

Publié en anglais et en créole en 2017, Lagrev Ut 79 : Prinsip ki guvern tu lagrev est basé sur un discours de Ram Seegobin prononcé pour les 30 ans de la grève d’août 1979. Il sera en vente aujourd’hui à Rs 100 l’exemplaire.

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