Lutte contre la pauvreté : Nous sommes-nous trompés de cible ?

Le 17 octobre, on observait comme chaque année la Journée mondiale de lutte contre la pauvreté. Après plusieurs années de lutte acharnée dans le pays, force est de constater que la pauvreté est toujours criante dans certains endroits. S’est-on trompé de cible ? Quelles sont les vraies priorités pour faire reculer efficacement la misère ? Lindsay Morvan, président du Mouvement pour le progrès de Roche-Bois (MPRB), est d’opinion que pour des résultats concrets, trois facteurs doivent impérativement être pris en compte : le logement décent, le travail décent et des faciles égales en matière d’éducation.

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Par ailleurs, si l’on se targue que « plus de 80% des Mauriciens sont propriétaires de leur maison, il faut se demander dans quelles conditions ils vivent », souligne-t-il. Il est primordial, insiste Lindsay Morvan, qu’il y ait une politique générale de logement et d’éducation. « Le gouvernement devrait amplifier l’aide aux logements sociaux car les gens pauvres ne peuvent faire un dépôt de Rs 100 000 pour avoir une maison. » Il y a, ajoute-t-il, une « certaine discrimination qui doit cesser ».

Pour sa part, l’imam et coordonnateur de l’Ong M-KIds, Arshad Joomun, estime que « les Ong ne s’engagent pas assez ». Selon lui, « il est temps d’arrêter d’utiliser les gens pauvres pour faire du tam-tam ». Et d’ajouter : « Soyons francs, parfois, il y a des Ong que vous ne voyez même pas, mais le montant dont elles bénéficient du CSR… ». Il abonde dans le même sens s’agissant de l’importance d’une éducation de qualité. De plus, « les Ong doivent joindre les mains ensemble avec le gouvernement ».

Le syndicaliste Reaz Chuttoo de la CTSP, membre de l’ATD Quart-Monde Maurice, souligne que malgré le salaire minimum, il y a « des exclus de la société comme des filles-mères et des personnes sous l’influence de la drogue pour lesquels on n’a pas fait grand-chose ». De plus, selon lui, « l’éducation est certes gratuite mais si les parents n’ont pas les moyens de payer les leçons, l’enfant finit comme “anfle kamyon” ».

S’agissant de la politique de logement depuis 1975, il dira que « cela s’appelle des ghettos » car on a mis tous les exclus de la société ensemble. « On ne leur a pas ouvert la porte pour qu’ils puissent s’intégrer petit à petit », ajoute-t-il.

LINDSAY MORVAN (MPRB) : « Il faut une politique de logement et d’éducation »

Depuis des années, plusieurs Ong luttent contre la pauvreté à Maurice. Mais l’on semble piétiner. Quelles en sont les raisons ?
Il faut se rappeler que pour vraiment éradiquer ou réduire la pauvreté, trois facteurs complémentaires doivent être pris en compte par la société civile et les politiciens. Il y a d’abord un logement décent, ensuite un travail décent avec un salaire décent et, enfin des facilités égales en termes d’éducation. Le MPRB existe depuis 26 ans. La loi dit que l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans mais nous avons chez nous 25 jeunes de 12-16 ans qui viennent au MPRB de lundi à vendredi. On ne se substituera jamais aux écoles. Mais on encadre ces jeunes. On les initie au théâtre, aux TIC, à la sculpture, la lecture et l’écriture. C’est dommage que des jeunes, après six ans d’école en primaire, aient des difficultés à écrire leur nom, à remplir une fiche de banque, etc. De ce côté, les Ong peuvent aider. Mais elles ne peuvent construire des maisons. Même au niveau éducatif, faut-il encore que les Ong aient des centres équipés et un personnel motivé.

Concernant les écoles où les résultats sont en dessous de 50%, ce sont celles des quartiers populaires majoritairement. Notre système malheureusement génère des écoles cinq étoiles avec des profs qui donnent des leçons particulières avec des revenus dépassant parfois leur salaire. Quand on les envoie dans d’autres régions où ils ne peuvent se faire autant d’argent, ils sont démotivés. Il faudrait qu’il y ait plus de motivation pour les profs de telles écoles. Je ne parle pas de doubler les salaires, mais il faut trouver des motivations. Qu’on le veuille ou pas, aujourd’hui, moins de 50% des profs, au secondaire ou au primaire, font leur travail dans le but d’aider la société comme par le passé. Aujourd’hui, beaucoup s’y lancent soit pour pouvoir donner des leçons, soit pour avoir des congés et s’adonner à une autre activité économique.

Pour revenir au logement, en dépit du fait qu’on dit que plus de 80% des Mauriciens sont propriétaires de leur maison, il faut se demander dans quelles conditions ils vivent. Il y a deux ans, une famille avait été victime d’un incendie à Cité Roche-Bois. C’était une maison avec quatre chambres, une cuisine et des toilettes. Il y a 21 personnes qui y vivaient ! Par ailleurs, on construit des maisons mais on demande aux futurs acquéreurs de faire un dépôt de Rs 100 000. Comment une personne dans une telle situation peut-elle économiser Rs 100 000 pour avoir une maison et payer Rs 3 800 à Rs 4 000 par mois ? Souvent, ces gens ne peuvent payer et on les traîne devant la justice pour les expulser. Il faut une politique générale de logement et d’éducation.

Aujourd’hui, il y a le salaire minimum…

Tout à fait, il faut saluer cela. Je connaissais des personnes qui travaillaient dans des petites entreprises, à gauche et à droite, pour Rs 3 000/Rs 4 000 et là, ce salaire minimum vient les soulager. C’est une mesure très louable, mais il faut faire un suivi car il y a des patrons qui réduisent les heures de travail pour passer à des emplois à temps partiel et ne pas avoir à payer Rs 9 000.

Quid de l’annonce de l’augmentation de la pension de vieillesse par les trois blocs principaux ? Cette mesure contribuera-t-elle à l’allégement de la pauvreté ?
Personnellement, je ne trouve pas normal que des compagnies prennent des vieux de 75-78 ans pour travailler comme gardiens au lieu de payer une firme de sécurité. Des firmes de sécurité elles-mêmes emploient ces gens avec les risques que cela comporte car ils sont très vulnérables. Par ailleurs, il faut reconnaître que quand on est vieux, on a beaucoup de frais médicaux, etc. Cela soulagera définitivement les personnes du troisième âge. Il faut aussi s’assurer que des enfants ou petits-enfants n’abusent pas de leurs aînés. Il faut sensibiliser les pensionnaires à avoir leur compte bancaire, les encourager à utiliser les cartes de crédit pour éviter de marcher avec de l’argent liquide. Quoique le risque soit toujours là que des proches abusent…

Le rôle des parents est-il important dans le combat contre la pauvreté ?
Oui et non. On dit toujours que l’éducation commence à la maison. Mais on a tendance à condamner les parents. Il faut savoir dans quelles conditions ces parents vivent. Ils doivent avoir du temps à consacrer à l’éducation de leurs enfants. Or, parfois, eux-mêmes sont dans des situations de désespoir.

Les Ong s’investissent beaucoup pour faire reculer la misère. Mais font-elles bien leur travail ou y a-t-il un “fine-tuning” à faire pour qu’elles se rapprochent mieux de leur cible ?
Je parle pour le MPRB. Cela fait 26 ans que nous sommes là et nous avons la chance d’avoir une structure permanente pour accueillir enfants et parents. On a mis en place une Académie des Parents car on veut être sûr que ce qu’on partage avec ces enfants puisse être suivi à la maison. On travaille aussi avec les écoles maternelles de l’endroit pour que les enfants soient encadrés très tôt. Avec la venue des CSR, il y a eu une multiplication d’Ong. Mais on ne peut mettre tout le monde dans le même panier car il y a des Ong qui travaillent dur sur le terrain. Mais, pour faire l’impact vraiment, il faut englober les écoles des régions. Au contraire, je crois que de plus en plus d’Ong se professionnalisent pour être plus efficaces. Mais il y a des brebis galeuses comme dans tous les secteurs.

Qu’en est-il du rôle du gouvernement ?
Le gouvernement devrait amplifier l’aide aux logements sociaux car les gens pauvres ne peuvent se permettre de faire un dépôt de Rs 100 000 pour avoir une maison. À un moment donné, certains disaient qu’une seule communauté bénéficiait de ce genre d’aide. Je trouve cela regrettable. Je ne dis pas qu’il n’y a que des créoles qui sont dans la pauvreté mais la majorité des pauvres se trouvent être des créoles. Si ces gens ont besoin d’aide pour pouvoir sortir la tête de l’eau, tout gouvernement, je crois, a la responsabilité d’aider ces personnes. Il y a eu une prise de conscience lors des émeutes en 1999. On avait alors réalisé qu’on ne peut pas avoir un développement à deux vitesses. C’est comme cela que le CSR est né. Parfois, au-delà de la volonté des politiciens, il y a un blocage au niveau des hauts fonctionnaires qui doivent appliquer des mesures et qui ont des préjugés. Il y a une sorte de discrimination qui doit cesser. Il faut que les politiciens s’assurent que ce qu’ils veulent mettre en œuvre est vraiment le souhait des exécutants. Certains bloquent carrément des projets.

REAZ CHUTTOO (CTSP) : « Entrer dans le vif du problème et non pas s’arrêter à des mesures temporaires »

Depuis des années, plusieurs Ong luttent contre la pauvreté à Maurice. La situation ne semble pas s’améliorer. Quelles en sont les raisons ?
Je ne dirais pas qu’il n’y a pas d’amélioration. Nous sommes quand même sortis d’un stade d’extrême pauvreté. La pauvreté est encore là. Aujourd’hui, avec l’introduction du salaire minimum, si deux personnes travaillent à la maison, c’est un budget de Rs 18 800 qu’elles reçoivent. Mais nous avons des exclus de la société pour lesquels on n’a pas fait grand-chose. Ce sont des personnes – surtout des Afro-Mauriciens – qui n’ont pas accès à une éducation de qualité ni à une bonne hygiène de vie. Moins instruits, certains se sont retrouvés à faire des petty jobs et se sont retrouvés à vivre au gré du vent. Ils ne sont pas fautifs. Malheureusement, ces exclus de la société existent encore aujourd’hui. Par exemple, des mères célibataires et des personnes sous l’influence de la drogue n’ont rien vraiment pour se restructurer. À Rodrigues, les mères célibataires ont accès à la terre, à un travail et une allocation. Tel n’est pas le cas à Maurice. Ils n’ont pas de soutien social qui leur permette de se tenir sur leurs pieds. Mais le plus important, c’est un logement décent.

Vous dites que ces personnes n’ont pas accès à une éducation de qualité. L’éducation est pourtant gratuite…
L’éducation est gratuite depuis 1976 mais aujourd’hui, on est témoin des séquelles de la pauvreté vécue par les anciens qui vivaient au jour le jour. Les plus jeunes générations traînent encore ces séquelles. Certaines religions en sont même responsables. Certaines ont investi dans l’éducation mais ont créé des écoles dans des quartiers riches. À Plaisance, par exemple, il n’y a pas une telle école. L’éducation est certes gratuite mais si les parents n’ont pas les moyens de payer les leçons, l’enfant finit comme anfle kamyon. C’est pour cela que je parle d’éducation de qualité. Quand on parle de politique de logement depuis 1975, moi j’appelle cela des ghettos car on a mis tous les exclus de la société ensemble. On ne leur a pas ouvert les portes pour qu’ils puissent s’intégrer petit à petit en copiant, en changeant de style de vie.

Comment accueillez-vous les promesses d’augmentation de la pension par les partis politiques à la veille des élections ? Cette mesure aidera-t-elle à réduire la pauvreté dans les familles ?
Il est important de voir le contexte. Aujourd’hui, tous les trois partis ont dit qu’ils aligneront la pension sur le salaire minimum. Ce n’est nullement une braderie électorale. Le CTSP avait déjà réclamé cet alignement pour trois raisons. D’abord, sans salaire minimum, on bascule dans la malnutrition. Pourquoi les aînés n’ont-ils pas ce droit à la sécurité alimentaire ? Deuxièmement, on parle de 40% de chômage. Les anciens ne pouvant vivre de leur pension retournent sur le marché du travail et des patrons sans scrupule y voient là une aubaine car il n’y a pas à payer leur transport, leur plan de pension. Le NPS, introduit en 1978, a cessé en 2018. Il devait y avoir un nouveau plan de pension. Ce gouvernement a convoqué un High-Powered Committee en tentant de repousser l’âge de la pension à 65 ans. Nous avons protesté. Le secteur privé a dit ouvertement que s’il doit payer le salaire minimum, il ne pourra augmenter le NPS. Quelle alternative alors ? Il faut augmenter la pension de vieillesse. Ensuite, dans les années à venir, il y aura des centaines de milliers de travailleurs étrangers à Maurice. Le pays fait moins de bébés sans parler du brain drain et de l’enseignement supérieur, ce qui fait que moins de personnes s’intéressent aux travaux manuels. Il y aura des revenus à travers des tax payers money. Il y aura donc de l’argent pour la pension de vieillesse. Certes, le gouvernement a essayé de retirer un capital politique de cette annonce mais c’est quelque chose qui est long overdue.

Avec le salaire minimum, peut-on dire que les familles démunies parviennent à sortir la tête de l’eau ?
On ne peut dire sortir la tête de l’eau, mais respirer. Il ne faut pas oublier que le salaire minimum garantit la sécurité alimentaire. La personne ne sera pas dans l’extrême pauvreté mais elle restera pauvre. La pauvreté est relative. Il faut tenir compte des changements des mœurs qui demandent plus d’argent. Il faut toutefois reconnaître que le salaire minimum a été une grande première en Afrique, il équivaut à environ USD 300.

Outre la révision des salaires, quelles sont les autres solutions durables face à la pauvreté ?
À Maurice, nous avons une féminisation de la pauvreté. Les secteurs où il n’y a pas de Remuneration Order, surtout le secteur des services, emploient 95% de femmes. Dans d’autres pays, le secteur de la construction a commencé à former des femmes pour travailler sur des machines. À Maurice, des femmes conduisent de gros camions de sucre. Quand le MITD formera-t-il les femmes ? Quand viendra-t-on avec un projet d’antidiscrimination en termes de genre dans le recrutement ? Pourquoi parle-t-on de 30% seulement en politique ? Ce que je trouve d’ailleurs comme un ghetto. On parle d’économie 4.0 et d’intelligence artificielle. Il faut former davantage les femmes. Par ailleurs, il faut des structures d’accompagnement pour encourager les couples à avoir des enfants.

Les Ong investissent beaucoup pour faire reculer la misère. Mais font-elles bien leur travail ou y a-t-il un “fine-tuning” à faire pour qu’elles se rapprochent mieux de leur cible ?
Je suis très critique envers les Ong. Elles sont un peu comme les politiciens. Elles utilisent la pauvreté comme fonds de commerce. Au lieu de sortir des gens de la pauvreté, elles pratiquent plus une politique d’assistanat, en allant demander des vêtements par ci et autres choses par là… Il faut qu’elles entrent dans le vif du problème et non pas qu’elles s’arrêtent à des mesures temporaires. Aucune Ong ne met la pression sur le MITD aujourd’hui pour former les femmes. Pourquoi aucune d’elles ne mettent-elles pas sur pied des crèches pour que les parents puissent travailler ? Je reconnais toutefois que grâce à certaines Ong, le pays a pu identifier les poches de pauvreté. Mais il faut revoir la loi sur les Ong. Ce n’est pas possible que des personnes soient présidents et secrétaires à vie comme dans des syndicats.

ARSHAD JOOMUN (M-Kids) : « Les Ong ne s’engagent pas assez fermement »

Depuis des années, plusieurs Ong luttent contre la pauvreté à Maurice. Mais il semble que l’on piétine. Quelles en sont les raisons ?
Je pense que les Ong ne s’engagent pas assez fermement. Souvent, on ne vient de l’avant qu’avec un panier ration par-ci, on paie des leçons d’un enfant par là. Il est vrai que pas toutes les Ong sont concernées. Parfois, une personne en détresse frappe à notre porte et lorsque nous avons fini par l’aider, nous faisons une petite publicité sur Facebook et puis c’est fini. Il n’y a pas de suivi ni accompagnement. L’Ong que je représente, M-Kids, agissait ainsi dans le passé. Mais depuis 2012, nous avons changé de manière de faire. On ne peut être hypocrite envers nos bénéficiaires. À M-Kids, au lieu de tendre un poisson à un bénéficiaire, nous préférons lui donner une canne à pêche pour qu’il soit indépendant. C’est la mission que nous menons à Maurice et à Rodrigues. Nous, les Ong, nous avons tendance à croire que nous sommes le ministère de la Sécurité sociale. On pense pouvoir tout faire. Or, il est temps que les Ong travaillent selon un système de référence. Par exemple, si une femme souffre d’un cancer, au lieu de venir à M-Kids, on la référera plutôt à une Ong dont c’est la spécialité. De même, on référera une personne à la recherche d’un abri à une Ong précise. Nous pourrons alors aider davantage de bénéficiaires. Il ne faut pas aider de manière bric-à-brac. La NCSR Foundation devrait travailler avec des Ong sur le terrain. Soyons francs, parfois, il y a des Ong que vous ne voyez même pas, mais le montant dont elles bénéficient…

Le rôle des parents est-il important dans le combat contre la pauvreté ?
Très important. Je ne suis pas en train de critiquer mais les faits sont là et en tant que membre du Conseil des religions et en tant que chef religieux, je le constate. On dit que les parents fuient leurs responsabilités. Les parents doivent travailler et de fait, les enfants sont laissés à eux-mêmes, sans encadrement. Ils n’ont pas une orientation. C’est là que leur situation se complique et qu’ils prennent le « chemin indésirable » car ils n’ont pas de guide.

Ces parents ont-ils d’autre choix que de travailler pour nourrir leur famille ?
Certes, mais quand on regarde nos aînés, on peut dire que la misère battait son plein à leur époque et pourtant ils avaient cinq, six, sept, huit enfants et parmi ceux-là, certains sont devenus avocats, magistrats. Ces parents savaient diriger leur vie. Ils savaient consacrer un peu de temps à la famille, un peu de temps au travail, etc. Il faut faire de son mieux pour trouver du temps.

On voit encore des personnes issues de familles démunies qui réussissent très bien leur vie…
Justement, ce succès vient des parents aussi. Ces derniers font tout ce qui est nécessaire pour apporter une bonne atmosphère et une bonne éducation à l’enfant. Autrefois, le papa ramenait de l’argent et la mère était comme une bergère qui veillait sur ses enfants. C’est comme la construction d’une maison. Quand nous oublions de mettre des blocs, la maison ne sera pas aussi solide. Pour une meilleure société, il faut consacrer du temps aux enfants. Je passe du temps avec des familles démunies. Récemment, j’étais à La Gaulette et Le Morne. Aussi longtemps qu’ils sont encore enfants, M-Kids fait un suivi avec ses bénéficiaires. On ne peut se contenter de donner à manger et des cadeaux. On essaie d’éclairer les parents.

Quelles sont les solutions durables à la pauvreté ?
L’accent doit être mis sur l’éducation. Ensuite, les Ong doivent joindre les mains ensemble avec le gouvernement et non se rencontrer une seule fois par an à l’occasion de la Journée du Refus de la misère pour discuter de ce qu’on va faire. À Pailles, M-Kids a mis en place un système d’entraide de voisinage. Par exemple, si un voisin est en difficulté, les autres peuvent voir comment l’aider. Les voisins s’engagent pour donner un coup de main. Les organisations basées sur des croyances diverses et la société civile peuvent aussi joindre les mains ensemble. À M-Kids, on travaille sur l’allégement de la pauvreté chez les enfants. Par exemple, à l’époque où mon père était adolescent, il a connu une famille qui était dans la misère. Aujourd’hui, cette famille est encore pauvre. Je pense donc que ce n’est qu’une éducation de qualité qui pourra améliorer le sort de ces familles. Le bénéficiaire aussi doit faire des efforts. Le logement est une autre priorité. Nous avons eu le cas d’une mère et de sa fille qui ont été chassées par le propriétaire de la maison qu’elles louaient. La dame a sombré dans la dépression. M-Kids a tout fait pour l’aider à trouver une auberge pour une semaine en attendant que les institutions concernées lui trouvent un toit. Le gouvernement dit souvent, surtout en période électorale, qu’il y aura tant de logements. Il faut qu’il le réalise vraiment.

Vous avez organisé un atelier à l’intention des Ong dans le contexte de la Journée mondiale du Refus de la misère. Quel était le but ?
Nous avons invité une trentaine d’Ong s’occupant des enfants ainsi que le National Children Council, la Brigade des mineurs. Les Ong ont eu l’occasion de faire ressortir les failles du National Children Council et de la Brigade des mineurs mais aussi les points positifs. Nous avons souligné la responsabilité des parents. Nous avons émis l’idée de mettre sur pied une plateforme pour faire des débats deux fois par mois.

Le mot de la fin…
C’est un cri du cœur. Il est temps d’arrêter d’utiliser les gens pauvres pour faire du tam-tam. Je parle pour moi-même d’abord. Nous ne pouvons faire campagne sur la pauvreté. Moi, au niveau de M-Kids, ma mission est la proximité avec les pauvres et les travailleurs sociaux. À M-Kids, nous avons un Emergency Relief Scheme où les employés (neuf jeunes entre 18 et 30 ans) se sont engagés pour être disponibles à n’importe quel moment en situation de détresse. En effet, si nous n’arrivons pas à avoir quelqu’un du ministère à 23h, par exemple, ils sont là.

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