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BIGG FRANKII : Une star dans lakaz tol

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BIGG FRANKII : Une star dans lakaz tol
Bigg Frankii (Photo d'archives)

Chanteur très prolifique, Bigg Frankii cumule des millions de views sur les plates-formes où ses chansons et vidéos sont offertes à ses fans. Ce chanteur de Roche Bois jouit d’un statut de star auprès de cette nouvelle génération où Picoti Picota, Tic Tac, My one in a million sont des incontournables. Une vedette du ghetto aux grandes ambitions qui débute au plus bas de l’échelle dans la vie et dans sa carrière.

Picoti Picota : 1,458,390 views. 733,564 pour My one in a million, 565,775 récoltés par Aroze ar poids, 248,944 par Hakuna Matata, etc. Sur YouTube, SoundCloud et d’autres plates-formes, ses quelque 80 chansons et vidéos tournent presque en boucle depuis quelques années. Auprès des jeunes branchés des villes et des ghettos, des tchui et autres “Kalifa”, les assises de ce chanteur sont déjà très solides. Quelques-unes de ses compositions, dont Picoti Picota, prennent même des airs de musique de ralliement pour ces milliers de fans qui s’identifient au genre. Dans l’underground, il a rapidement gravi les échelons pour compter désormais parmi les têtes d’affiche des concerts et showcases mettant de l’avant les nouveaux talents.
Ainsi, Monsieur est une star, un phénomène, une espèce en voie d’explosion qui demande à être mieux connu et qui mérite les feux des projecteurs. Raison pour laquelle nous nous sommes mis sur les traces de Bigg Frankii.

Camp Zoulou.

Direction Roche Bois. Plus précisément à gauche du rond-point arborant les deux guitares en fer qui rendent hommage à Berger Agathe et Kaya. Le premier avait été tué par balles policières à quelques pas de là. L’autre, originaire de Camp Zoulou, repose dans le cimetière d’en face. Dans ce hameau coupé de tout, en bordure de l’autoroute, on se souvient encore de l’ancienne maison du roi du seggae, bien qu’elle ait été rasée il y a quelques années. Les souvenirs de Kaya habitent toujours les coins de rue, où la vie continue paisiblement.

Camp Zoulou, c’est aussi le quartier de Bigg Frankii qui, une fois rentré au bercail, redevient Franco Georgin, employé comme Policy Research. Travaillant principalement la nuit, le réveil a été dur pour lui ce matin. C’est Brian, l’ami fidèle qui tient le rôle principal dans le clip My one in a million, qui nous reçoit, en attendant que l’artiste soit prêt à faire son entrée. Cette chanson, Franco l’a écrite pour sa copine afin de dire que les grosses berlines, les grandes baraques et les millions ne comptent pas du moment que l’amour est là.

Lakaz mama.

La portière en bois de coffrage et en tôle unie poussée, nous voilà dans l’univers de Bigg Frankii. My one in a million a été composée dans cette maison en tôle cannelée, tenue par des poutres en bois. Une lakaz tol d’une autre époque, aux portes et fenêtres en bois et sans vitre que l’on ferme de l’intérieur avec des barres en fer ou en bois.
T-shirt arborant une gueule de tigre, bermuda noir, cheveux en brosse, Bigg Frankii ne s’embarrasse pas d’artifice ou de superflu lorsqu’il nous rejoint. Les pieds nus posés sur la karpet en vinyle qui couvre le sol du salon et de la salle à manger, qui sont séparés par un rideau en voile, Franco Georgin assume pleinement ses origines : “Je n’ai jamais connu de maison en béton. J’ai toujours vécu dans des maisons en tôle.”

Franco, aux côtés de sa mère, en compagnie de Donovan Guéréro et Brian

Mais comprenons-le bien : personne ne s’en plaint et n’exprime d’arguments pour se morfondre sur ces conditions de vie. Ici, on cultive la positivité, en trouvant le confort dans des choses simples et en s’organisant avec les moyens du bord. Convenablement rangée, la maison prend des attraits exotiques, avec une décoration faite de bibelots et de fleurs colorées qui se détachent de la peinture verte recouvrant la tôle à l’intérieur. L’air qui circule par les ouvertures qui restent grandes ouvertes garde la maison fraîche; l’ambiance générale est agréable et chaleureuse.

Zanfan lakaz mama.

Pour l’une de ses toutes premières interviews de presse, Franco veut bien jouer le jeu des confidences, pendant que de l’autre côté du rideau en voile, sa mère vaque à ses occupations, tout en gardant une oreille attentive sur la conversation. Une attention qui s’explique par le fait que Franco est toujours enn zanfan lakaz mama de 19 ans et qu’il n’y a pas si longtemps, il était encore un collégien qui complétait sa HSC. La discussion continue, le ton est posé, la conversation courtoise. Ses réponses sont fluides, sans fioritures prétentieuses, là où d’autres se la joueraient volontiers gangsta superstar après un ou deux succès.

Des succès et des tubes, Bigg Frankii en compte beaucoup parmi la collection de chansons et vidéos qu’il a enregistrées et mises en ligne au cours de ces quatre dernières années. Franco Georgin est un boulimique du travail, un joyeux forçat de la musique qui prend du plaisir à créer. “Je m’inspire de tout pour composer. Des histoires que je vis, de n’importe quoi.” Et puisque Brian est là, autant qu’il confirme : “Dis-lui combien de temps cela me prend pour composer une chanson”, lui demande Franco. L’ami sourit et répond : “Il le fait parfois en à peine cinq minutes.”

Les rythmes de Frankii.

La recette est simple. Pour avoir évolué dans un environnement où la musique et la création musicale ont été omniprésentes, Bigg Frankii a le feeling. Son père est pianiste et ingénieur du son, l’ex-Windblows Mario Immouche est un de ses oncles, Sky To be, l’une des révélations de l’année dernière, est son cousin. La liste s’allongerait encore s’il fallait impérativement considérer tous ses proches qui sont dans le domaine. “C’est pourquoi la musique est quelque chose de très naturelle chez nous. Nous en parlons constamment. Toutes les occasions sont bonnes pour en faire.”
Franco estime avoir commencé à chanter quand il avait huit ans. Sa mère raconte qu’il était encore en garderie quand il avait pris une ravanne pour chanter. “Je m’étais toujours dit que je ferais carrière dans la chanson.”

C’est aussi dans cette maison que certaines de ses chansons ont été enregistrées par son père, connu dans le giron comme Big Jo. Ce dernier a aménagé un studio dans la chambre de son fils, où il procède aux prises de son quand Frankii a une nouvelle création. Pour l’accompagner, il explique avoir eu le soutien précieux de deux amis DJ : Mii Guel et Donovan Guéréro. En sus de l’avoir encouragé, ces derniers lui ont aussi fourni la musique qui porte ses textes sur des airs de dancehall, de salsa, d’electro, de dancehall shata, etc. Bigg Frankii ne se cantonne pas à un style, préférant brasser large pour apporter le rythme là où ça fait vibrer.

Picoti.

En 2014, tout a commencé de manière banale. Avec un téléphone portable des plus simples, Franco se fait filmer, grattant sa guitare et interprétant Watienk. Quelque temps après, sa version de Baliando recueille plus de 10,000 views. Autant d’encouragements pour le faire continuer. Les chiffres grimpent de manière plus fulgurante lorsque, sur une vidéo amateur filmée avec un téléphone, assis en short sur un banc en bois et métal, il chante Lamour aux côtés de Sky to be.

Le temps de compléter ses études et de trouver du travail, il met une pause à ses projets. Il revient en 2017 lors d’un concert organisé pour les jeunes. En écoutant ses compositions, le chanteur Warren Permal lui dit qu’il a un vrai potentiel. D’où Tic Tac, une de ses premières réalisations avec DJ Mii Guel, qui le remet en orbite sur les plates-formes.
Vint Picoti Picota.

https://www.youtube.com/watch?v=ADmCDN0Sh7M

Publiée en juillet 2017, cette chanson est presque un hymne qui, après avoir touché Maurice, a voyagé vers La Réunion, La Martinique et d’autres pays. “Mon ambition est de pouvoir me faire entendre au niveau international”, nous confie Bigg Frankii. À cela, sa mère réplique : “Faut-il encore qu’il y ait enfin de la reconnaissance pour toi à Maurice.” Parce qu’en effet, comme d’autres grands artistes avant lui, Franco souffre d’une certaine indifférence qui l’empêche de s’épanouir.
Face à cette mentalité, il sait qu’il lui faudra lutter. C’est peut-être le propre des Rocheboisiens et de ces autres enfants des ghettos, qui peinent à avancer à cause du manque de facilités et des préjugés. “Je veux prouver le contraire et montrer qu’il y a des talents à Roche Bois. Les jeunes font des choses pour avancer, même si nos moyens sont limités.”

Le gang.

Bigg Frankii insiste : dans cette aventure, il a pu progresser grâce au soutien de ses amis et de ses parents. En sus des deux DJ cités : Brian (DJ Label), Daryl (Real D), Winsley (Super Maspin), Dylan (Flocky D) et Kersley (MG). Des artistes qui montent lentement à ses côtés pour se faire une place dans un cadre qui n’est pas toujours convivial. Le soutien est mutuel. Surtout pas d’extravagance dans les dépenses inutiles. Seule fantaisie : la voiture qu’ils louent pour aller se produire en concert; chacun contribue Rs 200. Pour les débutants, il faut batailler dur pour aller sur des scènes jalousement gardées par des anciens trop orgueilleux. “Mais je le dis à chaque fois : ce qui ne te tue pas te rend plus fort. Si leur orgueil ne me tue pas, il me pousse à avancer.”

Vers la fin de l’année dernière, Big Frankii a sorti un album pour tenter cette expérience. Entre-temps, il continue à partager ses créations sur les plates-formes. “J’ai tout planifié pour que cela dure quelques années encore. Les créations sont là. J’attends les bons moments pour les faire connaître.” Sur le portail, une affiche annonce un concert auquel il participera dans quelques jours. Ces événements auxquels il est invité sont des occasions pour lui de rentabiliser ses investissements. “Ce que je gagne comme cachets, je le mets de côté pour pouvoir progresser dans ma vie. Un jour, je quitterai notre maison en tôle. J’aurai une maison en béton où je vivrai au rez-de-chaussée et ma mère à l’étage.”

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