L’Absa et Future Females Foundation ont lancé un programme d’accompagnement à l’intention de 15 femmes entrepreneurs le 25 janvier, suivi de plusieurs ateliers de Women Forward. Shivani Ragavoodoo Canee fait partie du lot. Passionnée de développement durable, cette jeune femme de 26 ans a créé Cahaya Morphosis, une entreprise engagée dans les produits recyclés, notamment le vacoa, qui est travaillé artistement.
L’esprit vif, Shivani Ragavoodoo Canee est une jeune femme qui parvient aisément à s’imposer. Celle qui dit s’être inspirée du parcours de son grand-père analphabète, orphelin à un jeune âge, et de sa mère, une battante qui a réussi sa carrière d’entrepreneur dans son magasin situé à Mahébourg, surfe aujourd’hui sur la vague du succès.
Aimant apprendre et à s’intéresser aux choses qui l’entourent, Shivani est une femme à multiples talents. Passionnée de danse, elle a su départager ses activités académiques de ses loisirs. En septembre 2021, elle remporte la première place au concours de Climate Launchpad Mauritius 2021 avec son projet Coconan. Un programme conçu il y a sept ans par l’European Institute of Innovation and Technology, soutenu par l’Union européenne.
Son activité consiste à produire des toiles géotextiles à partir de la fibre de coco pour lutter contre les phénomènes d’érosion et favoriser la régénération des sols. Véritable touche-à-tout, elle s’intéresse aussi aux plantes médicinales et comestibles, et trouve toujours des astuces intéressantes comme transformer des boîtes de conserve en pots pour les plantes.
Brillante lors de ses études au collège et classée dans la filière technique Shivani Ragavoodoo Canee opte pour des cours en “sustainable design” qui lui permettront d’avoir un pied dans le développement durable. Avec l’Absa et son programme d’accompagnement pour les femmes entrepreneurs, Shivani participe à une présentation et trouve que ce programme d’accélération a été comme un “boost up”. « Ce programme aide les entreprises à grandir, et grâce au coaching qui a été comme une opportunité, j’ai pu développer ma ligne de produits. » À travers son entreprise Cahaya Morphosis qui signifie en malais lumière pour “cahaya” et transformation pour “morphosis”, Shivani a mis en place un concept de création ludique. « J’ai voulu créer des bijoux, des accessoires en conformité avec la nature et la lumière qui agit comme une sorte de photosynthèse sur les plantes et qui leur procure cette source d’énergie. Dans mon atelier, rien n’est en plastique, tout est unique. Il y a dans les matières utilisées une note tropicale de notre île et des couleurs chatoyantes pour garder l’image d’ensoleillement. »
« Sortir de sa zone de confort »
La créatrice refuse d’importer des matières premières et trouve que le vacoa « rend possible une évolution et une transformation ». La fraîcheur de ses matières se décline sous plusieurs formes : bracelets, boucles d’oreilles, porte-clés, sacs et surtout des bandanas recyclés pour chiens et chats. Étant une amoureuse des animaux, Shivani veut avec ses bandanas permettre à quelqu’un qui adopte un chien d’avoir un petit cadeau recyclé. « Ma ligne d’accessoires pour chiens et chats contribue à la stérilisation des animaux et à encourager les gens à les adopter plutôt que de les voir sur les routes, agonisants, accidentés ou malades. »
Adepte du DIY (Do it Yourself), un tutoriel de mode qu’elle a découvert sur YouTube en Form IV, Shivani ne cesse de surprendre. C’est une artiste qui est parvenue à sortir de sa zone de confort pour réaliser des accessoires à la fois authentiques, originaux et surtout avec une empreinte bien mauricienne. Elle a côtoyé de vieilles dames à Vieux-Grand-Port qui l’ont initiée au tressage du vacoa et vite, cet art est devenu son passe-temps.
Se décrivant comme une personne timide, Shivani trouve que la sphère de l’entrepreneuriat l’a beaucoup aidée à se démarquer. « Je retiens surtout cette rencontre d’accompagnement chez l’Absa, un vrai défi qu’il a fallu relever et où il a fallu prouver son potentiel comme femme entrepreneur. À Maurice, l’entrepreneuriat est capital et vital pour notre économie. »
Le concept de Shivani Ragavoodoo Canee s’inscrit dans son travail sur des matières nobles et recyclables comme le bois, le verre, les fibres naturelles, le vacoa, les glass beads, le textile recyclé. Elle expérimente aussi le tie and dye, des cordes en coton. Mais elle récuse toute forme de pollution autour du plastique, de la résine. « Pour mes designs, j’utilise des métaux, des matières premières recyclables non toxiques à l’environnement. J’entends offrir des accessoires de mode dans un esprit “eco friendly”. »
Toutes les matières inutilisées, Shivani les recycle en leur donnant une seconde vie. Elle s’oriente beaucoup vers le social et veut sensibiliser les Mauriciens à la nécessité de protéger son environnement. « La mode est une industrie polluante, il faut savoir aussi faire le tri dans sa garde-robe et opter pour ce côté minimaliste. Pour moi, chaque achat a un impact sur la nature. D’où mon idée de privilégier des matières qui sont en harmonie avec l’environnement. »
En parallèle, Shivani personnalise ses accessoires et mise beaucoup sur le packaging. « Le fait-main local est important mais il y a aussi cette expérience du client qui ouvre sa boîte pour récupérer ses achats. Je travaille beaucoup dessus et les appréciations de mes clients m’encouragent à améliorer la présentation de mes produits. »
« Chaque achat a un impact sur la nature »
Pendant le confinement, Shivani s’est découvert le besoin de partager les plantes cosmestibles et médicinales de son potager. S’ouvrir à la communauté est aussi une autre de ses démarches. « La pandémie nous a appris à vivre avec peu de ressources. Le fait d’éliminer le plastique dans les achats est une bonne chose. En devenant “eco-friendly”, on se protège et on achète consciemment des produits durables. »
Son rêve est de voir le vacoa ou « tant bazar » prendre de l’ampleur et de le faire connaître à l’échelle internationale. « Les Mauriciens attribuent beaucoup de valeurs aux produits en provenance de l’étranger, il faut casser ses codes et repositionner notre “brand” Made in Moris. »
Mariée mais sans enfant jusqu’à présent, la jeune créatrice aime redécouvrir la nature en pratiquant le yoga, une autre forme d’énergie et d’éveil de la conscience. Elle a aussi appris à fabriquer des savons, à extraire des colorants des feuilles, à explorer son jardin. Et son prochain défi est de sensibiliser aux produits écologiques fabriqués localement. Elle souhaite que les entrepreneurs mauriciens aient plus de visibilité.