C’est bon, les étudiants du SC et du HSC ont, enfin, obtenu leurs résultats et si beaucoup ont eu droit à des félicitations, d’autres ont aussi dû subir quelques commentaires pour le moins désobligeants. Si la critique reste très bénéfique, plusieurs chercheurs se penchent sur la limite de celle-ci et sur la façon dont elle est formulée pour permettre à l’enfant de se développer en adulte sain. Nous vous partageons, cette semaine, un article sur le sujet, publié sur le site Slate.fr, et qui pourrait être utile aux parents et futurs parents. Bonne lecture !
Plus question de laisser pousser les marmots comme des carottes sauvages, les études et nos séances hebdomadaires chez le psychologue sont formelles: la façon dont nous élevons nos petits trésors impacte leur bien-être présent et futur. On peut prêter à l’éducation non violente, aussi appelée «positive», des intentions qu’elle n’a pas (OUI, on peut dire «non» à un enfant, OUI, on peut poser des limites), elle aura eu l’avantage de nous interroger sur nos comportements violents. En France, les châtiments physiques sont interdits depuis 2019, et de plus en plus de parents parviennent à éviter ces fessées qu’ils ont eux-mêmes reçues. Mais qu’en est-il des autres violences, plus insidieuses?
Les violences psychologiques infantiles en hausse
Une méta-analyse britannique publiée en octobre 2023 dans la revue Child Abuse & Neglect vient de révéler que les violences physiques et sexuelles étaient en baisse un peu partout dans le monde. Malheureusement, cette étude britannique intitulée Childhood verbal abuse as a child maltreatment subtype: A systematic review of the current evidence («La violence verbale pendant l’enfance comme sous-catégorie des maltraitances infantiles: une revue systématique des preuves actuelles» en français) n’a pas été menée pour rebooster nos egos de parents.
Elle montre que si les violences physiques reculent grâce à la prévention, les violences psychologiques infantiles sont en hausse sur ces dix dernières années, et notamment les violences verbales. Or, ces violences verbales peuvent avoir un impact similaire aux violences physiques, même si les parents en ont moins conscience. La liste de ces violences est exhaustive: humiliations, dénigrements, insultes, moqueries, harcèlement, paroles sexuelles ou sexualisantes, cris… C’est d’ailleurs sur ces derniers que cet article s’attardera, puisque c’est la forme de violence qui a été mise en avant par les nombreux médias qui ont relayé l’étude –«les cris sont aussi nocifs que les maltraitances physiques», peut-on ainsi lire un peu partout sur la toile.
Pas reconnue et considérée comme «moins impactante»
Pourtant, à l’heure actuelle, la violence verbale n’est pas reconnue comme une catégorie spécifique de violence infantile, ce que regrettent les auteurs de la méta-analyse. «Nous avons analysé plus de 160 études pour comprendre le fonctionnement de ces violences, et nous avons constaté qu’actuellement, la violence verbale était la plus répandue, déclare la professeure Shanta R. Dube, coautrice et directrice chargée du programme de santé publique du Levine College of Health Sciences. Les parents et les adultes considèrent souvent qu’elle est moins impactante. Selon les travaux, on constate que ce n’est pas le cas, elle peut même servir à pallier d’autres types de violences.»
Cette forme spécifique de maltraitance aurait des conséquences tout aussi spécifiques, comme la dépression, l’anxiété, et l’addiction. Nous devons donc porter aux violences psychologiques et verbales la même attention qu’aux violences ostensibles. D’après l’American Professional Society on the Abuse of Children, «la maltraitance psychologique [qui inclut actuellement les violences verbales, ndlr] concerne un schéma répété d’un ou plusieurs incidents extrêmes de comportement des tuteurs qui s’opposent aux besoins psychologiques fondamentaux de l’enfant».
Après dix tentatives calmes et intelligibles de convaincre des enfants d’enfiler leurs chaussettes, la onzième peut légitimement dégoupiller le plus patient des darons. Les cris qui sortent alors, très intenses (après tout, on ne parle que de chaussettes), font-ils de nous des parents maltraitants? Et en admettant que ce regrettable incident se soit déjà produit par le passé, même s’il concernait des bottes ou un manteau, peut-on parler de «schéma répété»?
Une question d’équilibre
La réponse de Shanta R. Dube est nuancée mais ferme: on ne peut pas comparer des cris ponctuels à des insultes répétées, mais ces cris ponctuels aussi affectent les enfants. «En tant qu’adulte, si j’entends une voiture pétarader, je vais sursauter, illustre-t-elle. Mon système va se mettre en alerte pendant quelques minutes, comme si j’étais en danger immédiat, avant de réaliser qu’il s’agit juste d’une pétarade. Les études montrent aussi qu’à court terme, les violences verbales provoquent un stress soudain chez l’enfant.»Aucun professionnel digne de ce nom ne peut cautionner nos cris, mais tous s’accordent à dire que ces cris ne peuvent pas non plus définir à eux seuls un climat d’abus. La maltraitance verbale s’inscrit principalement dans un continuum.
Catherine Salinier, pédiatre et membre de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), évoque avant tout l’équilibre: «Dans un contexte d’éducation positive, lorsque le parent est bienveillant et aimant, une parole malheureuse perturbera l’enfant sur le moment, mais ne va pas modifier la relation. Une violence qui traumatise à vie, c’est une grave violence, c’est une violence répétée. Une fois, ce n’est bien sûr pas malin, mais ça échappe à tout le monde.»
La psychologue clinicienne Laurène Maisonneuve, qui reçoit régulièrement des familles et des enfants, tient un discours similaire: «Je pense qu’actuellement, une majorité des parents a fait ou fera preuve, ponctuellement (ou non) de “violence verbale”. Mais, peut-être à tort, je ne mets pas sur le même plan l’humiliation, l’insulte, la menace et les cris. La violence ponctuelle n’est jamais à banaliser. Malgré tout, je considère que hausser la voix de manière isolée n’a pas la conséquence d’une “maltraitance”, c’est-à-dire qu’elle ne menace pas l’intégrité d’un enfant, même si elle occasionne effectivement du stress sur le moment.»
Où est la limite ?
Nous pouvons en conclure deux choses: un parent qui crie à son enfant réfractaire d’enfiler ses chaussettes, ça n’est pas la même chose qu’un parent qui l’insulte et le dénigre, comme on ne peut pas comparer un incident chaussettes occasionnel à des consignes vociférées tous les jours. Néanmoins, on ne peut pas non plus banaliser les actions isolées qui, elles, entraînent une réaction de stress temporaire parfois intense. Ces nuances, qui ne nous aident pas à y voir plus clair, illustrent bien la complexité d’un sujet impossible à synthétiser, qui ne nous fournira jamais de réponse tranchée. La prochaine fois que vous tomberez sur un contenu simplifiant à l’extrême une théorie éducative, vous serez autorisé à ne pas vous sentir coupable.
Pour savoir si votre comportement est réellement nocif pour le développement de votre enfant, communiquez plutôt avec lui. Si les doutes subsistent, sollicitez l’avis d’un professionnel compétent qui prendra la mesure de votre situation avant d’envisager des actions adaptées à votre foyer et à ses membres. Comme le note Laurène Maisonneuve, «concernant l’accompagnement et les recommandations, tout dépendra du contexte, de la fréquence, de comment les enfants se comportent actuellement, pourquoi les parents crient et ce dont ils auraient envie ou besoin (la paix à la maison, un enfant qui écoute, du relais).»