Accueil Actualités Magazine Fabienne Rakotomalala, malvoyante : Une fille pas si ordinaire que ça !

Fabienne Rakotomalala, malvoyante : Une fille pas si ordinaire que ça !

0
Fabienne Rakotomalala, malvoyante : Une fille pas si ordinaire que ça !

Fabienne Rakotomalala est malvoyante de naissance. Son handicap ne constitue pas un obstacle dans sa vie puisque la battante qu’elle est poursuit ses rêves jusqu’au bout. C’est grâce à l’île Maurice, qu’elle sera contrainte de quitter, qu’elle a pu se construire et se sentir “ordinaire”.

La main et les yeux de sa mère sont ses précieux guides. Mais Fabienne veut s’en passer, tant que cela lui est possible. Elle ne veut pas faire de sa déficience visuelle un obstacle. Elle fait d’ailleurs aisément l’impasse sur ce handicap lorsqu’elle parle d’elle. Les trophées la récompensant pour son excellente performance au Higher School Certificate, alignés sur une étagère du salon, ne pouvaient qu’être de bon augure pour son avenir académique.

Des années plus tard, c’est à la Middlesex University Mauritius que Fabienne Rakotomalala s’apprête à décrocher son BA en Advertising, Public Relations and Media, pour la plus grande fierté de ses parents, Sarah et William.

Ce dimanche, Fabienne Rakotomalala fêtera ses 27 ans. Ce n’est pas pour autant qu’elle n’étudiera plus. La jeune femme ne veut pas se contenter d’un diplôme, elle vise une maîtrise. Mais avant, elle aimerait faire du journalisme en ligne ou travailler à la radio. Son foyer, elle le construira une fois qu’elle sera financièrement autonome et qu’elle aura rencontré un homme qui corresponde à ses attentes, “cultivé et ouvert d’esprit”. “Il doit exister, dit-elle en riant, car le monde est vaste”. Il ne suffit que de quelques secondes pour se rendre compte que l’étudiante aux longs cheveux de jais est une personne brillante. Modeste, elle affirme qu’elle est une “fille ordinaire”.

Un rayon de soleil.

Pourtant, enfant, elle n’a connu l’école qu’à l’âge de 7 ans. Parce qu’elle n’était pas si ordinaire que ça ! Retour en arrière, dans les années 1990. Les Rakotomalala habitent la capitale malgache, Antananarivo. Ils vivent dans une zone éloignée de toutes les facilités. Leur unique enfant, Fabienne, est née malvoyante. “Je ne comprenais pas pourquoi elle est née avec une déficience visuelle. Le médecin m’a dit que j’avais peut-être contracté une épidémie pendant ma grossesse. J’étais tellement malheureuse”, confie Sarah Rakotomalala.

Mais Fabienne est en fait un rayon de soleil pour le couple. Très vite, Sarah Rakotomalala se rend compte que sa petite a du caractère et que la demoiselle est une fonceuse. Pour des raisons d’éloignement, les Rakotomalala ne peuvent envoyer Fabienne dans une école spécialisée. Cette dernière raconte : “Quand j’étais petite, il y avait une école maternelle non loin de ma maison. Je tendais l’oreille pour écouter la maîtresse faire la classe aux enfants. C’est comme ça que j’ai appris l’alphabet et à compter. Je me souviens qu’une fois, elle leur avait demandé de compter jusqu’à 20 et les enfants se sont arrêtés à 10. Moi, j’y suis arrivée !”

Quand le couple Rakotomalala apprend la présence de Reynolds Permal de Lizie dan lamain à Tana, il s’empresse d’aller à sa rencontre. Maurice devient alors une terre de possibilités pour la petite et aussi pour ses parents. À Maurice, elle apprend le braille, poursuit des études secondaires et s’épanouit. Son père trouve du travail et gravit des échelons. Les Rakotomalala sont Mauriciens de cœur. Mais après vingt ans passés à Maurice, les lois régissant l’immigration ne leur permettent pas de rester davantage. C’est avec tristesse et des interrogations sur l’avenir de leur fille que Sarah et William s’apprêtent à regagner la Grande île…

Férue d’informatique.

Mercredi, jour de congé pour l’étudiante. Si elle s’accorde le plaisir d’une grasse matinée, Fabienne Rakotomalala ne va pas se la couler douce… Ses études, qui prendront fin en mai prochain, requièrent des heures de recherches en ligne. Fabienne doit se rapprocher de très près de l’écran de sa tablette, de ses ordinateurs ou de celui de son téléphone (aussi muni d’une synthèse vocale) pour arriver à distinguer de très peu les images qu’ils renvoient. “Tant qu’il y a des facilités, y compris à l’extérieur, je ne me sens pas différente. Je dirais même que j’ai de la chance de pouvoir étudier.” La jeune femme ne s’en plaint pas. L’informatique, elle adore. C’est par le biais de ses ordinateurs et de sa tablette qu’elle se connecte au monde, s’inscrit aux réseaux sociaux, qu’elle s’instruit… Dans la maison familiale à Rose-Hill, où elle reçoit Scope, elle confie : “J’adore le shopping, les mangas, regarder les recettes sur YouTube, écouter Céline Dion, la couleur rose et ses déclinaisons, comme le rose bonbon, le fuchsia…” Ça, c’est son côté girly !

Mais, qu’on ne s’y méprenne pas, la jeune femme n’est pas du style à ne discuter que dentelles et salades ! Elle est plutôt du genre à disséquer et analyser au plus près des sujets les plus profonds de la vie et qui se rapprochent de ses études. À l’université, la jeune femme est la seule étudiante du campus avec un handicap visuel. Mais cette particularité ne présente aucun obstacle à ses études. “L’université misant sur le e-learning, tout le matériel dont on a besoin est disponible en ligne également. Les travaux que nous soumettons se font via le e-platform. C’est une des raisons pour lesquelles je me suis inscrite à la Middlesex University.”

Médias et communication.

Grâce à une synthèse vocale en ligne, qui lui lit les textes, indique les images, les couleurs etc., Fabienne peut utiliser l’informatique pour suivre ses études et soumettre ses dissertations sans difficulté. La jeune Rosehillienne voulait se lancer dans des études en psychologie ou en ingénierie informatique, mais elle a dû revoir son orientation. “Ces deux filières requièrent une maîtrise des mathématiques. Au collège, j’ai dû abandonner cette matière dès la Form IV à cause des schémas qui ne peuvent être reproduits en braille. Dans le secondaire, je m’appuyais sur le braille pour étudier. Mais une fois à l’université, le braille ne suffit plus. De plus, à Maurice, les universités exigent les mathématiques, alors qu’au Canada, il m’aurait été possible de m’inscrire pour ces études. Mais elles coûtent trop cher.”

Aujourd’hui, c’est sans regret que Fabienne aborde le dernier tournant de ses études. Sous le regard admiratif de Sarah et William Rakotomalala, la jeune femme explique la passion qu’elle a développée pour les médias. “Les médias et la communication sont intrinsèquement liés. La communication est omniprésente et elle est essentielle dans notre quotidien et dans toutes les sphères professionnelles. Mes études demandent des recherches minutieuses et approfondies, incluant des référents. Il me faut être attentive aux moindres détails. Je n’ai jamais connu d’obstacles pendant mes études… sauf récemment où je ne pouvais faire des photos à travers Maurice pour un projet auquel je tenais. J’ai demandé à mes parents de les faire. Ils se sont débrouillés, mais j’aurais préféré les avoir faites moi-même.” Sarah Rakotomalala sourit. Elle sait que sa fille est une perfectionniste.