Fête des travailleurs : Ces femmes qui ont su braver les préjugés

  • Vanessa Françoise (32 ans), Team Leader d’une équipe de maçonnerie composée à 60% de la gent féminine
  • Madhuri Candasamy, de femme de ménage à tombaliste

À l’occasion de la fête des travailleurs qui sera célébrée ce mercredi, Week-End a choisi de donner la parole aux femmes, dont celles qui ont su braver tous les préjugés de leur entourage, comme de la société, pour occuper des activités professionnelles encore occupées à plus de 90% par des hommes. À l’instar de Vanessa Françoise (32 ans), mère célibataire de quatre enfants, devenue Team Leader d’une équipe de maçonnerie composée à 60% de la gent féminine. Il faut aussi rendre hommage aux femmes qui s’investissent de la mission de faire perdurer des métiers en voie de disparition. Nous avons dressé le portrait de Madhuri Candasamy, une ancienne femme de ménage qui exerce comme tombaliste depuis six ans.

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La maçonnerie, majoritairement exercée par les hommes, se conjugue au féminin depuis une dizaine d’années, quand bien même certaines maçonnes continuent à subir préjugés et railleries. On reconnaît les femmes téméraires à certains détails, comme cette capacité à tenir la dragée haute face aux hommes qui croient qu’elles ne sont pas à leur place. Vanessa Françoise, à qui la vie n’a pas toujours fait de cadeaux, a visiblement les qualités et le tempérament nécessaires pour se hisser en haut de l’échelle dans ce domaine. On l’a rencontrée la semaine dernière sur un chantier où des travaux de construction d’un immeuble sont menés tambour battant.

Vanessa Françoise ne passe pas inaperçue derrière le niveau optique, un outil conçu pour déterminer la hauteur des masses terrestres. Preuve en est qu’au bout de 14 ans de dur labeur, cette habitante de Cité La Cure a pris du galon, ce qui qui l’a conduit à être promue Team Leader en 2021. Elle se dit fière de n’avoir rien lâché, sûre que sa ténacité allait payer. « Je suis née à Rodrigues. J’avais 14 ans lorsque j’ai débarqué à Maurice en compagnie de mes parents. J’ai quitté le collège lorsque j’avais 17 ans, avant d’accoucher de mon premier enfant à 18 ans, que je devais élever toute seule. J’ai donc postulé pour un emploi dans plusieurs secteurs. C’est finalement un contracteur qui m’a contactée. Mo dir mo seye. E fran tou, mo’nn mari kontan sa travay-la », dit-elle.

« J’ai constitué ma propre équipe »

Charges lourdes, travail en extérieur sous un soleil de plomb, postures… horaire : travail en soirée et week-end fréquent pour répondre à l’exigence des délais… Les débuts de cette jeune femme dans l’apprentissage de son nouveau métier ne furent pourtant pas si évidents que ça. S’armant de courage, Vanessa Françoise va finalement braver les préjugés et la dureté du métier pour se frayer un chemin dans ce secteur d’activité. « C’est un métier qui requiert les conseils d’un vrai mentor, mais qui s’apprend aussi beaucoup sur le tas. Il y a eu des moments de doute au départ, mais heureusement que j’ai pu très vite acquérir du savoir-faire, car je me donnais corps et âme tout en étant motivée pour monter en compétence. J’ai eu la chance de travailler sous la houlette d’hommes qui m’ont aidée à progresser et qui accordent du crédit pour le travail bien fait », soutient-elle.
Reconversion réussie

La Team Leader a les yeux rivés dans son niveau optique et le regard tourné vers un brillant avenir

L’annonce de sa promotion en tant que Team Leader sonne comme une délivrance pour Vanessa Françoise, désormais maman de quatre filles. « Je me bats pour qu’elles aient la meilleure vie possible. Sans elles, je n’aurais peut-être pas eu la force pour décrocher cette promotion. » La trentenaire est d’autant plus enhardie que son patron lui a donné les coudées franches pour constituer à sa guise son équipe. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, Vanessa Françoise a décidé fait la part belle aux femmes dans son effectif. « Les femmes sont plus disciplinées professionnellement et les jeunes hommes de nos jours sont peu enclins à faire ce métier. Ça reste mon avis. Je dirige une équipe d’une vingtaine de maçons, dont 10 sont des femmes. Tout se passe comme sur des roulettes », dit-elle. What next ? Certes, Vanessa Françoise a l’ambition de franchir d’autres paillers dans sa carrière, mais il est hors de question, dit-elle, de brûler les étapes : « Je me sens plus que jamais épanouie, mais il me faut acquérir plus d’expérience pour un jour monter ma propre entreprise. Petit à petit, l’oiseau fait son nid. »

Contrairement aux métiers du BTP, certaines professions se font de plus en plus rares avec le développement de la société. Il y a ceux et celles, heureusement, qui se sont investis de la mission de les faire perdurer contre vents et marées. À trois jours de la Journée internationale des travailleurs, on a rencontré Madhuri Candasamy, qui exerce en tant que responsable constructeur funéraire, un métier que l’on connaît plutôt comme tombaliste, au cimetière de Saint-Sauveur, sis à Bambous. C’est là qu’elle nous a proposé une immersion dans l’univers de la création des pierres tombales.

Dès l’entrée, ça sent la rénovation et la peinture fraîche. Madhuri Candasamy n’était nullement prédestinée à une carrière dans ce secteur, car avant d’embrasser le métier de tombaliste, elle a travaillé comme femme de ménage chez des particuliers. Sauf que son salaire ne lui permettait pas de joindre les deux bouts.

Madhuri Candasamy veut redonner au métier de tombaliste ses lettres de noblesse

Après avoir ruminé sur son sort durant plusieurs années, Madhuri Candasamy, soutenue par son époux, décide de franchir le Rubicon en 2018. « C’est mon époux, qui exerçait en tant que Burial Ground Attendant à l’époque, qui m’a encouragée à faire table rase du passé et travailler à mon compte dans la construction funéraire. Mo ti telma motive pou travay pou momem ki mo’nn persevere ladan », confie Madhuri Candasamy.
La métamorphose

Bien lui en a pris, car depuis, le succès lui tend les bras. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un coup d’œil sur les tombes qu’elle a réalisées ou rénovées à coup de marteau, ciseau ou de peinture. Le regard fier, M. Candasamy nous montre sur son téléphone l’état de décrépitude dans lequel se trouvaient certaines sépultures, dont celles qui ont été endommagées au cimetière St-Jean lors du cyclone Belal, qui ont été métamorphosées grâce à son épouse et les deux personnes qui travaillent en part-time avec elle. Certaines sont en pierre, en porcelaine, en granite et d’autres en béton.

Madhuri Candasamy a su se faire un nom par le biais du bouche-à-oreille, mais également grâce au soutien indéfectible de la paroisse Saint-Sauveur, qui a su reconnaître la passion qu’elle voue à son métier. Elle utilise aussi sa page Facebook pour en faire un outil de promotion, mais aussi pour encourager plus de jeunes à s’adonner à ce métier. « Il y a un manque de tombalistes flagrant à Maurice, car les plus vieux prennent leur retraite et la relève n’est pas là. L’éducation, ce n’est pas seulement de former des gens en technologie. Les métiers traditionnels ont encore leur place et je compte bien participer à ce renouveau. »

S’acheter un camion

Madhuri Candasamy reçoit de plus en plus de commandes et de réparations des familles des défunts. Semelles, stèles et soubassements sont entreposés dans son atelier à Cité La Ferme, son quartier natal. Une fois les monuments terminés, elle doit les transporter et les installer dans les cimetières. « C’est au fil des années que j’ai acquis de l’expérience. Travailler avec des roches est une tâche difficile, les matériaux sont coûteux et le maniement des machines pour creuser les tombes est une opération délicate. » La tombaliste voit les choses en grand, mais il n’en reste pas moins que pour l’instant, elle ne dispose pas d’un camion pour transporter ses œuvres et elle souhaite pouvoir économiser assez d’argent avant la fin de l’année pour pouvoir pallier ce manque.

La tombaliste se considère comme l’un des derniers représentants de cette tradition artisanale à Bambous. « C’est un métier qui fait l’objet de pas mal de préjugés. Il faut absolument lui donner un nouveau souffle, sauf que la relève est incertaine, les jeunes ne semblant pas s’intéresser à ce métier, malgré les opportunités financières qu’il peut offrir. C’est ce travail qui me permet de vivre décemment et de m’occuper de mes enfants. »

L’état de décrépitude dans lequel se trouvait cette sépulture avant qu’elle ne soit rénovée (voir photo ci-dessous) par Madhuri Candasamy

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