Les 70 ans d’Eastern Trading – Des décennies de passion

Tous les dix ans, Eastern Trading s’offre un « rebranding », un petit coup de neuf avec essentiellement un nouveau slogan. Pour ses 60 ans, l’entreprise avait opté de mettre en avant l’année de sa naissance, 1952, et le slogan « l’esprit du vin. » Pour ses 70 ans, elle reprend son nom d’origine avec le slogan « caviste depuis 1952 ». Un changement rendu nécessaire pour respecter les nouvelles lois qui interdisent de faire de la publicité en utilisant le nom du produit que commercialise Eastern Trading.

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Depuis 2012, ce n’est pas seulement le slogan qui a changé chez Eastern Trading, mais son magasin principal, sa « maison mère », comme on dit parfois dans le commerce. La boutique de la rue sir William Newton, située au cœur du secteur des affaires de la capitale, a déménagé pour le Vivea Business Park de Moka. La maison mère  est, désormais, installée dans un local où le comptoir de la boutique donne directement, à travers une immense vitrine, sur une cave climatisée pour conserver les produits à température idéale. C’est dans cette cave que Jean-Pierre et Stéphane Lenoir reçoivent les amis, les clients et, pour les anniversaires, des journalistes pour raconter l’histoire de l’entreprise autour d’une bouteille. Forcément.

Fondée par Philippe Lenoir, il y a donc 70 ans, cette année, Eastern Trading a été ensuite reprise par Jean-Pierre Lenoir, avant que la direction générale de l’entreprise ne revienne à son fils, Stéphane.

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Tout en étant une entreprise commerciale qui tourne bien, Eastern Trading est une affaire de famille ? « C’est le cas », répond Stéphane, « mais c’est une famille dont font également partie intégrante les employés de l’entreprise. Bien sûr, nous sommes une entreprise commerciale qui doit faire des ventes et des profits pour continuer à exister. Nous le faisons en partageant notre passion pour le bon vin. En essayant de satisfaire le client. Pas forcément pour lui vendre le produit le plus cher, mais pour bien le guider, pour en faire un habitué de nos boutiques en créant de la confiance entre lui et nous. Et nous le faisons grâce aux membres de notre personnel, qui sont pour moi plus que des employés. Ils sont pour moi des membres à part entière de la famille Eastern Trading, qui partagent notre passion pour le vin et en parlent avec autant de conviction et de connaissance que mon père et moi. Sans eux, Eastern Trading n’aurait pas pu exister. »

Comment est-ce que les Lenoir père et fils ont-ils accueilli la nouvelle loi qui interdit de mentionner le nom du produit qu’ils commercialisent dans leur publicité ? « Nous avons respecté la loi en changeant de slogan. Puisque le mot vin ne peut pas être utilisé pour les besoins de marketing, on est revenu à Eastern Trading en lui ajoutant le mot caviste, qui n’est pas interdit. »

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« Quoi de plus noble que le
produit de la terre et du travail des hommes ? »

Au fait, ça veut dire quoi, caviste ? « Tout simplement marchand de vin, dans le langage de la profession. Le terme marchand de vin a une connotation un peu trop commerciale, tandis que caviste est spécifique au vin, sans qu’on ait besoin d’écrire le mot. » Revenons à la loi sur les alcools, est-ce qu’elle n’est pas nécessaire pour éviter les abus, l’accoutumance ? « Il y a, effectivement, des campagnes de plus en plus sévères contre l’alcool, mais en même temps – et ça, on oublie de le souligner –, c’est un produit qui rapporte énormément aux autorités en termes de taxes. Ce qui représente, quelque part, une forme d’hypocrisie. Il ne faut pas faire la promotion de l’alcool de façon directe et brutale, comme on peut le voir sur certains sites des réseaux sociaux suivie par les jeunes et, même, les très jeunes. Il faut plus éduquer et expliquer qu’il existe une façon agréable d’apprécier le vin, en évitant les abus qui peuvent conduire à des résultats catastrophiques. »

Jean-Pierre Lenoir intervient pour dire, avec force, que « le vin n’est pas un produit comme les autres. On dit qu’il est le produit de la terre et du travail des hommes. Quoi de plus noble que la terre et le travail ? On dit aussi qu’il fait partie des plantes que Noé prit le soin d’amener sur son arche avant le déluge. On sait que depuis la nuit des temps, il fait partie des cérémonies religieuses, c’est dire son importance. Ce produit de la terre et du travail des hommes n’est pas fait pour être avalé à la va-vite mais pour être apprécié, dégusté. »

Il y a dix ans, on disait que le Mauricien commençait à devenir un bon amateur de vin. Est-ce que depuis, il s’est amélioré, a pris de la bouteille, pour reprendre une expression vinicole? « Oui, répond Stéphane, le goût du Mauricien a évolué positivement. Je crois qu’en général, il s’intéresse de plus en plus au vin, à la gastronomie, au confort, au bien-vivre. Le goût pour le vin s’est développé avec l’ouverture des Mauriciens sur le monde et la montée de la gastronomie. Il y a aujourd’hui plein d’émissions de télévision et de journaux spécialisés sur la cuisine, et les gens s’intéressent non seulement pour regarder ou lire mais pour faire eux-mêmes et goûter. Par ailleurs, aujourd’hui, le Mauricien voyage, découvre, goûte, aime et veut avoir sur sa table ce qu’il a mangé et bu ailleurs. Les vins peuvent être associés aux multiples cuisines qui existent à Maurice et ils sont disponibles. »

Jean-Pierre rajoute : « C’est vrai. Avant, dans les mariages et les réceptions, on servait essentiellement du whisky, de la bière et des soft drinks; aujourd’hui, on voit que le vin a grignoté la place du whisky. Avant, la nourriture n’était pas aussi variée qu’aujourd’hui. À table, le dimanche, on avait un rôti, des légumes et une salade ou du riz, curry, des grains et des chutneys. C’est totalement différent aujourd’hui. Avant, il y avait, dans les supermarchés, un coin pour mettre les bouteilles; aujourd’hui, chaque grand supermarché a pratiquement une section avec plusieurs rayons réservés au vin. Sans compter les boutiques spécialisées, comme les nôtres, que l’on peut trouver dans chaque grand centre commercial. »

Question pratique : que représente le marché annuel du vin à Maurice en termes de bouteilles, et combien faut-il débourser pour acheter « un bon petit vin » ? « Il est estimé que la consommation annuelle est de plusieurs millions de bouteilles par an, divisés entre les Mauriciens et les touristes, et le marché est partagé entre six ou sept gros prestataires et des petits vendeurs/distributeurs. On peut avoir une bouteille convenable entre Rs 800 et Rs 1,000 pour les vins rouges et entre Rs 600 et Rs 800 pour les blancs. On achète plus et plus cher le rouge à cause du prestige qui y est attaché. Et les producteurs s’attachent à satisfaire cette demande qui est mondiale. »

Comment est-ce qu’Eastern Trading a fait pour tenir, malgré la concurrence qui s’est développée au fil des années, avec l’attrait pour le produit ? « Nous sommes restés par conviction, par amour. Nous sommes dans le vin parce que nous sommes des amoureux du vin, pas parce que nous pensions que le secteur est porteur et peut rapporter. Nous sommes obligés d’être des hommes d’affaires et, à ce niveau-là, de mettre de l’eau dans notre vin de manière figurée. Nous visons un juste équilibre : ne pas vendre n’importe quoi à n’importe quel prix rien que pour gagner de l’argent. » C’est à Jean-Pierre que reviendra le soin de la conclusion de cette rencontre pour parler des 70 ans d’Eastern Trading.

« Pour résumer notre philosophie, je dis qu’on essaye de coller le plus possible avec le produit qui est devenu un produit noble. Nous essayons de transmettre aux gens toute cette noblesse qualitative. On dit que le vin est le fruit de la terre et du travail des hommes. Qu’est-ce qu’il y a de plus noble que la terre et le travail des hommes ? Tout est là ! Pour nous, c’est la grande tradition française qu’on essaye, modestement, de conserver en mettant l’accent sur le qualitatif, pas sur le quantitatif. »

 

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