(Livre) Lamarel Lavi, d’Alain Fanchon : la bagarre raciale d’une “perspektiv lakour”

Le jeudi 10 septembre, Alain Fanchon lancera Lamarel Lavi, un livre en kreol avec pour toile de fond la bagarre raciale de 1968. Il propose une perspective populaire de ce triste évènement à travers les témoignages de personnes qui l’ont vécu ainsi qu’à travers les yeux de deux personnages fictifs : des enfants issus de communautés différentes qui vivent dans la même cour.

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Ces trois dernières années, Alain Fanchon a voyagé à travers l’île pour aller à la rencontre de témoins de la bagarre raciale de 1968. Un voyage dans le temps à la recherche de souvenirs sombres, d’anecdotes tristes mais surtout d’émotions enfouies. “J’ai demandé à certains témoins de confier la chose qui les avait marqués. Ils m’ont relaté des moments durs. L’un d’eux m’a dit avoir vu quelqu’un sortir un poignard de sa chaussette et avoir eu très peur. Un autre raconte que tout était en dessus dessous. Un témoin m’a raconté la fois où il s’est retrouvé au milieu de la fumée avec la perception que c’était la fin du monde. » Parmi ceux qui lui ont parlé il y a aussi ces personnages qui font toujours des cauchemars liés à cette période. « Certaines personnes qui ont témoigné sont malheureusement décédées entretemps. Elles vivront désormais à travers le livre.” L’auteur confie d’ailleurs que le livre n’est pas écrit de façon historique mais d’avantage d’une “perspektiv lakour, du point de vue populaire.”

À travers des yeux d’enfants.

À travers ces différentes rencontres, l’auteur a pu tisser une histoire et créé deux personnages qui accompagnent les lecteurs. “Ce sont deux enfants qui habitent la même cour. Ils jouent ensemble. Le garçon a dû se sauver avec sa famille lors de la bagarre raciale. Ils se retrouvent à l’âge adulte et racontent à leurs enfants respectifs ce qu’ils ont vécu.”

Le choix de faire vivre le livre à travers ces deux enfants n’est pas anodin. Il encourage une perspective neutre, sans les préjugés. “L’enfance est la période la plus dynamique de la vie, il n’y pas d’inhibition, l’amitié d’enfant est différente. D’ailleurs dans le livre, un enfant demande à des adultes la chose suivante : ‘kan nou gagn lager ant zanfan nou fas apre nou dos, eski bann gran dimounn ousi fer parey ou bien zot res fas ?”

Alain Fanchon confie qu’il souhaite que le livre encourage ceux qui ont vécu cette période à en parler aux jeunes. “ Beaucoup ont des choses à raconter. Je veux encourager les aînés à partager cette page de l’histoire avec les jeunes pour les aider à comprendre la solidarité qu’il y avait à cette époque. Il s’agit aussi de comprendre le déplacement géographique de certaines communautés provoqué par la bagarre raciale. Beaucoup de personnes ont dû fuir leurs maisons pour se réfugier ailleurs. Avant cela nous vivions tous ensemble. »

La bagarre raciale est loin derrière. Mais des ombres hantent encore notre société. « Il y a toujours une fragilité. Certaines personnes tentent de diviser pour avoir plus de pouvoir. Nous sommes toujours un peu vulnérables. Le livre contribue à montrer ce qui peut arriver si les choses dérapent. Nous avons une résilience, malgré tout cela, nous arrivons à vivre ensemble.”

Titre symbolique.

Quelque part, le livre est également un hommage aux personnes qui ont aidé leurs voisins. “C’est un peu une dédicace à ces gens qui ont agi pour la paix de façon anonyme. Des gens ordinaires qui ont sauvé leurs voisins en les cachant.” Le titre du livre est symbolique. “Il y a des obstacles dans le jeu, des lignes qu’il ne faut pas traverser. Ils s’encouragent, se conseillent. Dans le livre, le temps se gâte, il commence à pleuvoir, il y a la cassure dans le jeu et dans la vie.” Quant au message principal : “Le message est lavi ansam zoli.”

Alain Fanchon a, par ailleurs, la musique dans la peau. Il a écrit une chanson, Dir mwa kifer, qu’il attribue à la plume de la fille de l’histoire. Les paroles peuvent d’ailleurs être lues dans le livre alors que le morceau sera joué lors du lancement. L’auteur confie également que photos de l’époque ainsi que de objets de l’époque y seront exposés. La préface a été écrite par Cassam Uteem alors que Patrice Offman a aidé à dessiner la couverture et le design intérieur.


L’âme poétique

Né à Port-Louis, Alain Fanchon, 59 ans, a embrassé une carrière d’infirmier. Il est un passionné de culture, notamment de poésie. C’est à lui que l’on doit le poème Ti bato papyé écrit en 1989 et fut qui fut traduit en plusieurs langues en 2015 à l’initiative d’Immedia et de Ledikasyon Pou Travayer. C’est d’ailleurs tout naturel que Lamarel lavi est écrit de façon poétique. Il a également écrit le poème 2 en gran chiffre qui a paru dans un recueil de poésie collectif. Il a également écrit la pièce de théâtre Ton Judex et assuré sa mise en scène en 1995. Alain Fanchon a d’ailleurs longtemps côtoyé le dramaturge Henri Favori.


Extrait

Lerla dousma-dousma, deplasman-la koumanse.

Avek boukou prekosion !

Tipier ti pe vey kote lari tansion kikenn depi dan lari trouv zot. Bizin atann kan li donn signal ek so lame ki lerla enn par enn kapav degaze travers ti lantre dan baraz raket pou al lot kote lakour. Bann fami Rajen ti fini pare pou akey bann refizie. Ti fini prepar dite so-so pou ofer zot pou bwar.

Ti koumadir enn sitiasion pa reel. Imazinn ou, plizier fami koumsa pe kasiet aswar kot vwazin e dan nwar : zis lalanp petrol ki ti pe eklere…

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