Mylene Lecoq-Bamboche : Lady jazz

Mylene Lecoq-Bamboche, a repris le flambeau du leadership du  Kreol Jazz Pioneers pour garder la vision et la musique de son défunt époux, Judex Bamboche, vivantes et percutantes. Chanteuse, joueuse de banjo ténor et de saxophone alto, professeur d’université et docteur en psychologie, cette femme de 37 ans devenue veuve en 2019, s’est réinventée son monde pour continuer à vivre tout en gardant la musique et sa famille au centre de ses préoccupations. Mylene Lecoq-Bamboche est une lady qui incarne l’esprit du jazz.

- Publicité -

Amstrong s’est invité dans le salon des Bamboche à Plaisance cet après-midi. “I see trees of green, red roses too, I see them bloom for me and you, And I think to myself, What a wonderful world”, reprend Mylene Lecoq-Bamboche d’une voix puissante et empreinte d’émotion en hommage à la légende du jazz. Cette chanson emblématique, elle l’offre avant tout au souvenir de son époux, Judex Bamboche, décédé en 2019. “Juste après son décès, cela a été très difficile d’être sur scène. Particulièrement quand on jouait ce morceau. J’essayais de me contrôler pour ne pas pleurer. Souvent quand on perd une personne, il y a une coupure. Pour moi, cette coupure a été un peu complexe. Il y avait tous ces souvenirs associés à cette musique. Mais, petit à petit, on apprend à gérer ses émotions.” Le départ de celui avec qui elle partageait tant de passion et de sentiments lui a imposé à se reconstruire. Pour elle, pour ses deux enfants, pour tous les projets construits ensembles et les rêves qui attendaient de prendre forme.

Dans tous les cas, la musique a un effet bénéfique sur elle. “Je ne sais pas si elle m’apaise ou si elle me stimule, mais il y a une sensation de bien-être.” Lecturer à l’Université de Maurice, elle a consenti à prendre la direction du Kreol Jazz Pioneers pour continuer ce qui avait déjà été lancé. “Ça a été difficile pour moi, il a fallu que je trouve des repères, que je me réorganise par rapport à tout ce que je faisais et à nos enfants. Il a fallu que je me réadapte petit à petit. Dans l’orchestre, il y avait un vide et on se demandait comment faire pour accepter le deuil, accepter qu’il y a cette place vide et voir éventuellement comment on peut évoluer pour changer et s’adapter à la situation.”

Le jazz a porté ses ambitions. La Lady se tient fermement debout sur ses pieds pour continuer. “I hear babies cry, I watch them grow, They’ll learn much more, Than I’ll ever know, And I think to myself, What a wonderful world, Yes, I think to myself, What a wonderful world”, dit encore la chanson qui résonne entre les murs de la sympathique maison. Le piano des deux filles dans un coin du salon, la trombone de son défunt mari installée fièrement dans l’espace de vie, la demeure de Mylene Lecoq-Bamboche respire le jazz. Dès que l’artiste s’empare de son saxophone alto, et commence à jouer quelques notes, ce sentiment que la musique habite les lieux est exacerbé.

En quelques secondes, on est transporté vers la Nouvelle-Orléans et son jazz traditionnel. “Le jazz de la Nouvelle-Orléans, c’est une passion, c’est de la joie”, souligne la musicienne. S’armant ensuite de son banjo alto, accompagnée vocalement par sa fille J-my, elle nous fait l’étalage de sa dextérité et de son style mélodieux. “J’avais besoin de relever d’autres défis.” Ce style de musique rythme sa vie depuis 2003 quand Judex Bamboche, son petit copain d’alors, qui allait devenir son époux par la suite, lui proposa d’être partie prenante de son orchestre, le Kreol Jazz Pionneers. Elle mis de côté la variété dans laquelle elle évoluait pour parcourir les répertoires des grands du jazz traditionnel tels qu’Ella Fitzgerald, Nina Simone ou encore Natalie Cole tout en écoutant Louis Armstrong, Duke Ellington et Louis Prima, parmi d’autres.

En 2007, elle se rendit à l’évidence que chanter uniquement ne lui suffisait plus. “Je ressentais le besoin de relever d’autres défis.” Elle se lanca ainsi à la recherche d’un instrument qui cadrerait avec cette musique. Son choix se porta sur un banjo ténor qu’elle apprit à jouer en 3 mois. “Il y avait déjà un banjo dans l’orchestre, mais ce jazz traditionnel avait besoin d’un banjo ténor. L’instrument a une sonorité particulière qui donne ce son de la Nouvelle Orléans.”

Quant au saxophone ténor, elle a commencé à en jouer pour faire partie du Brass band que son défunt mari avait créé il y a quelques années de cela. “Comme j’avais déjà joué du saxophone ténor quand j’étais plus jeune, cela n’a pas été trop difficile de maîtriser ce saxophone.” “Je me suis dit qu’il fallait absolument continuer.” Après le décès de son époux, elle souligne le soutien des membres de l’orchestre qui ont bien voulu continuer l’aventure. “Ce sont de très bon musiciens, très talentueux. Ç’aurait été trop dommage que ça s’arrête. Judex les avait choisis et les avait formés à la philosophie et à la musique, à la manière de jouer, à la structure, comme il m’a formée. Malgré la tristesse, il y a toujours cet élément de joie et de célébration dans cette musique.”

D’autre part, la musicienne confie que son mari et elle ont pu réaliser un de leurs rêves en 2016 en se rendant à la Nouvelle Orléans. “C’était comme un pèlerinage pour nous. Nous avons pu découvrir encore plus comment ce jazz traditionnel se jouait là-bas.” Ils ont ainsi pu assister à une parade dans les rues lors d’un mariage.  “Judex a même pu jouer avec le Treme Brass Band. Comme nous n’avions pas d’instrument avec nous, nous avons dû aller en acheter. Judex a pu trouver un trombone, mais moi je n’ai pu trouver un banjo pour pouvoir jouer. On a pu voir les différences entre leur manière de jouer et la nôtre.” Concert hommage. Ils ont également rencontré des personnes très connues du domaine tels que Gregory Stafford et Dr Michael White avec qui ils ont eu des interactions très intéressantes.

“Le jazz de la Nouvelle Orléans a évolué avec nous ici. Nous avions déjà commencé à la jouer différemment avec, par exemple, des rythmes de soukous ou de zouk. Quand on était à la Nouvelle Orléans, on a rencontré ces personnes et nous avons pu leur faire voir des vidéos de nos performances. Ils étaient surpris de voir que nous avions déjà fait évoluer cette musique alors qu’ils commençaient à peine là-bas.” Par ailleurs, jusqu’au confinement de 2020, la musicienne ne jouait que du banjo ténor dans l’orchestre. Au déconfinement, elle prit la décision de sortir de sa boîte son saxophone qu’elle intègre désormais dans l’orchestre. Elle a ainsi pu en donner un aperçu au Caudan Arts Centre lors d’un concert en hommage à Judex Bamboche.

“Il voulait absolument jouer dans cet enceinte mais malheureusement il n’a pu le faire. Mais il voulait qu’on fasse une fête à sa mort. C’était aussi l’occasion de marquer un renouvellement.” Renouvellement. Un renouvellement qui se traduit aussi par l’envie d’aller vers leurs propres compositions. “Juste après le concert au Caudan Arts Centre, le groupe a joué dans le film Stranger in paradise tourné à Maurice. L’orchestre a même enregistré la musique que nous jouions dans le film pour la scène où nous apparaissons. J’ai été faire de recherches pour trouver une musique appropriée.”

Au niveau de sa carrière, Mylene Lecoq-Bamboche est docteur en psychologie, spécialisée en Education Psychology. Elle enseigne plusieurs matières dans le domaine à l’Université de Maurice. “Je suis spécialisée en Education Psychology, plus particulièrement auprès des enfants qui sont High Ability, qui ont un QI plus haute que la moyenne.” Par contre, elle a d’avantage eu l’occasion de travailler avec des enfants qui ont des traumatismes. De même, elle a eu l’occasion de faire de la recherche à travers son doctorat sur les changements de comportement et d’identité. “J’ai étudié des personnes qui, par exemple, vous disent qu’ils se sentent possédés. J’ai étudié les Possession Form Presentations qu’en psychologie on appelle la dissociation. Nous avons pu établir certains liens où, quand la personne va se faire ‘exorciser’, ça réactive le traumatisme.”

Pour évacuer le stress généré, Mylene Lecoq-Bamboche s’en remet à sa musique de coeur. “La musique m’aide à couper avec ce que je fais comme travail et à me sentir mieux.”

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -