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(Rakont Mwa) 1er février 1835 : L’abolition de l’esclavage

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(Rakont Mwa) 1er février 1835 : L’abolition de l’esclavage

Le 1er février, Maurice célèbre les 186 ans de l’abolition de l’esclavage, une étape phare dans l’histoire du pays. Cette fête nationale célèbre nos ancêtres et leur rend un vibrant hommage. C’est aussi une occasion de se rappeler que notre pays a été construit dans la souffrance et la solidarité. Nous vous proposons un retour vers 1835 quand les Britanniques ont aboli l’esclavage suite au vote de la loi découlant du Slavery Abolition Act de 1833.
L’esclavage a été pratiquée en toute légalité à Maurice de 1723 à 1835. Le 1er février 1835, plus de 70% des habitants de la colonie devenaient libres et égaux en droit. Cependant, ce jour ne fut pas pour autant proclamé férié. Il a fallu attendre 167 ans plus tard pour que les autorités apportent une digne reconnaissance de la fin du régime servile considéré, comme l’a si bien énoncé Aimé Césaire, “la perpétuation du plus long crime contre l’humanité.”
En 1638, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales établissait une colonie sur l’île Maurice. Elle entreprit d’abattre les arbres d’ébène et de développer les plantations de cannes à sucre et de tabac. Les Hollandais firent venir les premiers esclaves sur l’île en tant que main-d’œuvre. Mais en 1710, ils abandonnèrent l’île Maurice, incapables de la développer. Les Français prirent alors le contrôle en se concentrant sur la production de cannes à sucre. Cela signifiait l’arrivée de beaucoup d’autres esclaves pour travailler dans les plantations. Lorsque les Britanniques prirent le contrôle de l’île en 1810, les esclaves représentaient environ 80 % de la population, la plupart venant de Madagascar et d’Afrique de l’Est.

1831.
L’ordre de 1831 décréta l’abolition définitive de l’esclavage sans indemnité pour les propriétaires d’esclaves. À Maurice, on choisit la résistance passive à la révolte et les planteurs, sur les conseils d’un des leurs, Adrien d’Epinay, organisèrent une grève de quarante jours. En mai 1833, Lord Stanley, le nouveau secrétaire britannique aux Colonies, proposa un autre plan jugé plus « réaliste ». Ce plan proposait une émancipation accompagnée d’une période d’apprentissage et d’une indemnisation aux propriétaires d’esclaves qui s’élevait à plus de 2 millions de livres. Le nombre total d’esclaves s’élevait à 66 613 (dont 26 800 esclaves agricoles et 22 200 esclaves domestiques, le reste étant les enfants et les vieillards). La moyenne de compensation par esclave était donc, pour les propriétaires, d’environ 30 livres.

Abolition.
L’esclavage avait été aboli dans l’Empire britannique en août 1834. Mais il a fallu plusieurs mois avant que Maurice ne fasse de même le 1er février 1835, devenant ainsi la dernière des colonies britanniques à abolir l’esclavage. Entre le 1er août 1834 et le 1er août 1835, 800 000 esclaves dans l’ouest de l’Inde et à l’île Maurice, furent libérés. Ceci fut un évènement significatif. Ce ne fut pas seulement le plus grand relâchement d’esclaves des temps modernes, mais ce fut aussi la destruction de ce qui représentait le pilier de leur économie. Par la suite, les planteurs reçurent une compensation de deux millions de livres sterling pour la perte de leurs esclaves. Alors que l’esclavage avait cessé, l’afflux de travailleurs se poursuivit avec l’arrivée de travailleurs engagés, venant cette fois-ci principalement du sous-continent indien.

L’arrivée des travailleurs engagés est commémorée par un jour férié à Maurice le 2 novembre. C’est ainsi qu’à Maurice, la loi prit effet le 1er février 1835, mettant fin à une pratique de deux siècles. Cette période transitoire donna le temps au gouvernement de trouver une main-d’œuvre alternative pour remplacer les esclaves dans les champs de cannes à sucre. C’est ainsi que, le 2 novembre 1834, un premier navire débarqua 39 immigrés indiens à Maurice, premier acte de l’immigration indienne qui durera 90 ans et qui amena un total de 451 746 travailleurs, dont la plupart sont restés dans l’île après le renouvellement de leur contrat initial de cinq ans.

Compensations.
L’administration britannique craignait des troubles violents à Maurice, surtout face l’opposition des planteurs et du gouverneur Nicolay. Mais, du côté des planteurs, tout se passa relativement bien. Les anciens propriétaires d’esclaves exprimèrent leur confiance grandissante, leur optimisme croissant, ainsi que leur mépris de plus en plus grand pour les règles britanniques. Ceci en partie dû au succès d’Adrien d’Epinay qui obtient 2.112.6320 livres de compensation pour les planteurs qui perdirent leurs esclaves, plusieurs milliers de cet argent furent introduits illégalement. Bien qu’ils ne représentaient que 5% des propriétaires d’esclaves, ils reçurent plus de 20% du paiement. Une grande partie de cet argent fut par la suite réinvestit dans les propriétés sucrières et le nombre d’usines sucrières augmentèrent, passant de 167 à 203 entre 1833 et 1838.

Économie.
Pour l’économie de plantation, le problème du remplacement de la main d’œuvre servile trouva une solution avec la venue d’une main-d’œuvre contractuelle en provenance d’Inde. La production sucrière augmenta et la situation financière des propriétaires terriens s’améliora avec les indemnités qu’ils avaient touchées. Le volume de sucre exporté augmenta. Parallèlement, il y eut aussi une légère augmentation dans les salaires ou encore des améliorations au niveau des méthodes de culture. D’Arvoy, le Consul français à Maurice, nota que l’île connut une période de prospérité. La valeur des logements urbains doubla tandis que le prix des propriétés rurales tripla.

Fin de l’esclavage.
La fin de l’esclavage fut accueillie sans grande joie par les esclaves, surtout parce qu’ils furent obligés de continuer à travailler sans être payés, pendant toute la période dite d’apprentissage qui dura jusqu’en 1839. Conformément à la politique officielle britannique, le système d’apprentissage fut mis en place pour habituer les ex-esclaves (devenus maintenant des apprentis) à leurs nouvelles responsabilités de citoyens libres. Les plus à plaindre furent donc les esclaves libérés. Ils eurent du mal à s’adapter à leur nouveau mode de vie et pratiquement rien ne fut fait, tant sur le plan matériel que moral, pour faciliter leur insertion. Certains se lancèrent dans la petite agriculture et la production maraîchère aux Plaines-Wilhems, d’autres se tournèrent vers la pêche et fondèrent de petites communautés côtières.

Commémoration.
L’abolition de l’esclavage à Maurice est commémorée au Monument international de la Route de l’esclave sur la péninsule du Morne, qui a ouvert ses portes le 1er février 2009. La population d’esclaves marrons s’est concentrée sur le Brabant du Morne, où ils se cachaient dans de petites colonies. L’histoire raconte que les esclaves marrons s’étaient réfugiés au sommet de la montagne afin d’échapper aux traitements inhumains infligés par leurs maîtres. Ils vivaient ainsi dans les sommets – une vie dure et dangereuse, mais qui néanmoins avait un léger goût de liberté.

Les découvertes et les histoires traditionnelles ont transformé le site du Morne en un monument symbolisant le combat des esclaves pour la liberté et leur sacrifice. Le Morne a été ainsi inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) le 10 juillet 2008. Le Morne Heritage Trust Fund a été créé le 28 mai 2004. Il a pour objet de promouvoir, de préserver et d’informer sur l’importance du site du Morne. Le site a été préservé et est maintenu en vue de préserver notre patrimoine.