Ras Mayul – Le seggae en deuil : Un pur roots s’en est allé

Le seggae mauricien est en deuil. Ras Mayul s’en est allé mardi dernier. Le seggaeman qui habitait Résidences Richelieu et avait subi une intervention chirurgicale à la gorge, il y a quelque temps, avait un cancer. Ras Mayul avait 68 ans et avait dédié la majeure partie de sa vie au seggae. Le fondateur du groupe Alpha Omega a laissé un riche héritage musical qui ne devrait pas tomber dans l’oubli.

Pour Ras Mayul, qui avait pratiqué le métier de maçon, la musique était bien plus qu’une vocation artistique,  mais une rédemption salvatrice. Lui-même avait l’humilité de le reconnaître. La musique avait sauvé Jacques Emmanuel Bill pour faire de lui  Ras Mayul, un fidèle de Jah et des préceptes du Rastafari. Il traduisait ses pensées sur la vie, les plaisirs matériels, les fausses promesses des « prodwi simik », dans des seggae qui l’ont fait connaître, pour devenir un de ses incontournables interprètes dans les années 90. À cette époque, ce style résonnait de toutes parts à travers des œuvres où les textes aux messages variés étaient bien écrits. Et l’arrangement musical recherché, pour gratifier d’une note world à la sonorité de leur riddim.

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Le seggaeman au visage franc

Ras Mayul, pour la génération qui ne connaît pas ce nom, était un maillon pur roots du seggae mauricien. Sa discographie ne peut que témoigner ce que nous avançons ici. Nous avons connu et rencontré l’homme au moment où il avançait à grands pas dans le circuit où régnaient Kaya, Ras Natty Baby, Gérard Bacorillal, Fight Again, Berger Agathe et Natir. Mais Ras Mayul n’était pas un artiste extraverti. Il ne faisait pas partie de ceux que les médias courtisaient. Ras Mayul avec son visage franc ne séduisait pas. Pourtant, il n’avait rien d’arrogant. Bien au contraire! À chaque sortie d’album, il se présentait modestement à la rédaction de Scope et lui était même devenu fidèle.

Exilé… son meilleur album

Seul ou avec des membres de son groupe Alpha Omega, Ras Mayul nous ramenait des pépites, des chansons avec des textes engagés.  L’homme sortait alors de sa tanière pour nous parler de « son » seggae. C’est ainsi qu’en 2004, avec Clifford Carosin, un autre artiste parti trop tôt, il sort le sublime album Exilé, sans aucun doute, un des meilleurs de sa discographie. Et 18 ans après sa sortie, Exilé reste une œuvre résolument contemporaine. Le seggae, disait Ras Mayul dans les colonnes de Scope, « ne se réduit pas à la musique. Créé du métissage pour porter les messages inspirés de sa philosophie, ce rythme jamaïquain enrichi du battement du séga mauricien est, à mes yeux, une culture qui se vit dans le respect et avec un esprit d’ouverture ». Il disait également: “Seggae pena frontier. Il n’est réservé à personne. Tout Mauricien a le droit de se l’approprier et d’en jouer. C’est une musique dont nous devons tous être fiers. Le seggae est une musique qui est là pour faire bouger, pour faire danser, pour amener de bonnes vibrations. Mais on ne peut en jouer si on n’a rien à dire. Le seggae est là pour faire entendre des messages, pour interpeller les consciences. »

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Mo sante pou ki tou dimounn viv ansam an armoni »

C’est avec Souvenir Mama que Ras Mayul fait son entrée dans la chanson,  lorsque les années 70 tirent à leur fin. Il s’était accroché à une nouvelle vie après avoir trop flirté avec les bonheurs artificiels. Quand il interprétait I shot the Sheriff , une chanson que lui avait apprise un marin, il ne connaissait rien de Bob Marley. Lorsqu’il découvre qui était réellement le chanteur jamaïcain, il réalise que la musique est aussi une mission et qu’il se devait de l’accomplir. Il prend cet engagement en s’inspirant des groupes et chanteurs engagés des années 80. Et ce n’est pas un hasard qu’il crée sa formation, la nomme Alpha Omega et la gère avec son grand ami José Guillaume qu’il a rejoint mardi dernier.  En 1996, les 10 commandements révèle sa vision, son talent d’auteur et sa voix. “Mo sante pou ki tou dimounn viv ansam an armoni. Mo priye pou ki sak dimounn ena enn lasiet manze toulezour. Li devwar tou dimounn vey lor sa. Nou bizin konsian lamour bondie inn donn nou. Nou bizin viv dan linite ek pa bliye ki ena enn sel relizion, se relizion bondie”, disait-il à Scope.

En 2017, après presque 35 ans de musique, Ras Mayul avait démontré qu’il avait encore à donner et à dire. Il est revenu au devant de la scène avec son dernier album Flash Mizikal. Il a aussi tenu à participer au combat pour la reconnaissance des droits des artistes en prenant position pour eux à chaque fois que l’occasion de présentait.

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« Le respect qu’on lui témoigne sur la scène du seggae roots, Ras Mayul l’a bien gagné », écrivait encore Scope en 2012. Et tant que le seggae restera dans la mémoire, le nom de Ras Mayul y sera associé.

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