Marée noire : MWF : « Le naufrage Wakashio n’est qu’un simple avertissement »

La catastrophe écologique liée au naufrage du MV Wakashio, survenu au large de Pointe-d’Esny en juillet 2020, aurait pu être « bien pire », selon le Conservation Director de la Mauritian Wildlife Foundation (MWF), Vikash Tatayah. Pour autant, elle n’aura pas non plus été sans conséquence, ce dernier rappelant que la fuite de fuel, à proximité de l’île aux Aigrettes et d’autres îlots, a mis en danger une biodiversité déjà très fragile, obligeant à envoyer certaines espèces en Angleterre afin de les protéger.

- Publicité -

« Seulement » 1 000 tonnes de fioul ont été déversées dans le lagon, explique d’emblée Vikash Tatayah, insistant sur le fait que « nous avons été chanceux, car ces navires peuvent transporter des volumes bien plus importants ». Ce qui l’amène à dire : « L’échouement du MV Wakashio n’a été qu’un simple avertissement. La prochaine fois, cela pourrait être plus grave ! (…) L’échouage du navire a démontré notre vulnérabilité en tant qu’État océanique. Cette fois, c’était un déversement de fioul, mais cela aurait aussi pu être une invasion d’espèces nuisibles. » Rappelant que notre biodiversité est menacée, il explique que, jusqu’à l’an dernier, « on n’incluait pas le déversement d’huile parmi ces menaces, mais aujourd’hui, c’en est devenu une ». Ce qui pousse le Conservation Director à demander que le National Oil Spill Contigency Plan soit « bien revu, surtout à la lumière de l’expérience de l’année dernière » et à « prendre en considération les risques réels d’un autre échouage ».

Des reptiles envoyés en Angleterre

Des reptiles ont été sauvés de l’île de la Passe, l’îlot Vacoas, l’île aux Fouquets (au Phare) et l’Ilot Marianne, et ont été envoyés au Jersey Zoo, en Angleterre, expliquet-il. La préservation des reptiles en captivité, dit Vikash Tatayah, « nécessite beaucoup d’efforts et de compétences ». Aussi, chaque progrès en la matière constitue une grande fierté. La MWF avance d’ailleurs qu’un taux élevé de reproduction a été constaté pour le Scinque de Bojer et les Lesser Night Geckos. « Le Scinque de Bouton, lui, a pris un peu plus de temps pour s’adapter, mais il a récemment commencé à produire des œufs. »

Mais la préservation des reptiles est parsemée d’embûches, rappelle-t-il, citant en premier lieu la question de la biosécurité. Il cite l’exemple de la présence de la couleuvre, qui est un prédateur. « Il faut qu’on ait une grande source de nourriture pour ces animaux, surtout des insectes. Cela demande des investissements importants », dit-il. Raison pour laquelle ces reptiles ont été envoyés en Angleterre, au Jersey Zoo. « Ayant des moyens limités pour maintenir ces reptiles en captivité, nous avons eu recours à ce zoo, qui travaille avec Maurice depuis les années 70’. Il comprend d’ailleurs une “Reptile House”. »

Il précise cependant que les reptiles « mauriciens » n’ont pas été « donnés » au zoo britannique, car « ils restent la propriété de Maurice ». Aussi, dit Vikash Tatayah, à n’importe quel moment ces reptiles peuvent être renvoyés à Maurice, tout dépendant de savoir si leur population n’a pas été affectée chez nous. Il fait également ressortir que pour minimiser le risque de disparition, ces reptiles peuvent être « partagés » avec d’autres zoos, histoire de réduire le fardeau de ces animaux en captivité. Quant aux autres espèces, elles ont également pu être sauvées. C’est notamment le cas de chauve-souris, envoyées un temps à Ferney, et d’oiseaux, expédiés à Rivière-Noire, et qui ont été « rapatriés » depuis à l’île aux Aigrettes. « Nous avons pu trouver une solution pour ces espèces aussi ! ».

Pour rappel, le MV Wakashio s’était échoué à seulement deux kilomètres de l’île aux Aigrettes, qui abrite des populations de Pigeons des mares, d’Oiseaux-lunettes, de Cardinaux de Maurice ou encore d’autres reptiles et de plantes endémiques figurant sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Malgré les efforts en vue d’évacuer certaines espèces rapidement, certains dommages inévitables ont cependant été constatés.

Vikash Tatayah avance le cas de l’Oiseau-lunettes, qui est « hautement territorial » et ne tolère pas l’intrusion d’une autre espèce d’oiseau. « On s’attendait à une rivalité entre ces oiseaux, au point où nous avons craint que “l’intrus” finisse par disparaître », dit-il. Mais finalement, ces oiseaux ont été envoyés à la volière de Rivière-Noire. « Certains sont morts, mais une bonne partie de ces oiseaux ont survécu et ont été réintroduits sur l’île aux Aigrettes. » Après le naufrage, on avait eu également peu de voir disparaître une espèce de grillon endémique, qui vivait lui aussi sur l’île aux Aigrettes et qui, après le drame, avait disparu pendant des mois. Mais il a été aperçu de nouveau en février 2021 par un surveillant de l’îlot.

La MWF avance qu’en juin 2021, le criquet, de son nom scientifique Makalapobius Aigrettensis, a été répertorié par la science comme étant une espèce nouvelle avec une importante présence sur l’île aux Aigrettes, et ce, grâce à un travail effectué bien avant le naufrage du Wakashio. La MWF regrette cependant que depuis la marée noire, le grillon endémique n’est malheureusement plus aussi répandu sur l’îlot. La fondation attend d’ailleurs l’arrivée de Sylvain Hugel, expert en zoologie, qui devrait se prononcer sur la réduction de la population de cet insecte.

L’huile déversée par le navire est considérée comme un « carburant nouveau », car jamais déversé dans nos eaux. Aussi, Vikash Tatayah explique que les spécialistes ne peuvent se prononcer sur les conséquences de ce fuel, qui a d’ailleurs fortement affecté les arbres côtiers de l’île aux Aigrettes, obligeant à les élaguer. « Ces arbres se rétablissent en ce moment, mais il leur faudra du temps pour retrouver leur taille d’origine. » Depuis le début de la catastrophe, la MWF a été fortement mobilisée sur le terrain aux côtés des autorités. Ainsi, depuis un an, la fondation et des représentants du gouvernement se rencontrent régulièrement en vue de dégager un plan d’action et éviter d’autres désastres de ce type.

Ce qui a déjà permis, se réjouit Vikash Tatayah, de dresser une liste de mesures à prendre afin de réagir rapidement si un pareil scénario se reproduisait. Dans ses recommandations, la fondation avait demandé que des Particularly Sensitive Sea Areas soit identifiées afin que ces zones soient davantage protégées. « Nous avions formulé cette demande avant même le drame du Wakashio, soit en 2017. Rien n’avait été fait, mais après le désastre, les autorités ont identifié des “areas to be avoided”. Ce n’est pas exactement la même chose, mais c’est un progrès », termine le Conservation Director.

 

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -