Mauriciens à l’étranger : Ces étudiants minés par la solitude

Son appel à l’aide a interpellé. Heïdi Soupault, étudiante à Sciences-Po Strasbourg, a adressé une lettre à Emmanuel Macron sur le sort des jeunes pendant la pandémie de Covid-19. Comme elle, ils sont nombreux à vivre en ce moment des moments difficiles. Isolés dans un petit appartement, contraints de rester scotchés à leur écran d’ordinateur, ils vivent bien souvent dans des conditions précaires. Fatigués, ces étudiants essaient pourtant de garder le moral pour ne pas inquiéter leurs parents, ici… impuissants. Week-End s’est entretenu avec quelques étudiants mauriciens à l’étranger ainsi qu’avec quelques parents inquiets.

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« Je ne peux pas leur dire que je n’ai vu personne depuis des mois et que je passe mes journées à déprimer », nous confie Adrien (prénom modifié), actuellement étudiant en Allemagne. Le jeune homme avait insisté pour partir en septembre dernier, malgré les réticences de ses parents. « Je voulais vivre cette aventure, car j’ai toujours eu envie d’aller étudier à l’étranger », dit-il timidement. À l’autre bout du téléphone, c’est une voix tremblante, fatiguée, cassée que l’on entend. « Je pensais trouver un emploi une fois arrivé en Allemagne, mais impossible d’en trouver un ces temps-ci. » Adrien s’est ainsi retrouvé seul dans un petit appartement pendant quelques mois, avant de finalement bouger chez des amis. Pas par envie, mais parce qu’il y avait urgence. « Je ne pouvais plus payer seul le loyer et pour être franc, rester tout seul entre quatre murs me tuait à petit feu. »

Néanmoins, il essaie de garder le moral « avant tout pour mes parents. Je ne peux pas leur dire que je ne vais pas bien, et que j’ai juste envie de rentrer. Ils ont dépensé beaucoup d’argent pour m’envoyer étudier, je ne peux pas leur faire cela, je dois avancer. Je sais que je vais m’en sortir. Heureusement que j’ai mes amis qui me soutiennent. En fait, on se soutient mutuellement et on fait comme on peut pour économiser. » En effet, si les enfants essaient de rester forts pour ne pas inquiéter leurs parents, ces derniers meurent d’inquiétude, car ils savent que les choses doivent être difficiles là-bas. Patricia est une maman inquiète. Son fils, actuellement étudiant en France, essaie lui aussi de la rassurer tous les jours. « Mais mon cœur de maman brûle. En temps normal, l’on s’inquiète, alors maintenant avec la Covid, imaginez… », nous confie-t-elle.

Sentiment d’impuissance

C’est son fils qui a choisi de retourner en France en septembre malgré la situation actuelle. « Il a travaillé tellement dur pour réussir ses concours et pour pouvoir intégrer une école d’ingénierie. Il voulait absolument le faire. » Heureusement, pour lui, tout va bien et il essaie de s’adapter, même s’il est amené à rester 8 heures par jour collé à son écran d’ordinateur. « Ce n’est pas facile, car ils restent des enfants, mais ils s’en sortent et nous parents, nous sommes automatiquement plus rassurés lorsque l’on sait que nos enfants vivent en colocation, car il y a toujours quelqu’un d’autre avec eux », dit-elle. « C’est pour cela aussi qu’il est important que les parents puissent connaître les amis et avoir un numéro de contact de ces derniers, même si nos enfants ne voudront pas ! Qui allons-nous contacter s’il lui arrive un problème ? On essaie donc de maintenir le contact, même s’ils ne veulent pas qu’on le suive à la trace. »

Patricia nous confie être déchirée entre l’inquiétude et le sentiment d’impuissance. « Mais nous devons leur faire confiance et les laisser vivre, car eux savent et ont compris qu’il faudra apprendre à vivre avec. » C’est aussi ce que pense Joséphine Rivalland-Robert. Sa fille, Olivia Robert, qui étudie le droit anglais et français à l’Exeter University en Angleterre a, elle aussi, fait le choix de rester « pour ses examens ». Des examens sur table qui devaient avoir lieu en janvier, mais avec l’annonce du Premier ministre Boris Johnson sur un reconfinement, les choses ont changé. « Elle a fait beaucoup de sacrifices pour ses études et elle se retrouve à suivre ses cours à distanciel. Elle aurait pu rentrer, mais elle ne souhaite pas aller en quarantaine et vivre encore seule pendant 14 jours. Elle ne pourra pas supporter cela », nous confie-t-elle. Un traumatisme qu’Olivia Robert essaie de surmonter seule, car ses colocataires de nationalité française n’ont pas pu retourner en Angleterre à temps, avant que les frontières ne se ferment. « Je suis extrêmement triste pour elle; ça, nous ne pouvons rien faire ici. Nous nous sentons impuissants, car nous ne pouvons même pas aller la voir là-bas », nous confie Joséphine Rivalland-Robert.

Feizal Nooraully est lui catégorique : « N’envoyez pas vos enfants à l’étranger jusqu’à nouvel ordre ! » Sa fille Deana Soleinah est, elle, rentrée in extremis en mars dernier de ses études en Afrique du Sud. « Nous étions tous partis la voir pour les vacances et pour sa remise de diplômes, mais tout a chamboulé et du jour au lendemain, elle a dû tout laisser derrière elle, pour rentrer au pays avec une seule valise », nous raconte ce père soulagé que sa fille soit avec lui à Maurice. « Comment serions-nous aujourd’hui si elle était restée ? Comment allions-nous gérer cela?», dit-il. Feizal Nooraully ne reste pas insensible aux nouvelles concernant les étudiants étrangers livrés à eux-mêmes loin de leur famille. Même si sa fille est déçue de ne pas avoir pu dire au revoir à ses amis, ou d’avoir tout laissé dans son appartement en Afrique du Sud, il est soulagé. « Nous faisons désormais des démarches pour faire venir ses affaires », dit-il.

En Angleterre, la même détresse des étudiants

Dans un article publié il y a un mois par le journal anglais The Guardian, l’on avançait que la moitié de quelque 4 000 étudiants interrogés affirmaient que leur santé mentale avait pris un sale coup avec la Covid. Cette étude menée par l’Office of National Statistics et la National Union Students indiquait déjà le mal-être des étudiants anglais confinés et complètement coupés du monde. « Covid-19 has not had an equal impact on all and has further entrenched the disadvantage that marginalised groups feel. There was already a mental health crisis on campus that has been exacerbated by Covid-19. To alleviate this crisis students need greater financial support, accessible learning spaces and safe accommodation », indiquait Larissa Kennedy, présidente de la NUS. Un article datant de plus d’un mois, mais malheureusement toujours d’actualité.

Christine Faugoo (IDP Education Ltd) :« Le vaccin est une lueur d’espoir »

Malgré la pandémie, les étudiants mauriciens sont toujours nombreux à vouloir partir en Australie pour poursuivre leurs études supérieures. C’est ce que nous soutient Christine Faugoo (Country Director d’IDP Education Ltd). « Ils sont une quarantaine de Mauriciens à commencer leurs cours en ligne, qui ne sont pas des cours à distance, mais des online tasks, c’est-à-dire qu’ils commencent leurs cours en ligne dans l’anticipation de partir. En même temps, l’Australie a su bien gérer la crise, en comparaison à d’autres pays qui accueillent des étudiants étrangers. »

Elle nous explique aussi que quelques Mauriciens ont décidé de rentrer au pays pour continuer leurs études à distance. « Ils ont préféré rentrer pour être avec leurs familles au lieu de rester seuls là-bas », dit-elle. « L’on ne sait pas encore ce qu’il va se passer pour le deuxième intake en juillet, après celui de février. Selon les retours des institutions et des autorités, l’on se prépare pour une reprise en ligne, mais il faudra attendre. » Christine Faugoo conseille ainsi aux étudiants souhaitant étudier dans une université australienne de postuler dès maintenant et de faire leur demande de visa même si cela veut dire qu’ils changeront d’avis dans un ou deux mois.

« Aussi, il se pourrait que certains États australiens acceptent très bientôt les étudiants étrangers à condition d’être vaccinés. Le vaccin est donc une lueur d’espoir, mais cela reste à être confirmé. Ainsi, Darwin, Canberra et South Australia seront un peu les cobayes et accueilleront en premier ces étudiants, pour ensuite s’adapter et voir comment cela marche. Ce sera ensuite au tour de Melbourne et de Sydney. »

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