Mercredi à Genève : Mano a mano Londres/Port-Louis sur les Droits de l’Homme

  • La coïncidence veut que la Grande-Bretagne fasse partie de la troïka (avec le Togo et la Mongolie) pour l’Universal Periodic Review du dossier de Maurice par le Human Rights Council de l’ONU
  • Au menu: la réforme électorale avec l’élimination de la déclaration ethnique des candidats et l’exil des Chagossiens avec le démembrement du territoire de Maurice à la veille de l’indépendance
  • Le GM prévoit de revoir la limitation à 20% de toute participation étrangère au sein d’une chaîne de télévision privée

La séance du Human Rights Council des Nations unies dans le cadre de l’Universal Periodic Review sur le bilan des Droits de l’Homme de Maurice, mercredi, ouvre la voie à un mano a mano politique et diplomatique entre Londres et Port-Louis. En effet, la coïncidence a voulu que deux mois après les auditions publiques sur les Chagos devant la CIJ, la Grande-Bretagne fasse partie de la troïka désignée pour éplucher le Human Rights Record de Maurice. Le Bench désigné pour cet examen de la situation des Droits de l’Homme comprend la Grande-Bretagne, le Togo et la Mongolie.

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Menée par l’Attorney General Maneesh Gobin, la délégation de Maurice au grand oral de cette instance de l’ONU s’attend à une joute des plus serrées. D’autant plus que deux sujets extrêmement délicats sont à l’agenda : la réforme électorale devenue Mandatory depuis le Pronouncement de ce même Human Rights Committee du 30 août 2012 sur la violation de l’Article 25 du Covenant des Droits de l’Homme ; et le traitement subi par les Chagossiens depuis leur exil, suite au démantèlement par Londres du territoire de Maurice avant l’accession de l’île à l’indépendance.

L’exercice se déroulera mercredi de 17h30 à 21h.

En préambule, l’Attorney General’s Office note que « l’examen périodique universel (EPU) consiste à passer en revue les réalisations de l’ensemble des Etats membres de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme ».

« Il s’agit d’un processus mené par les Etats, sous les auspices du Conseil des droits de l’homme. Il fournit à chaque Etat l’opportunité de présenter les mesures qu’il a prises pour améliorer la situation des droits de l’homme sur son territoire et remplir ses obligations en la matière ».

Maneesh Gobin prévoit également une séance de travail avec le directeur général de l’Office des Droits de l’Homme des Nations unies à Genève.

Le National Report de 23 pages, constituant la base des échanges de mercredi, balise les têtes de chapitre susceptibles d’intéresser les représentants de la troïka. Dans la conjoncture, le projet de réforme électorale devra figurer en bonne place.

Urgence de la réforme

Depuis la fin d’août 2012 avec le Finding du Human Rights Committee des Nations unies à l’effet que la déclaration ethnique imposée à tout candidat aux élections générales est en violation des Droits de l’Homme, l’urgence de cette réforme s’impose.

Et il n’est pas à écarter que le gouvernement soit appelé à apporter des précisions quant à ses engagements.

Dans le National Report et au chapitre de « Fundamental freedoms and participation in public and political life », Port-Louis souligne que « government stands committed to reform the electoral system so as, inter alia, to introduce a dose of proportional representation in the National Assembly, guarantee better women’s representation and address the issue of mandatory declaration of community ».

À l’audience de mercredi soir, il faudra s’attendre à des précisions formelles quant au calendrier arrêté par le gouvernement pour la concrétisation du projet de réforme du système électoral.

Libertés fondamentales

Un autre détail n’aura pas passé inaperçu dans le National Report au chapitre des libertés fondamentales et de la participation à la vie publique et politique. Au paragraphe 70, le gouvernement fait état de son intention de proposer des amendements à l’Independent Broadcasting Authority pour se conformer à la section 12 de la Constitution en vue de renforcer la liberté d’expression.

Ainsi, la possibilité visant à éliminer le plafond de 20% à toute participation étrangère dans un projet de chaîne de télévision privée à Maurice est actuellement à l’étude.

Le cas des Chagos est abordé en priorité dans le rapport soumis, Maurice soutenant avec force que « Chagossians, being fully-fledged citizens of Mauritius, enjoy the same rights as other Mauritian citizens ».

Maurice ne ratera pas de condamner la Grande-Bretagne pour l’excision unilatérale de l’archipel des Chagos de Maurice avant le 12 mars 1968 en soulignant que « the decolonization process of Mauritius therefore remains incomplete ».

D’un point de vue général, Maurice maintient que « in addition to the human rights provisions enshrined in the Constitution, a series of measures have been adopted and are aimed at ensuring that the Citizens of Mauritius, irrespective of their race, place of origin, political opinions, color, creed or sex, are able to exercise effectively their civil, political, economic, social and cultural rights ».

Le National Report sur Maurice dans le cadre du troisième exercice d’Universal Periodic Review dresse une liste exhaustive des initiatives adoptées.



Pétition mondiale 
contre la discrimination dans le système électoral

  • Dans une lettre envoyée aux chefs d’État des pays membres de l’Onu, il leur est demandé de « challenge » Maurice sur le « charcutage racial » lors de l’assemblée du 7 novembre

Affirmative Action a lancé une pétition internationale à l’intention des chefs d’Etat des pays membres. Il leur est demandé de « challenge » ce rapport afin de soutenir le peuple mauricien dans sa démarche pour un système électoral plus démocratique et « genuine ».

Dans une correspondance, signée de Me José Moirt, Affirmative Action rappelle qu’elle avait soumis un rapport alternatif au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD). Dans ses “concluding remarks”, le CERD invite l’État mauricien à « intensifier ses efforts pour s’orienter vers une société inclusive privilégiant la diversité et l’égalité, et de mettre fin aux conditions favorisant une supériorité raciale ou ethnique ».

Toutefois, poursuit Affirmative Action, en dépit des engagements pris par Maurice pour une réforme électorale dans son présent rapport, les propositions faites à ce jour « ne correspondent pas » à la demande pour plus d’égalité.

« En effet, les quatre principaux partis politiques alignent des candidats selon la formule 36:16:9:1 pour les groupes suivants : hindous, population générale, musulman et sino-mauriciens, respectivement. »

Cette situation, ajoute Affirmative Action, a eu pour effet que : « Pendant 50 ans, il n’y a eu que deux familles – les Ramgoolam et les Jugnauth –, toutes deux de la caste Vaish, à la tête du pays. Exception faite pour 2003 à 2005, où un Premier ministre Vaish a cédé sa place à un non hindou dans le cadre d’un accord électoral. »

La lettre fait également référence au rapport de l’État mauricien sur le fait de mentionner son appartenance à un groupe pour l’enregistrement des candidats aux élections. Cela en vue de déterminer des députés correctifs sous le Best Loser System.

Or, ajoute Affirmative Action, « les Créoles sont discriminés de facto parce qu’ils font partie du groupe “General Population”, qui est une “residual community”, et donc n’existent pas officiellement ».

Il rappelle que dans son rapport alternatif au CERD, la demande avait été faite pour que les Créoles soient reconnus « comme une communauté distincte ».

De plus, ajoute l’Ong, dans le sillage de la réforme électorale, l’État mauricien a précisé son opposition à un nouveau recensement ethnique. Une situation qui, selon Affirmative Action, est motivée par « la monopolisation du pouvoir par la communauté hindoue ».

« Un tel “charcutage racial” est en violation avec la Déclaration universelle des droits humains, la Convention internationale sur les droits civils et politiques, les “general comments” 25 du Comité des droits humains, ainsi que la Constitution du pays, qui se veut démocratique », selon Affirmative Action.

L’Ong estime ainsi que le système électoral à Maurice « n’est donc pas conforme au standard minimum sur les droits humains ».

Elle demande de fait aux pays membres de “challenge” le rapport présenté par Maurice, qui sera discuté le 7 novembre prochain lors de la 31e session du « working group on the Universal Periodic Review ».

L’Ong estime qu’une telle démarche équivaudrait à « soutenir le peuple mauricien dans sa démarche pour une réforme électorale “genuine” et démocratique ». Ce qui obligerait l’État mauricien à mettre un terme au « charcutage racial », conclut Affirmative Action.

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