Milene Abdoolkader (fondatrice et présidente d’Elles C Nous) : « Notre mission est d’avoir un impact positif sur les communautés »

Le 13 juin, Elles C Nous fêtera son 14e anniversaire en tant qu’association de développement communautaire. Fondée en 2007, elle a pour but d’offrir un espace d’épanouissement aux enfants issus de milieux défavorisés, en les accompagnant dans leur parcours scolaire. Elles C Nous promeut aussi des valeurs comme la citoyenneté, le respect d’autrui, la culture et accueille à l’heure actuelle 85 enfants âgés de cinq à 17 ans tout en offrant un conseil parental à 50 familles. Sa fondatrice et présidente, Milene Abdoolkader (M.S.K), fait état de sa mission : avoir un impact positif sur l’avenir des communautés tout en permettant aux enfants de réussir dans tous les domaines de la vie.

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Milene Abdoolkader, on s’interroge sur la pertinence de faire un enfant de Cité Chebel vivre une vie normale plutôt que de se focaliser sur ses difficultés familiales. En quoi votre démarche prend-elle son sens ?
Je suis mariée et mère de cinq enfants (quatre garçons et une fille), et grand-mère de quatre petits-enfants. A 52 ans, avec le recul, j’ai réalisé que j’ai moi-même grandi dans une famille au bas de l’échelle. Le social m’a interpellée à 15 ans à Cité Chebel qui m’a vu naître. Ce parcours, je le dois aux aînés de ma famille qui, malgré des revenus modestes, étaient toujours à l’écoute des plus défavorisés de Cité Chebel. Le décès de ma sœur aînée a réveillé en moi ce besoin d’être à l’écoute et au service des autres. À partir de là, j’ai créé en 2016 l’association Elles C Nous qui a démarré ses activités à Chebel avec pour objectif la priorité d’un encadrement immédiat pour des familles en difficulté. Il fallait trouver le moyen de subvenir à leurs besoins tout en apportant une aide à leurs enfants, en leur montrant à faire la différence entre les valeurs de la vie. C’était important qu’un enfant ait le droit de vivre normalement et il n’était pas question de les amener à se focaliser davantage sur leurs difficultés familiales.

Vous avez appelé votre association Elles C Nous. Est-ce en vous un besoin en tant que femme et mère de mobiliser toutes les femmes pour être la voix de ceux dans le besoin ?
La femme représente le pilier de la famille. D’où l’idée d’appeler mon association Elles C Nous, en d’autres mots, on est là pour valoriser les femmes. Nous sommes sur tous les fronts en tant que professionnelles, femmes, mères, grands-mères et il était temps de faire connaître nos idées et d’allier nos forces, non seulement pour notre cercle familial, mais aussi pour aider ceux dans le besoin. La mission de l’association Elles C Nous est de fournir aux enfants un environnement sûr et favorable pour qu’ils soient épanouis, productifs tout en améliorant leur niveau de vie. Notre démarche repose sur trois axes : soins, amour et solidarité.

Elles C Nous célèbre le 13 juin ses 14 années d’existence. Quel est le bilan de votre association ?
Nos enfants ont fait de gros progrès académiques. Ils sont aussi performants dans d’autres créneaux comme la musique, l’art, le sport. Aujourd’hui, on a des peintures réalisées par nos enfants, non seulement de Maurice mais également de France, du Ghana, de La Réunion et d’autres pays d’Europe et d’Afrique. Et leurs peintures sont exposées dans plusieurs grandes compagnies. Je suis admirative de constater qu’ils sont aussi bons en cuisine en réalisant des plats, des gâteaux. Et ils réalisent de bonnes performances aussi sur le plan académique. Depuis le confinement de 2020, on a aidé plus de 50 familles en leur donnant des produits de base pour l’alimentation et autres. Nous avons eu le même élan d’action en 2021, mais en mieux. On a fait des suivis académiques avec nos enfants, des visites régulières pour nous assurer que toutes ces familles en situation de précarité sont bien encadrées. Le plus beau des accomplissements est que mon travail au sein de mon association, Elles C Nous, a été reconnu par la République, et j’ai été décorée du titre de MSK cette année pour l’indépendance. En 2019, l’association est sortie première dans une compétition réunissant tous les Ong de Maurice.

Votre association a pour but d’offrir un espace d’épanouissement aux enfants issus de milieux défavorisés, en les accompagnant dans leur parcours scolaire. Cette initiative a-t-elle porté ses fruits ?
Nos enfants viennent après l’école jusqu’à 17h30, du mardi au vendredi et de 8h à 14h30, les samedis, et pendant les vacances, en semaine, ce sont les mêmes horaires que les samedis. Nous leur offrons des cours académiques avec une attention spéciale pour ceux qui sont davantage en difficulté car tous les enfants n’ont pas le même niveau scolaire. On essaie d’analyser leurs difficultés et de travailler en fonction de leurs capacités pour les aider à réussir leur parcours scolaire. Et durant la semaine, on inclut également dans leur cursus des cours de musique, cuisine, art et ICT. Nous voulons avoir un impact positif sur la vie et l’avenir des communautés que nous servons, en donnant aux enfants issus de ces communautés la possibilité de réussir et d’exceller dans tous les domaines de la vie. Nous voulons qu’ils atteignent leur plein potentiel et qu’ils sachent ce qu’ils valent.
L’association Elles C Nous est consciente que de nouveaux besoins devront être satisfaits graduellement avec l’évolution du temps. Les activités futures s’ajouteront au fur et à mesure que la société et la technologie évolueront et que des exigences apparaissent. La bonne volonté a permis à l’association d’être représentée au niveau national et international lors de divers séminaires et ateliers qui ont eu lieu au cours des dernières années.

Elles C Nous accueille 85 enfants de 5 à 17 ans et offre un conseil parental à 50 familles. Comment se passe le recrutement de ces parents et enfants ? Quel est le profil de ces enfants que vous ciblez ?
Nous accueillons des enfants de Chebel, Pailles, Barkly, Rose-Hill, Roches-Brunes, Camp-Le-Vieux, Plaisance et Pointe-aux-Sables. Le recrutement se fait sur les demandes des familles en détresse : on fait des visites et on essaie d’apporter notre aide à ceux qui sont en difficulté. On aimerait bien élargir le nombre de bénéficiaires, car on a beaucoup de demandes, mais les moyens financiers sont de gros obstacles par moments.

Vous faites mention dans votre programme d’encadrement d’une éducation holistique. Avec cette nouvelle approche pédagogique, êtes-vous parvenue à préparer l’enfant à un avenir meilleur ?
L’éducation holistique consiste à valoriser un apprentissage complet, entre autres à l’extérieur des murs, et à favoriser la curiosité et l’entraide. Cette nouvelle méthode d’être plus proche de nos enfants leur permet d’être plus ouverts et de nous confier leurs attentes. C’est une manière de travailler en harmonie avec nos enfants en ayant pour eux une vision bien définie de la vie. Cette technique fonctionne de manière positive et permet à l’enseignant et à l’enfant de travailler pour un même objectif.

Qu’en est-il des conférences éducatives sur des fléaux sociaux comme la grossesse précoce chez les adolescentes ?
Nos conférences sur des fléaux comme la grossesse précoce sont un moyen pour nous d’expliquer à l’enfant que ce sujet ne devrait pas être tabou à la maison. Le but est de les informer, et surtout de leur permettre de comprendre, d’agir et réagir face à diverses situations reliées à la grossesse précoce. Nous faisons appel à des personnes qualifiées dans ce domaine pour bien expliquer aux enfants leurs droits, les précautions à prendre et nous sommes heureux de voir que les filles de notre Ong soient sensibilisées à ce sujet. Et jusqu’à présent, c’est plutôt positif comme résultat.

L’association fournit également des conseils individuels aux enfants et leurs parents. Comment procédez-vous ?
Avec des structures familiales inappropriées, des mères célibataires, des grands-mères qui s’occupent des enfants ont besoin d’un bon encadrement. On fait le déplacement à domicile pour montrer à ces familles comment prendre la charge de l’enfant et on les rassure. Très souvent, on rencontre de jeunes parents ou ceux ayant eu une enfance difficile et qui ne savent pas gérer l’éducation de leurs enfants. Et l’association Elles C Nous intervient pour trouver des solutions. Le but est de leur construire un avenir plus sain où les possibilités et les opportunités abondent, et ce qui semble impossible aujourd’hui devient réalisable pour ces communautés.

ll y a aussi des tests de dépistage et de vaccination. Avec le COVID-19, quelles sont les mesures prises ?
Nos enfants ne sont malheureusement pas avec nous et on va les revoir après le déconfinement. En temps normal, sans COVID, nous avons également une consultation médicale gratuite tous les mois pour les enfants, les parents ainsi que les membres de notre personnel.

Les enfants de votre association bénéficient de plusieurs facilités, notamment d’un soutien scolaire, d’un goûter avant le début des cours l’après-midi, et d’un déjeuner complet. Pourquoi avoir inclus cela dans votre cursus ?
Le goûter après l’école et les repas les samedis et durant les vacances sont le plus que nous apportons à l’enfant qui n’a pas forcément un repas équilibré. En outre, des cours de cuisine sont également proposés. Bien sûr, les enfants sont sous la supervision d’un chef cuisinier et les bienfaits de chaque repas préparé sont expliqués aux enfants. Le déjeuner leur est également fourni, selon un régime alimentaire équilibré, ainsi qu’un dessert.

Votre vision est d’avoir un impact positif sur la vie et l’avenir des communautés en permettant aux enfants d’exceller dans tous les domaines de la vie. Avez-vous réussi dans cette mission ?
On a plutôt bien réussi car beaucoup d’enfants qui sont passés dans notre Ong ont quasiment tous trouvé leur chemin et mènent une vie correcte. On a eu 21 enfants qui ont réussi aux examens du PSAC, et, avant au CPE. Ils ont tous eu un bon collège.

Actuellement, vous offrez à vos bénéficiaires la possibilité d’être autonomes à travers des cours de rattrapage. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Pour les cours de rattrapage, on fait des suivis académiques spécifiques avec nos enfants, selon leurs capacités, tout en cernant les difficultés auxquelles ils font face.

Vous évoquiez aussi ce besoin de recruter des jeunes pour un projet humanitaire. Qu’en est-il ?
On veut des jeunes bénévoles pour pouvoir en premier lieu les sensibiliser à la situation de nos bénéficiaires. Les jeunes peuvent venir avec des idées novatrices. Notre objectif est que la nouvelle génération s’entraide, car les jeunes sont en quelque sorte la relève de demain. On a eu des jeunes bénévoles de France et de divers pays d’Europe et d’Afrique, mais avec la pandémie et la fermeture des frontières, on ne peut plus recevoir ces jeunes qui aidaient grandement notre Ong Or, nous avons besoin de cette ouverture sur d’autres pays du monde. Cela motivait nos enfants à travailler pour aspirer à des études outre-mer. Chez nous, on leur montre que leurs aspirations de devenir avocats, médecins sont dans l’ordre du possible, et on essaie de les aider à atteindre leur objectif.

Quels sont vos projets futurs pour l’association ?
Nous voulons accroître le nombre de bénéficiaires, d’ajouter des cours dans divers domaines comme la coiffure, le sport, d’apprendre à nos enfants à planter. Et nous voulons aussi travailler dans d’autres zones de Maurice. Et aider chaque enfant à apprendre des métiers bien spécifiques pour gagner leur vie.

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