Naufrage du MV Wakashio – Alain Donat : « L’évaluation des sauveteurs n’était pas fiable au final »

Le panel analyse avec sévérité le « laxisme » des officiers de la NCG.

Après avoir témoigné une première fois en février, le Director of Shipping, Alain Donat, a de nouveau été appelé, mardi, devant la Cour d’investigation sur le naufrage du MV Wakashio. Un témoignage intéressant à suivre dans la mesure où des hauts cadres du ministère de l’Environnement avaient, lors de l’audience du 22 juillet dernier, pointé du doigt la responsabilité du département Shipping dans l’épisode de la marée noire. Alain Donat a concédé que « les évaluations faites par de l’équipe de sauvetage sur le fait que les risques d’un déversement d’huile étaient minces n’étaient finalement pas fiables. »
Reddy Lutchmoodoo, l’assistant-surintendant de la police (ASP) de la National Coast Guard (NCG)  de Mahebourg a aussi été auditionné par l’ex-juge Abdurafeek Hamuth et ses deux assesseurs Johny Lam Kai Leung et Jean Mario Geneviève. Se fondant sur le témoignage, la semaine dernière, de Marion de la Haye qui a révélé qu’elle a dû s’y prendre à deux fois pour convaincre la NCG qu’un  navire était drossé sur les récifs,  le panel a analysé avec sévérité le « laxisme » de cette unité la nuit fatidique.

Pour mémoire, l’ex-directeur du ministère de l’Environnement Santaram Mooloo s’était évertué le mois dernier d’exonérer son département de tout blâme en s’appuyant sur les confidences d’Alain Donat : « Le 5 août, soit une dizaine de jours après le naufrage, Alain Donat, se basant sur un rapport de sauvetage, m’avait certifié que les risques d’une marée noire étaient minimes. »  Appelé à la barre mardi, le Director of Shipping n’a pas nié les faits : « L’évaluation des risques a reposé sur les observations de l’équipe de sauvetage. Les autorités mauriciennes se sont donc fiées uniquement aux observations des experts qui nous avaient donné l’assurance que les risques d’un déversement d’huile étaient minces. Tout le monde y a cru. Jusqu’à ce que la coque du navire se brise vers le 5 août 2020 et que le fioul commence à fuiter dans le lagon, le lendemain. » Alain Donat  a aussi fait ressortir que « lorsque les  fissures sont apparues les 4 et 5 août,  selon le  calcul des sauveteurs,  la meilleure décision était de remplir la cale no 8 d’eau. Mais aujourd’hui, nous dirions non.»

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Après avoir souligné que la  communication entre son bureau et le navire se faisait par téléphone et par mail, « car il y avait le protocole de la Covid-19 à respecter », Alain Donat a été pressé de questions par le panel. « La Covid-19 vous a-t-elle empêché d’avoir des informations indépendantes sur les risques de marée noire » lui a demandé l’ex-juge Abdurafeek Hamuth. Ce à quoi le témoin a répondu que « notre équipe n’est pas monté à bord du navire car personne ne voulait pas interférer dans les travaux des sauveteurs. Il était primordial de faire confiance aux experts. » Bien mal lui en a finalement pris.

 L’autre question a émané de l’assesseur Geneviève qui voulait en savoir plus sur le mode opératoire des sauveteurs du 31 juillet au 6 août. Alain Donat a soutenu que  « c’est à partir du 31 juillet que j’ai commencé à  recevoir les  rapports journaliers rédigés par les sauveteurs du  SMIT Salvage et du Special Casualty Representative (SCR), Lars Tesmar. Puis à  partir du 6 août, ce fut au tour de Nippon Salvage de me soumettre un rapport journalier. Les sauveteurs pensaient qu’ils allaient pouvoir remettre le navire à flot jusqu’aux première fissures. Leur priorité était de retirer l’huile tout en stabilisant le vraquier. Hélas ce n’est que le 6 août qu’on a appris que les risques de fuites d’huiles étaient évidentes. »

 «Comment a-t-il fait pour devenir officier celui-là ? »

 Après le bref témoignage d’un officier du ministère de l’environnement, venu remettre un rapport sur la toxicité de l’eau dans le sud-est, la Cour a auditionné l’ASP Reddy Lutchmoodoo qui  est affecté à la NCG  et responsable de la zone Est et Sud. Il a été confronté au «  laxisme » et  « manque de réactivité » de ses officiers, le soir du naufrage. Première question du président Hamuth : pourquoi les garde-côtes n’étaient pas inquiets qu’un navire se trouvait à 1,5 milles des côtes ?  « Le MV Wakashio ne correspondait pas au profil des navires suspects et dangereux. Mes officiers ont regardé l’écran du radar qui indiquait que le navire était underway  et pas grounded. D’où l’absence de réaction de leur part », a répondu l’ASP Lutchmoodoo.

L’ancien juge est revenu à la charge : « Que ce serait-il passé si vos officiers  n’avaient pas reçu l’appel d’une dame les informant qu’un navire se trouvait sur les récifs ? » En guise de réponse, le témoin a avancé que « vers 20 heures, un officier de la NCG de Mahébourg m’a informé qu’ils ont reçu un appel d’une habitante de Pointe-d’Esny, qui avait vu un navire avec les lumières allumées. Pour répondre à votre question votre honneur, je pense que nous l’aurions découvert nous-mêmes lors d’une de nos patrouilles ! » Une réponse qui a interloqué le président et ses deux assesseurs.  « L’opérateur du radar pensait-il toujours que le navire bougeait au moment où la dame vous a passé le coup de fil  » s’est insurgé  le président.  «Je ne sais pas ce qui s’est passe dans la tête de l’opérateur en question.  Je pense qu’il ne devait pas  regarder l’écran de radar  de manière continue», a répondu timidement l’ASP Lutchmoodoo. Réplique cinglante de Jean  Mario Geneviève : «Comment a-t-il fait pour devenir officier de la NCG celui-là ? »

L’ASP Lutchmoodoo a par ailleurs révélé qu’à la suite du naufrage de MV Wakashio, la NCG  a adopté un nouveau protocole : si un navire se trouve à moins de 8 miles des côtes, le niveau de gravité est alors élevé au niveau rouge.  L’ex-juge Abdurafeek Hamuth n’a pas communiqué la date à laquelle aura lieu la prochaine audience.

 

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