Nicholas Ng (avocat) : « L’utilisation de cette plateforme ne va pas sans risque »

La Financial Services Commission (FSC) a émis des règlements pour autoriser les prêts à des montants limités entre individus et entreprises à travers des plateformes sur Internet. Des prêts pourront ainsi être consentis sans passer par les banques et autres institutions de crédit jusqu’à un plafond de Rs 1 million (individus) Rs 3 millions (entreprises). S’il est vrai que cela représente une alternative simple et rapide au prêt bancaire, tout n’est pas si simple et l’avocat Nicholas Ng, de 5 Fifteen Barristers, met en garde contre les risques liés à ce type de transactions. Il explique qu’il n’existe pas de régime légal de compensation prévu qui pourrait servir à indemniser les éventuelles pertes subies par les utilisateurs de telles plateformes.

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La FSC a émis des règlements sur le “Peer-to-Peer Lending” en vue de moderniser les solutions de financement et d’améliorer l’accès aux finances. Concrètement, en quoi ces règlements vont-ils changer les choses pour les entreprises et les individus ?

Le “Peer-to-Peer Lending” est une opération financière nécessitant l’utilisation d’une plateforme en ligne et à travers laquelle une personne – le prêteur – prête à une autre personne – l’emprunteur – une somme d’argent destinée à financer le projet de ce dernier. Ce nouveau type de microfinancement vient concurrencer les établissements de crédit et offre aux emprunteurs une alternative plus simple et plus rapide que le prêt bancaire traditionnel. Du côté des prêteurs, le financement à travers le P2P Leading propose habituellement un taux d’intérêt très attractif, dépassant souvent les 10%.

Le P2P Leading présente néanmoins des limites, tant au niveau des risques liés à ce type de financement qu’au niveau des règles restreignant son utilisation. Avec l’entrée en vigueur du Financial Services (Peer-to-Peer Lending) Rules 2020 le 15 août dernier, les entreprises et les individus souhaitant participer à une transaction “Peer-to-Peer” seront désormais soumis aux nouvelles règles établies. Celles-ci posent notamment les limites du P2P Lending, ainsi que les exigences et les restrictions quant à son utilisation. À titre d’exemple, le montant d’un emprunt contracté par le biais d’un P2P Operator ne peut être supérieur à Rs 1 million dans le cas où l’emprunteur est un individu et Rs 3 millions si l’emprunteur est une entreprise, jusqu’à ce qu’au moins un tiers du montant emprunté ne soit remboursé.

Les P2P Operators seront-ils des entreprises déjà existantes ou n’importe quel entrepreneur pourra se lancer dans ce domaine ?

Les P2P Operators sont les entités titulaires d’une Peer-to-Peer Lending licence, délivrée par la FSC pour opérer la plateforme en ligne servant à mettre en relation prêteur et emprunteur. Tout entrepreneur souhaitant se lancer dans l’aventure du P2P Leading pourra faire une demande de licence à la FSC. Il existe déjà à Maurice des entreprises qui offrent ce type de service à travers une plateforme en ligne. Ces entreprises déjà existantes ont, quant à elles, jusqu’au 15 novembre prochain pour faire une demande de Peer-to-Peer Lending licence.

L’allocation de permis se fera-t-elle sur une base transparente ?

L’octroi des licences sera effectué par la FSC. La demande et l’allocation du P2P Lending licence se feront selon les dispositions de la “Part IV” de la Financial Services Act 2007 et suivront donc le régime applicable à la majorité des licences qui sont délivrées par la FSC.

Chaque opérateur devra mettre en place sa propre plateforme ou pourrait-il y avoir des plateformes communes à plusieurs prêteurs ?

Chaque P2P Operator devra être titulaire d’une licence de la FSC. Les prêteurs pourront avoir recours à plusieurs P2P Operators afin d’effectuer des prêts sur différentes plateformes en ligne. Toutefois, il convient de souligner que le prêteur est limité à un montant total et maximum de prêt pouvant être octroyé sur une période d’un an, avec un maximum de Rs 1,5 million s’il est un individu et Rs 3 millions s’il est une entreprise.

Selon les règlements de la FSC, chaque P2P Operator devra afficher sur son site que « there shall not be any statutory compensation in case of loss through the use of this peer to peer Leading platform ». Cela veut-il dire qu’en cas d’abus ou de fraude, un emprunteur ne retrouvera pas son argent ?

L’esprit de ces mentions obligatoires est d’avertir le public qu’il existe bel et bien des risques liés à ce type de transactions. Il est ici clairement précisé qu’il n’existe pas de régime légal de compensation prévu qui pourrait servir à indemniser les éventuelles pertes subies par les utilisateurs d’une plateforme de P2P Lending. Toutefois, cela ne signifie pas que les utilisateurs d’une plateforme de P2P Lending n’auront aucun recours en cas de vol, perte, fraude ou non-respect des obligations contractuelles existant entre eux. Par exemple, un cas de fraude sera susceptible d’une action en dommages-intérêts devant les tribunaux. En d’autres mots, un prêteur victime d’une manœuvre frauduleuse pourra se retourner contre l’emprunteur et/ou le P2P Operator ayant commis ou participé à la fraude. De plus, les règlements prévoient qu’un P2P Operator devra toujours être couvert par une assurance de responsabilité professionnelle.

Le régulateur a-t-il les compétences requises pour superviser ces plateformes virtuelles et déceler d’éventuels manquements, usurpation d’identité ou vols de données et d’argent ?

Hormis les obligations, restrictions et les sanctions imposées par la FSC en matière de P2P Lending, nous ne savons pas encore comment le régulateur procédera dans la pratique afin de veiller au bon fonctionnement de ces plateformes en ligne. Il convient cependant de préciser qu’en matière de données personnelles, les nouvelles dispositions relatives au P2P Lending prévoient que les P2P Operators devront veiller à l’intégrité et la confidentialité des données personnelles des prêteurs et emprunteurs échangées sur les plateformes en ligne, conformément à la Data Protection Act 2017.

L’économie P2P n’est encore que très peu développée à Maurice mais elle élimine les intermédiaires, permet de faire baisser les coûts des produits et services pour les consommateurs…

D’une part, la technologie nous permet aujourd’hui d’être de plus en plus connectés et d’autre part, l’utilisation de cette nouvelle technologie nous permet de faire face à de nouveaux problèmes socio-économiques. En effet, dans le contexte de la crise sanitaire et économique liée à la pandémie, une réglementation permettant l’utilisation d’une plateforme en ligne mettant en relation prêteur et emprunteur afin d’avoir recours à un microfinancement plutôt rapide est la bienvenue. Néanmoins, comme chaque médaille a son revers, l’utilisation d’une plateforme de P2P Leading ne va pas sans risque et plusieurs questions restent toujours en attente de réponse. La pratique nous montrera, par exemple, comment le contrat entre les différents acteurs du P2P Lending régira leur relation et surtout leur “dispute resolution process”. D’où l’intérêt pour les P2P Operators de mettre en place une structure et des contrats prévoyant un cadre de fonctionnement adapté à leur activité.

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