« On n’est pas morts »: un an après, des « gilets jaunes » recherchent un nouveau souffle

Un drapeau français et un gilet fluorescent flottant dans le vent automnal, et des boîtes de conserve vides traînant dans la boue: un an après, ce sont les vestiges de la lutte de « gilets jaunes » qui ont tenu nuit et jour pendant 6 mois un campement dans le nord-ouest de la France.

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Aujourd’hui, des « vétérans » de cette occupation font le bilan et espèrent que le mouvement, qui s’est considérablement affaibli, pourra se relancer à l’occasion du premier anniversaire le week-end prochain.

Le campement de Montabon, dans la région rurale de la Sarthe, a été tenu pendant six mois par des « gilets jaunes », dans un verger de pommiers prêté par un agriculteur, dans cette région durement frappée par la désindustrialisation.

La mobilisation avait débuté sur le rond-point de Montabon et fut une des plus actives, dans cette région, de la révolte sociale des « gilets jaunes ». Cette dernière est née à l’automne 2018 d’une contestation d’une nouvelle taxe sur le carburant, avant de remettre en cause toute la politique sociale du gouvernement d’Emmanuel Macron, ébranlant son quinquennat.

Au plus fort de cette crise sociale, les blocages de ronds-points se comptaient par centaines en France.

Près du rond-point de Montabon, un groupe de travailleurs, de retraités, de chômeurs, avaient construit une cabane en bois où ils se retrouvaient tous les jours pour partager un repas, parler stratégie ou se confier sur des quotidiens difficiles où l’on peine à joindre les deux bouts.

Ils ont fêté ensemble Noël et Nouvel an 2018, et même un anniversaire de mariage. « C’était l’Arche de Noé », confie à l’AFP David Bruzzi, mécanicien de 49 ans, l’un des leaders du rond-point de Montabon.

« Ce n’était pas que +foutre sur la gueule+ de Macron, c’était s’intéresser aux gens du coin et remplir les cabas… », raconte-t-il en partageant un café matinal lors d’une réunion de « vétérans ».

Samedi et dimanche prochains, pour le premier anniversaire du mouvement, les « gilets jaunes » ambitionnent d’être nombreux sur les ronds-points et à Paris, dans l’espoir de trouver un second souffle.

Les anciens du campement de Montabon ont prévu eux de se réunir à nouveau samedi et d’organiser un barbecue « festif », sans blocage.

– « Des émules partout » –

L’épouse de David, Vanina, 44 ans, employée dans une station service et mère de famille, a répondu présente durant des mois sur le campement. Pour elle, cet anniversaire est une opportunité de « dire qu’on n’est pas morts ».

Sous la pression du mouvement, le gouvernement français avait pris des mesures d’urgence, évaluées à environ 10 milliards d’euros, mais qui n’avaient pas satisfait une grande partie de « gilets jaunes ».

Analysant ces six mois, Vanina estime que la plus grande réussite des « gilets jaunes » a été de raviver les flammes des mouvements sociaux en France.

« Ca a crée des émules partout », juge-t-elle, citant notamment la récente mobilisation des personnels des urgences dans l’hôpital public. « On peut toujours dire que si on n’avait pas fait ça, ça serait pire… », commente avec calme Jean-Jacques Brossay, retraité de 63 ans.

Autre « vétéran », Marco Beaulaton, 61 ans, technicien à la retraite, a participé pendant dix jours au blocage d’une raffinerie de pétrole dans la ville du Mans, à 45 km au nord de Montabon. Il se souvient d’un « moment inoubliable de solidarité et de partage ».

Se disant plutôt adepte de la « méthode Mandela et Gandhi », il juge que le mouvement s’est tiré une balle dans le pied en refusant de condamner la violence des manifestants issus de l’extrême droite et de l’extrême gauche et leurs affrontements avec les forces de l’ordre, qui ont eu un effet repoussoir pour les « gilets jaunes » modérés.

Les manifestations ont régulièrement été émaillées d’incidents violents.

« Ce que voulaient les gens, c’est faire l’évolution, pas la révolution… Les Français ont déjà fait la révolution (…) (Aujourd’hui), ils veulent des solutions viables », argumente-t-il.

Damien Pichereau a été la cible de la colère des « gilets jaunes ». Ce député de 31 ans, qui a grandi dans un village de 250 habitants, a été élu avec le nouveau parti d’Emmanuel Macron en 2017, et présenté comme un visage nouveau dans un paysage politique local traditionnel.

Mais, lors de sa première visite à un point de rassemblement de « gilets jaunes », un manifestant lui lancera: « Tu ne peux pas savoir comme j’ai envie de te mettre un coup de fusil ». Et en février, sa permanence de député fut dégradée par des manifestants cagoulés.

En dépit de ces évènements, il juge que ce mouvement a constitué une force positive de changement, citant notamment les trois mois de « grand débat » initié par Emmanuel Macron à travers la France. « On ne fait plus de la politique de la même manière. Il y a plus de concertation », estime le député.

Réunis début novembre en assemblée à Montpellier (sud), les « gilets jaunes » ont voté une proposition pour rejoindre la grève du 5 décembre au niveau national contre la réforme des retraites.

« L’heure est à la convergence avec le monde du travail et son maillage de milliers de syndicalistes qui, comme nous, n’acceptent pas », ont-ils déclaré dans un communiqué de presse.

« C’est là qu’on va voir si ça redémarre », conclut Vanina Bruzzi.

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