Père Bernard Hym : « Il faut juste un miracle reconnu par Rome pour que le Père Laval soit saint »

Vice-postulateur de la Cause de canonisation du Père Laval, le père Bernard Hym vient de publier un livre intitulé “Reconnaissance au Père Laval : témoignages et prières”. Si le principal propos de ce livre est de « redonner l’espérance à ceux qui désespèrent », un autre élément accélérateur de sa publication a été que le prêtre a « senti au moment de la venue du pape une grande attente » par rapport à sa canonisation. Il souligne toutefois que le chef du Vatican n’était pas venu à cet effet, mais qu’il faut « juste un miracle qui soit reconnu par Rome » pour faire du Père Laval un saint.

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Vous venez de publier un livre avec des témoignages de Mauriciens sur leurs reconnaissances envers le Père Laval. Quel est le propos de cet ouvrage ?
Le livre était en route depuis un an. Ce qui me paraissait important, c’est que chaque année, au moment du pèlerinage, on me disait : « Mais alors, quand est-ce qu’il sera canonisé, etc. ? ». Et je sentais dans la présence des gens qui venaient me voir au bureau du découragement. Certains disaient : « Est-ce que le Père Laval nous entend ? ». J’ai voulu donc montrer à travers 75 témoignages qu’effectivement, le Père Laval entend les prières de tous et qu’il y en a de tous les ordres. Il ne faut pas avoir peur de prier pour la réussite de son examen et pour la réconciliation dans la famille, ou encore pour trouver du travail… Redonner l’espérance aux gens, c’est ce qui a constitué mon propos principal. Pour accompagner ces témoignages, j’ai mis à chaque fois une prière qui peut servir, mais qui n’est pas obligée de l’être, car je crois que si les gens ont quelque chose qui sort de leur coeur, le Père Laval l’entendra beaucoup mieux.

Quelle place occupe le Père Laval dans le coeur des Mauriciens d’aujourd’hui ?
Le Père Laval, on le sait, « dan so kafe, pena triyaz ». Ce qui est extraordinaire, c’est que l’un à côté de l’autre, vous avez des gens de différentes communautés, de différentes confessions, et cela ne dérange personne…

Combien de temps cela vous a-t-il pris pour travailler sur ce livre, pour sélectionner 75 témoignages sur les 600 recueillis ? Sur quelle base les avez-vous sélectionnés ?
J’ai voulu une variété de témoignages. Sur 600, j’avais de quoi choisir pour montrer que le Père Laval entend plusieurs types de demandes. La deuxième chose qui m’a guidé, c’était la confidentialité : ne pas révéler l’identité des personnes. Il y en a au moins dix parmi les personnes qui ont témoigné qui habitent Sainte-Croix et qui sont encore en vie. Je n’ai pas corrigé la version originale, car la personne qui m’aurait aidé à faire ce travail de correction aurait pu reconnaître un voisin, et ce serait gênant. L’autre élément qui m’a poussé à finir ce livre, c’est que j’ai senti au moment de la venue du pape une grande attente. J’avais beau dire que « non, le pape n’a pas le droit de passer par-dessus la Congrégation pour la cause des Saints », les gens étaient persuadés que puisqu’il était là, c’était pour cela…

C’était en effet une heureuse coïncidence que celle de la visite du pape et la fête du Père Laval, le 9 septembre dernier. Pensez-vous que sa visite au caveau pourrait quand même jouer en faveur de sa canonisation ?
Je crois qu’il faut être diplomate. Pour moi, je sais que le fait que le pape soit venu au caveau, cela lui rappellera quelque chose si on lui présente un dossier… Mais il n’est pas venu pour cela. C’est parce qu’étant dans la région le 9 septembre, on lui a dit que ce serait difficile de ne pas venir à Maurice pour l’anniversaire de la mort du Père Laval. Et une fois à Maurice, on lui a dit qu’il ne pouvait ne pas être au caveau et on lui a volé une journée à son séjour à Madagascar.

Les 600 témoignages de reconnaissance envers le Père Laval remontent à quand ?
Les deux premiers datent du lendemain de la mort du Père Laval. Donc, ça se situe entre 1864 et aujourd’hui. Je viens tout juste d’avoir un autre témoignage par téléphone. C’est ce qui me fait dire que la canonisation va peut-être aboutir rapidement, car les témoignages qui arrivent sont de plus en plus forts. Il faut juste voir s’ils pourront être présentés à Rome.

Quels sont les témoignages qui vous ont le plus marqué ?
Le témoignage qui m’a le plus marqué, c’est un an après mon arrivée à Maurice, où une femme indienne est venue avec le corps d’un enfant de 11 ans dans les bras, que l’hôpital venait de lui « rendre ». Au lieu de rentrer chez elle pour préparer le canapé, elle est venue en bus au Père Laval. Quand elle m’a demandé de prier pour son enfant, j’avais vraiment la gorge nouée.

Ce n’était ici pas un témoignage de « miracle »…
Honnêtement, il n’y a pas de miracle en route. Parmi les 600 témoignages, je peux dire qu’il y a 150 vrais miracles, mais pour que Rome reconnaisse un miracle, il faut que ce soit une guérison physique immédiate, totale et reconnue par des médecins comme extraordinaire et inexplicable par la médecine. De ce point de vue, l’Église est intransigeante. Je continue à attendre d’autres témoignages pour pouvoir faire démarrer un dossier de canonisation. Il suffit d’un seul qui puisse passer à Rome. À partir du moment où il y a eu la béatification, en 1979, tous les miracles qui ont précédé ne sont pas étudiables pour la canonisation. Il faut que ce soit après la béatification. La plupart du temps, on vous dit : « Cela fait longtemps que le miracle a eu lieu. On ne retrouvera pas le médecin, le dossier… Les témoins sont difficiles à retrouver, etc. » Donc, il faut quelque chose qui soit récent, mais je continue à dire aux gens que même les témoignages anciens sont importants dans ce bouquet de remerciements au Père Laval.

Nous assistons actuellement à un mouvement planétaire contre le racisme. Quelle serait la position de l’Apôtre des Noirs face à ce fléau ?
C’est un fait que le Père Laval était venu uniquement pour s’occuper des Noirs. Au bout de quatre ans, il y avait déjà des anciens esclavagistes qui travaillaient avec lui pour l’aider à la construction de chapelles, etc. Ce qui veut dire que la qualité de son accueil et de ce qu’il a transmis à ceux qui l’ont accueilli fait qu’on comprend que le tiers de la population était à son enterrement, y compris les francs-maçons, les musulmans, les hindous… On a reconnu en lui quelqu’un qui a aidé à ce que il n’y ait pas ce qui s’est passé dans les Antilles, soit des règlements de compte. Dès que le Père Laval est arrivé, non seulement les anciens esclaves ne se sont pas révoltés contre leurs maîtres, mais certains ont même reconverti leurs maîtres. Ils les ont ramenés vers l’Église. Pour moi, c’est le miracle permanent du Père Laval. Dans un monde où il y a ceux qui cherchent leur intérêt même en se servant du Père Laval – souvenez-vous du scandale suite à un reportage au caveau du Père Laval pour de la publicité pour un parti –, le Père Laval aide à cette fraternité entre les gens et continuera à construire l’unité de Maurice. On a vu ce qui s’est passé au Liban. Il a suffi d’une volonté politique pour tout casser et pour arriver à ce que nous avons actuellement. Chez nous, on a encore cette paix, mais elle est fragile et reste fragile…

Si le Père Laval devenait saint un jour, comment verriez-vous le développement de ce site qui abrite son caveau, à Sainte-Croix ? Un lieu touristique et de pèlerinage international ?
De toute façon, déjà, c’est un lieu qui attire. Nous avons entre 8 000 et 20 000 personnes qui viennent au tombeau du Père Laval en période creuse. Évidemment, le site aura plus de notoriété dans le monde. Le Père Laval est déjà quelqu’un qui, même pour les touristes, étonne et interpelle.

On sait qu’il y a eu l’étape de la béatification du Père Laval, étant donné qu’il est bienheureux depuis longtemps déjà. On en est à quelle étape dans le processus de sa possible canonisation ?
Juste un miracle, point. C’est tout et tout ça !

Votre livre est disponible où ?
Au centre Père Laval (242-2129).

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