Personnes infectées et affectées : le Coronavirus est entré dans leurs vies

Le Coronavirus les a frappés et a bouleversé leurs vies du jour au lendemain. Anil Jeetoo est guéri. Témoignant de l’hôpital Ram espère qu’il retrouvera la santé bientôt. D’autres ont vécu en quarantaine et dans l’angoisse pendant de longs jours. Entre espoir, désespoir et appels de détresse, ils témoignent.

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Son récit fait le tour des médias depuis la semaine dernière. Anil Jeetoo, 49 ans, est l’un des premiers patients mauriciens qui a guéri du Covid-19. Le professionnel en informatique de Camp de Masque est aussi un des premiers à avoir fait le choix de raconter son histoire, faisant en toute conscience le choix de mettre un visage sur le Coronavirus. “Ce n’est pas évident de révéler son identité, mais j’estime qu’une personne devait venir de l’avant pour montrer que ce virus peut être contenu. Pour ces gens qui souffrent et qui sont affectés de près ou de loin, je veux leur donner un message d’espoir : nous pouvons guérir du Coronavirus.”

La descente aux enfers

Ram, 60 ans, espère à son tour guérir bientôt : “Je ne sais pas quand et comment j’ai pu être contaminé.” Admis au Centre de traitement de l’hôpital ENT depuis une dizaine de jours, il témoigne. Ram est rentré à Maurice d’un voyage en Afrique du Nord le 18 mars. “J’étais à l’étranger pour mon travail. Mais nous observions déjà des mesures barrières strictes. De même, dans l’avion du retour je portais un masque”, raconte-t-il. Anil Jeetoo, affirme pour sa part : “J’ai été contaminé après un passage dans un supermarché à Saint-Paul.”

Quelques jours plus tard, il a commencé à ressentir une forte fièvre qui l’a mis instantanément sur la piste. Ram a été averti par une toux sèche et de la fatigue. Il s’est tout de suite mis en auto isolement chez lui et a appelé le 8924. “Les officiers du ministère de la Santé sont venus chez moi pour faire des tests. On m’a dit que c’est uniquement si le test s’avérait positif qu’ils me rappelleraient.” Le couperet tombe deux jours plus tard, il était positif au Covid-19. De là il a été admis à l’hôpital ENT de Vacoas. “Des tests sanguins et des prélèvements dans le nez et la gorge ont été effectués sur moi.” Au départ, la maladie le rongeait à petit feu. Aujourd’hui, après sept jours, Ram se sent bien mieux. “Je n’ai ni plus toux, plus de fièvre. Je suis moins affaibli mais j’attends encore les résultats d’autres tests.”

Quarantaine.

Pour Pierre, 54 ans, le soulagement de regagner son domicile après 16 jours passés en quarantaine est perceptible à sa voix. Ancien membre de la force policière, Pierre et son épouse sont rentrés à Maurice de Cape Town sur un vol de rapatriement le 21 mars. “Comme tous les passagers du vol, nous sommes entrés en quarantaine au sein d’un groupe de 39 personnes à l’hôtel C Palmar.”

Le scénario est complètement différent pour Sanjay. Ce père de famille est à bout de souffle. “Jamais de ma vie, je n’avais vécu un tel calvaire.” Après quatre mois en mer, cet employé de bateau de croisière n’a pas vu sa famille depuis cinq mois car dès sa descente d’avion, il a été “escorté comme un fugitif au centre de quarantaine de Pointe aux Sables”, dit-il. Soupçonné d’avoir contracté le Coronavirus – car il avait des migraines -, il a été transféré à l’hôpital de Souillac. « Avant mon retour, j’ai voyagé pendant deux jours sans prendre de repos et c’est ce qui explique mon état de santé. Par chance, mes tests au Covid-19 se sont avérés négatifs.” En isolation depuis plus de dix jours à l’hôtel Victoria, converti en centre de traitement, il déplore le manque de transparence des autorités. “Mes tests ont toujours été négatifs mais je n’ai pas le droit de sortir. Ce qui tue le plus, c’est le manque d’information car aucun suivi n’est fait sur notre dossier de santé.”

Ethan Miller/Getty Images/AFP

L’angoisse des familles

Pour sa part, Pierre est conscient que les choses auraient pu se passer différemment. “Heureusement que dans le groupe où je me trouvais aucune personne n’a été testée positive au Covid-19, sinon nous aurions été obligés de rester encore 14 jours en quarantaine.” Il considère toutefois son séjour en quarantaine comme satisfaisant. “On prenait notre température quatre fois par jour. On était dans un groupe discipliné et il y a avait une bonne entente avec les autres.” L’employé de bateau de croisière estime de son côté : “Nous ne sommes pas tous égaux dans les différentes quarantaines à travers le pays.” Le jeune homme est épuisé par “les conditions de ma détention. On nous sert des repas froids et la chambre manque d’hygiène.” Être loin de sa famille pèse davantage sur le moral du père de famille. “Dans un moment de crise comme celui-là, ma femme est seule avec nos trois enfants en bas âges. Ne me voyant pas revenir, elle est dans le doute et se pose des questions sur mon état de santé et pense que je lui mens.”

Les proches de Ram sont aussi très inquiets. “Mon fils et ma fille sont dans l’angoisse. Nous communiquons souvent à travers WhatsApp et je les rassure sur mon état de santé.” Les deux enfants de Ram sont en Australie. Son épouse s’y trouvait aussi au mois de mars. “Au vu de la situation, avec la fermeture des aéroports à travers le monde, elle est très vite rentrée au pays et elle a fait des tests qui se sont révélés négatifs.”

Lueur d’espoir

Même si le virus l’a touché de plein fouet, Ram prend les choses avec calme et garde le moral. “Mes journées se passent entre les prises de température deux ou trois fois par jour, voir un film sur mon portable et dormir.” Part-time Lecturer à l’Université de Technologie Anil Jeetoo a suivi l’actualité sur le Coronavirus depuis ses débuts “pour m’informer sur les tests qui peuvent être effectués et comment c’est possible de protéger l’humanité contre ce virus. J’ai vu la vitesse à laquelle les gens mourraient, mais j’ai pensé positivement.” Lorsqu’il avait commencé à avoir de la fièvre, ses connaissances du virus l’ont indirectement aidé. “J’ai su que c’était beaucoup plus qu’une fièvre et que je devais aller vers les centres de santé. J’y suis allé à temps tout en gardant en tête que si des gens s’en sont sortis, moi aussi je m’en remettrai.” Son moral est resté haut et il n’a à aucun moment stressé ou angoissé.

Photo illustration (Photo by THOMAS KIENZLE / AFP)

Ram, tient à faire ressortir :“Il ne faut surtout pas prendre ce virus à la légère.” Il est révolté de voir certaines personnes continuer à sortir pour des raisons banales. Selon le sexagénaire “Ceux qui ne respectent pas le confinement mettent en danger leurs proches et leurs amis.” Toutefois, il tient à remercier le personnel médical qui prend des risques pour tous. Après avoir exposé au grand jour son histoire, Anil Jeetoo a été contacté par d’autres patients guéris du Covid-19. Il tient à passer un message pour l’un d’eux : “Même si elle ne souhaite pas être dans les médias, Madame Pratee Tahul, de Mahebourg souhaite remercier les médecins et le personnel soignant médical et paramédical qui l’ont aidée dans cette phase difficile.”

Anita, 45 ans :

“Ma tante est morte du coronavirus en Angleterre”

La nouvelle du décès de sa tante, atteinte du Coronavirus en Angleterre le samedi 4 avril a complètement anéantie Anita. Elle n’arrive pas à accepter cette réalité déchirante. Originaire de Pointe aux sables, sa tante et ses quatre fils étaient installés depuis 18 ans dans la ville de Crawley en Angleterre. Âgée de 63 ans, elle avait des allergies et était diabétique. Une semaine plus tôt elle se portait bien, raconte Anita. “Dans la semaine précédent son décès, elle a commencé à avoir de la toux. Mais elle ne s’en est pas inquiétée. Elle croyait que ça avait été provoqué par ses allergies et le changement de saison. Son état de santé s’est par la suite dégradé et elle a été hospitalisée mercredi. Les médecins ont appelé ses fils pour les informer que leur mère, testée positive au Coronavirus et sous respiration artificielle, était dans un état grave et qu’elle ne passerait pas la nuit. C’était le choc. Ils n’ont eu que cinq minutes pour se dire au revoir. Trois jours après, elle est partie.”

Dans cette famille, c’est un double drame qui se joue. “Ma tante s’occupait de ses trois petits-enfants, âgés respectivement de 5 mois, 2 ans et 12 ans, car l’épouse de son fils est décédée il y a 5 mois. Pour mon cousin, qui a aussi contracté ce virus, il a perdu à la fois son épouse et sa mère en l’espace de 5 mois.»

À ce jour, la famille ne sait toujours pas si elle aura le droit ou pas d’effectuer les derniers rites funéraires. Anita pour sa part, dit avoir perdu une mère et non une tante, et son cœur saigne pour ses cousins qui sont comme ses frères. « On se parle toutes les semaines et toute la famille était supposée venir à Maurice au cours du mois d‘avril, avant que cette pandémie ne bouscule tout. »

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