Plastique à usage unique : Pas facile de s’en débarrasser…

Le ministère contraint de repousser à janvier 2022 les produits en plastique non-biodégradable à usage unique et utilisé dans l’alimentaire pour permettre aux industriels locaux d’écouler leur stock

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L’ Interdiction d’utiliser certains plastiques à usage unique à partir du vendredi 15 janvier maintenu

D’autres objets ajoutés à la liste existante 

Il est bien vrai quand on dit que le plastique prend des centaines d’années avant de disparaître. A Maurice, rien que pour légiférer pour interdire l’usage de certains types de plastique, la route est sinueuse et longue, entre contestations des industriels locaux, interrogations des ONG et éventuellement moratoire  ! Ainsi, si l’Environment Protection (Control of Single Use Plastic Products) Regulations 2020 interdisant l’usage de 10 produits en plastique à usage unique prend effet, comme prévu, la semaine prochaine, soit le 15 janvier, d’autres objets, notamment les pots de yaourt et de dessert, ont été ajoutés à la liste de produits non autorisés. Les industriels locaux auront, eux, jusqu’au 15 janvier 2022 pour écouler leur stock de plastique non-biodégradables et à usage unique pour l’industrie agro-alimentaire et trouver des alternatives plus écofriendly. Bref, on n’est pas sortis de l’auberge pour éliminer le plastique comme l’a fait Rodrigues avec plus de facilité.

De bonnes intentions, certes, mais avec peu de planification, semble-t-il. À quelques jours de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’interdiction de l’utilisation de certains objets en plastique à usage unique, le ministère de l’Environnement émet un communiqué vendredi soir pour rappeler, d’une part, la liste des objets en plastique interdits… et, d’autre part, pour informer les consommateurs et les producteurs des nouveaux objets qui viennent de faire leur entrée sur cette liste noire. Des informations nouvelles qui viennent ainsi compliquer davantage les choses pour les commerçants, mais aussi pour les producteurs locaux.

Cela étant dit, une chose est sûre : la liste des dix produits (voir image) en plastique à usage unique, soit non recyclables, interdits d’usage et de vente à partir du 15 janvier 2021, reste en vigueur. Donc, « les couverts en plastique (fourchettes, couteaux, cuillères, baguettes) ; les assiettes jetables (plastic plates) ; les gobelets jetables (plastic cups) ; les bols jetables (plastic bowls) ; les plateaux jetables (barquettes/plastic trays) ; les touillettes à boisson (stirrer) ; les conteneurs à charnière (plastic hinged containers) ; les couvercles des récipients en plastique à usage unique (plastic lids for single use plastic products) ; et les récipients de toute forme avec ou sans couvercle qui sont utilisés pour contenir des aliments destinés à la consommation immédiate, sur place ou à emporter et qui sont fournis par une entreprise de restauration », vous pouvez déjà les mettre à la poubelle.

De nouveaux types de sacs interdits

À la place, le ministère de l’Environnement encourage l’utilisation de sacs, en jute et en tissu, les tant vakwa, des sacs en papier, des sacs en plastique biodégradable fabriqués à partir de plantes, dont le maïs, la pomme de terre, la canne à sucre, le coton ou le Polytactic Acid (PLA). Pour ce qui est des produits en plastique à usage unique, il est conseillé d’utiliser : «Paper packaging/containers made from paper, palm leaf, banana fibre, from bagasse, from wood, straw made from rice, toothbrush made from bamboo etc. all these have been exhibited during our expo-vente in October. Moreover, we are also considering new and emerging technologies such as Polyvinyl Alcohol (PVA) bags, which are non-plastic and which is a water soluble material used to create 100% non-polluting bags. It can replace traditional supermarket bags, as well as non-woven bags. » Des alternatives saines soit, mais coûteuses…

Cependant, à cette liste s’ajoutent d’autres produits. Dans le communiqué émis vendredi soir, suite à la décision du conseil des ministres plus tôt, il est indiqué qu’« à partir du 1er mars 2021, de nouveaux types de sacs en plastique non biodégradable notamment : les sacs en rouleaux (roll-on) ; les petits sacs (pocket type) couramment utilisés pour les “dholl-puris”, fruits confits, entre autres, ainsi que les sacs transportés par les passagers débarquant à l’aéroport ou arrivant au port contenant leurs achats dans les boutiques hors taxes, et tous ces types de sacs en plastique non biodégradable fabriqués aux fins d’exportation seront interdits sous le Environment Protection (Banning of Plastic Bags) Regulations 2020. » Pour ce qui est des sacs en rouleaux, devrons-nous donc prévoir d’autres sacs pour contenir nos légumes et fruits au supermarché  ?

Par ailleurs, le ministère de tutelle campe sur sa position initiale et précise que les pailles attachées aux briques de jus et autres seront aussi interdites à partir du 15 avril 2021. « Le ministère tient aussi à informer le public qu’à partir du 15 avril 2021, les produits en plastique non biodégradable et à usage unique mentionnés ci-dessous seront interdits sous le Environment Protection (Control of Single Use Plastic Products) Regulations 2020 : les pailles individuelles et celles attachées aux briques de boisson ; et les plateaux en plastique (barquettes/plastic trays) et conteneurs à charnière (plastic hinged containers) utilisés pour l’emballage de produits frais, frigorifiés et cuits tels que fruits, légumes, faratas, pâtisseries et viennoiseries. »

«  Une injustice  »

Ce n’est pas tout. Dans ce communiqué, qui diffère des précédents, un paragraphe apparaît vers la fin. Cette partie concerne plus particulièrement les industriels locaux. « À partir du 15 janvier 2022, les produits en plastique non biodégradable et à usage unique utilisés par l’industrie alimentaire locale mentionnés ci-dessous seront interdits sous ces mêmes régulations : les gobelets (cups) et bols jetables utilisés uniquement pour l’emballage de produits alimentaires tels que les produits laitiers, yaourts, glaces et desserts ; et les plateaux jetables (barquettes/plastic trays) utilisés uniquement pour le “Modified Atmosphere Packaging (MAP)” de produits alimentaires frais, cuits et précuits tels que les viandes, charcuteries, burgers, fruits de mer et fromages. » Une annonce qui élargit le fossé entre industriels locaux et autorités.

D’ailleurs, il y a un mois, Bruno Dubarry, président de l’Association of Mauritian Manufacturers, évoquait ce problème, et ce, bien avant que ces produits ne soient mentionnés. « Il y a dans cette interdiction une injustice vis-à-vis de l’industriel mauricien, à la fois pour la production pour le marché domestique et pour l’exportation. Par exemple, le produit importé avec son plastique entrera sans problème sur le territoire mauricien, parce que le code HS sous lequel il est enregistré spécifiera le produit lui-même et non pas le plastique qui est interdit. Quant au produit fabriqué localement, il ne pourra plus être proposé sur le marché domestique avec ce même plastique d’emballage, désormais interdit. À l’export, la problématique se situe sur la double information à faire figurer sur l’emballage — relatives au produit et au plastique. Autre problématique : l’absence de clarté sur le scope de l’interdiction, c’est-à-dire les produits industriels, produits de restauration et produits de vente à emporter. »

Des mesures qui embrouillent

«  Il y a une grande confusion entre ce qui a été dit dans les Regulations, dans la décision du Cabinet Meeting et dans le communiqué récemment émis. Népli koné kot latet, lipié. » C’est ce qu’avance Adi Teelock, de Platform Moris Lanvironnman. « Les communiqués du ministère de l’Environnement et du gouvernement sur l’interdiction de certains plastiques jetables se suivent… et ne se ressemblent pas. C’est le grand cafouillage autour de cette décision. À se demander sur quelles bases les décisions sont prises par le ministère », dit-elle.

En effet, Adi Teelock s’interroge sur le processus de prise de décisions des autorités concernées. « J’avais compris que les dates avaient été repoussées pour permettre aux manufacturiers et autres d’écouler leur stock, mais après on ne sait pas quels types de consultations il y a eu pour prendre de telles décisions. » Elle se demande ainsi pourquoi les pots de yaourt figurent sur cette nouvelle liste et pas les bouteilles PET, par exemple. « Comment et sur la base de quoi la décision d’interdire certains contenants (les bouteilles PET ne sont pas concernées du tout par exemple) et pas d’autres a-t-elle été prise ? Quel niveau de concertation y a-t-il eu avec les producteurs et revendeurs concernés avant la prise de décision sur le sujet ? Où est le plan de transition pour les producteurs locaux concernés ? Pourquoi seuls les articles produits localement sont-ils frappés par cette interdiction et pas leurs équivalents importés ? » réagit-elle. Adi Teelock ajoute que « le ministre de l’Environnement avait lui-même dit dans un entretien qu’il ne pouvait prendre de décisions qui pourraient affecter les embouteilleurs, dans le cas des bouteilles PET, mais là avec cette nouvelle mesure, il paraît qu’elle affectera d’autres producteurs. »

Du côté de Fridays for Future, c’est aussi un avis mitigé. Sonakshi Deerpalsing estime pour sa part qu’il est temps de traiter le problème de pollution en profondeur. « Oui c’est une bonne mesure, mais encore une fois, cela ne résoudra pas le problème de pollution qui reste systémique. C’est tout le modèle économique qui est à refaire, il faut se tourner vers une économie circulaire », dit-elle. « Le plastique n’est pas le seul polluant  ! D’ailleurs, quand on parle de pollution, l’on parle plus du produit fini, alors qu’il y a tout le processus de production et de distribution qui est concerné », explique-t-elle. « Ce Single-Use Plastic Ban est une mesure politique finalement. Qu’en est-il des bouteilles PET ? L’État aurait pu subventionner des filtres à eau, par exemple. »

Sonakshi Deerpalsing reste néanmoins optimiste. « Oui, les gens commencent à prendre conscience, même si les jeunes sont de plus en plus indifférents, car à force d’être surexposés au monde et aux nouvelles, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, l’on finit par développer une sorte d’apathie. »

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