POLITIQUE – Fin de mandat de l’Assemblée régionale : Rodrigues à l’heure de la fièvre électorale

Le retour aujourd’hui dans l’île du chef commissaire et leader de l’OPR, Serge Clair, annonciateur d’une dissolution imminente

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À partir d’aujourd’hui, avec le retour annoncé dans l’île du chef commissaire et leader historique de l’Organisation du peuple de Rodrigues (OPR), Serge Clair, après sa convalescence à la suite d’une lourde intervention chirurgicale cardiaque, Rodrigues se mettra à vivre à l’heure de la fièvre des élections régionales. La fin de mandat du gouvernement régional de l’OPR arrivera en effet à terme le 12 février 2022. Cependant, tout semble indiquer que bien avant cette échéance, les électeurs des six Wards de Rodrigues seront appelés aux urnes. Déjà, les calculs politiques vont bon train au sein des états-majors des principaux partis politiques, soit de l’OPR, de l’UPR, du MR et du PMSD. L’éventualité d’une dissolution prochaine de l’Assemblée régionale de Rodrigues est donnée comme une certitude, d’autant plus que le chef commissaire aurait déjà eu des consultations avec le Premier ministre, Pravind Jugnauth, en fin de séjour à Maurice.
Dans les milieux politiques avisés dans l’île, on affirme que le timing du calendrier électoral est tributaire d’une série de facteurs, allant de l’état de santé de Serge Clair à l’approche de la saison de sécheresse, aggravant le problème de la distribution d’eau dans l’île, sans compter les retombées de la pandémie de Covid-19. Un élément aléatoire est qu’avec l’arrivée de l’été, c’est également la saison des cyclones. Toutefois, dans cette conjoncture, le Feel-Good Factor à Rodrigues demeure la reprise de la desserte aérienne interîles avec le retour de la clientèle mauricienne, dont des réservations commencent déjà à affluer pour les fêtes de fin d’année. Dans l’île, les autorités se disent conscientes de la nécessité de mettre en pratique un protocole sanitaire à toute épreuve contre le virus.
D’autre part, le début de l’année prochaine ne se prête pas de manière convenable à l’organisation des élections régionales dans l’île. L’année scolaire tirera à sa fin avec la tenue des examens nationaux dans l’île, ou encore la période de carême menant à Pâques pour les Rodriguais de foi chrétienne. Ces paramètres tendent à réconforter la thèse que la dissolution de l’Assemblée régionale pourrait intervenir en moins d’un mois, avec la possibilité d’une dernière séance ouvrant la voie à une intervention solennelle du père de l’autonomie, Serge Clair, à la mi-septembre. Du côté des fonctionnaires, notamment des membres de la force policière, les demandes de congé en cette fin d’année pourraient sauter dans l’éventualité de ce scrutin bien avant le mois de décembre.
De son côté, le gouvernement regional, dirigé par l’OPR, appuie sur l’accélérateur pour terminer des travaux en cours dans l’île, dont l’aménagement de Track Roads, de drains, mais aussi la construction de routes et l’organisation de l’Open de Rodrigues et autres. Un autre indicateur révélateur est l’octroi des baux, en phase finale avant l’annonce des dates du Nomination Day et du scrutin.
Sur le terrain politique, des recoupements d’informations indiquent que Serge Clair aurait rencontré le Premier ministre à la fin de sa convalescence. Il va de soi que les deux leaders politiques ont passé en revue la situation à Rodrigues avec, en point de mire, les élections régionales. Buisson Léopold, secrétaire de l’OPR, également député de Rodrigues, est à Maurice depuis plusieurs mois. Il rappelle que la dissolution de l’Assemblée régionale est une prérogative du Premier ministre, qui conseille au président de la République d’émettre le Writ of Elections. « Nous sommes dans la dernière ligne droite. L’Assemblée régionale de Rodrigues peut être dissoute à n’importe quel moment entre septembre et février. Pour la date des élections, il faudra prendre plusieurs éléments en considération », concède Buisson Léopold, qui évite d’aborder la rencontre entre Serge Clair et Pravind Jugnauth.
Dans les rangs de l’opposition à Rodrigues, l’objectif est d’éviter d’être pris par surprise par la publication de la date du scrutin, la campagne s’échelonnant sur une assez courte période, pour éviter une trop grande mobilisation. Covid-19 oblige ! De ce fait, le Minority Leader et leader de L’Union du Peuple de Rodrigues, Franceau Grancourt, et ses plus proches collaborateurs multiplient les sorties et les contacts sur le terrain, de même qu’une exploitation totale des réseaux sociaux en vue de déstabiliser le principal adversaire politique, l’OPR.
« Nous nous préparons pour apporter du changement à la tête de Rodrigues. Il y a des réunions de mobilisation et d’explication. Nous allons accentuer le rythme de travail au fur et à mesure que l’échéance se précise », déclare Franceau Grandcourt, qui se dit confiant d’une réunification des forces de l’opposition. « Les prochaines élections régionales devront être en faveur de l’opposition. Les statistiques des dernières élections régionales démontrent que tous les partis de l’opposition représentent une majorité supérieure au gouvernement régional », trouve-t-il.
Du côté du Front Patriotique de Rodrigues, Johnson Roussety a déjà signifié son intention de s’aligner aux côtés du FPR. Malgré sa présence hebdomadaire sur le réseau Facebook, dénonçant des problèmes d’actualité, son absence physique fait gravement défaut. Il se trouve bloqué en Australie pour des études et compte regagner Rodrigues à temps pour faire acte de candidature aux régionales. « La campagne a déjà commencé pour nous. Nos membres sont actifs à Rodrigues », fait-on comprendre dans l’entourage de Johnson Roussety.
Le PMSD, se basant sur sa performance à Rodrigues aux dernières élections législatives, affiche une attitude sereine en vue du prochain scrutin régional. La possibilité d’une entente au sein de l’opposition face à l’OPR ne devrait pas rencontrer d’obstacle vers cette concrétisation.
Mais ce projet de réunification des forces de l’opposition trouve un os dur sur sa route. Le leader du Mouvement Rodriguais, Nicolas Von Mally, sera en effet difficile à convaincre. Ce dernier préfère parler d’une nouvelle équipe avec du sang neuf au sein du MR. « Bon travay pran letan. Me bandi de swit », laisse-t-il entendre à ce sujet. Il déclare avoir été trahi et que « cette trahison a encore un goût amer dans ma bouche ».
Nicolas Von Mally croit en une relance du MR et une consolidation de la base de ce parti. Dans son analyse de la situation, il place sa confiance dans la nouvelle génération. « Au sein de l’OPR, il y a une guerre de leadership et, de son côté, le MR sera toujours le MR. L’OPR ne fait que favoriser ses partisans au détriment de l’ensemble des Rodiguais », dira-t-il, en s’attaquant à la méthode de Serge Clair, privilégiant de petits projets de nature sociale au détriment de projets d’envergure sur le plan économique, dit-il.
« Oui à la réunification des Rodriguais, mais non à une réunification de l’opposition ! » s’appesantit Nicolas Von Mally, qui ne manquera pas de commenter le scandale de pédophilie ébranlant Rodrigues. « C’est une affaire triste, que je condamne sans réserve. Le gouvernement régional a sa part de responsabilité dans la détérioration au niveau des mœurs à Rodrigues. Mes informations sont qu’un policier avait déjà parlé de ces problèmes à une commissaire depuis plusieurs années », fait-il comprendre, tout en réitérant qu’il met une croix sur toute invitation à se retrouver sur la même plateforme politique que les membres de l’UPR.
Dans le camp de l’OPR, le retour de Serge Clair donnera lieu à une série de rencontres et de consultations avec le dossier de la succession au leader du parti en toile de fond. La prochaine séance de l’Assemblée régionale, du 13 septembre, sera suivie avec attention, alors que le parti mise sur le caractère « soudé » de son électorat. « Mais plusieurs paramètres peuvent jouer contre l’OPR notamment, comme le problème de distribution d’eau, les Rodriguais bloqués à Maurice, le Backlash du scandale de pédophilie, la pandémie et, surtout, les commissaires en place, susceptibles de ne pas bénéficier de l’investiture du parti pour les prochaines élections régionales », confient des observateurs avertis de l’échiquier politique à Rodrigues.
En ce qui concerne les candidats à ce prochain scrutin, l’OPR se prépare à une opération de nettoyage, avec le nom de la fille du chef commissaire cité avec persistance pour le Ward No 6, où Serge Clair avait été élu en 2002, après sa défaite dans le Ward 1 (La Ferme) face à Gaëtan Jabeemeessur, ancien chef commissaire des rangs du MR. La question qui se pose est de savoir si l’OPR New Look, avec un leadership rajeuni, saura rallier sa base face à une opposition en ordre dispersé, mais convaincue de pouvoir renverser la vapeur.
« Nous constatons que l’électorat rodriguais change. Auparavant, le travail social était très présent et se greffait sur l’élément religieux. Avec le déclin du travail social à Rodrigues, la situation ne sera pas aussi favorable pour l’OPR. Il faut aussi reconnaître que le processus de rodriganisation des institutions et l’autonomie sont menacés avec l’arrivée d’institutions contrôlées par Maurice, comme l’Economic Development Board (EDB), Airport of Rodrigues, la technopole ou encore la Financial Services Commission (FSC). Il y a également des démarches de Rodriguais pour des lopins de terre prenant une éternité. Toutes ces préoccupations pourraient se retrouver au coeur de cette courte campagne électorale à venir », indique-t-on, en attendant la dissolution à venir de l’Assemblée régionale de Rodrigues.

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