Assemblée nationale : Le Speaker et le Premier ministre affichent la nervosité

Sooroojdev Phokeer expulse Patrice Armance après l’avoir interpellé par un « hey »

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Plus tôt, il s’était permis de tutoyer le leader du MMM, qui lui a suggéré d’avoir « inpe manier »

XLD assomme Pravind Jugnauth avec une liste impressionnante de dépenses extravagantes totalisant Rs 60 milliards

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Si dans la rue c’est le peuple qui gronde, à l’Assemblée nationale, ce sont les “contrôleurs” de la chambre qui affichent la nervosité. Pour commencer, il y a celui qui est censé être le modérateur et l’arbitre qui prévient les dérapages qui est le Speaker. Or, il est le premier à organiser la crispation des débats avec ses remarques intempestives. Avant de procéder à la l’expulsion du député du PMSD Patrice Armance, il avait plus tôt croisé le fer avec Paul Bérenger sur un ton des plus méprisables. À la séance de mardi dernier, le Premier ministre aussi a montré son impatience devant les coups de boutoir du leader de l’opposition.

C’est pendant les échanges sur la Private Notice Question du leader de l’opposition invitant le Premier ministre à indiquer quelqles mesures il envisage de prendre pour satisfaire les doléances de la population que le Speaker, qui avait un peu calmé ses ardeurs depuis la rentrée du 29 mars dernier, a commencé à faire des interventions tapageuses. Xavier Duval repoussait Pravind Jugnauth dans ses derniers retranchements et lançait un « ha ha ha » après qu’il eut répondu que le projet Côte d’Or était antérieur à l’éclatement de la pandémie de Covid lorsque le Speaker lui a lancé que son « ricanement était mal élevé ». Le leader de l’opposition a continué à se moquer des arguments du Premier ministre, au grand dam du Speaker.

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« Tansion twa » lui alors lancé Sooroojdev Phokeer, comme si on était dans une cour de récréation ou dans une taverne d’un autre siècle. Le tutoiement au Parlement n’étant pas admis et le ton employé par le Speaker ont provoqué la réaction suivante du leader du MMM : « Ena inpe manier ! »

Cette invitation tout à fait justifiée de revenir à un peu de décorum a fait sortir le président de séance de ses gonds, qui a réagi en tutoyant Paul Bérenger en lui adressant ses remarques « twa ki bizin ena manier ! Twa ki bizin ena manier ! You should show manners, you do not have the floor ! » La séquence était tellement surréaliste et grotesque que l’opposition a préféré ne pas réagir.

Pour Sooroojdev Phokeer, ce n’était que partie remise. Lors des débats sur le National Flag, Arms of Mauritius, National Anthem and Other National Symbols of Mauritius Bill et alors que c’était Avinash Teeluck qui était à la tribune devant un hémicycle clairsemé et que le ministre se permettait de commenter la teneur de la PNQ posée plus tôt, le Whip de l’opposition, Patrice Armance, devait réagir et déplorer que le Speaker l’autorise à s’aventurer au-delà du sujet à débat.

Non content de ces remarques, le Speaker devait l’interpeller en ces termes : « Hey, what is happening to you there ? » Il devait considérablement hausser le ton vis-à-vis du député du PMSD et, contre toute attente, il devait lui ordonner à quitter l’hémicycle. Et alors que Patrice Armance réunissait ses affaires pour partir, Sooroojdev Phokeer devait le menacer d’une suspension s’il ne se retirait pas sur-le-champ. Le Whip de l’opposition s’est retiré non sans avoir maugréé. Le projet débattu inscrit au nom du Premier ministre vise à sanctionner tous ceux qui porteraient atteinte au drapeau mauricien, aux armoiries, à l’hymne national et autres symboles de la République de Maurice et qu’ils seront désormais passibles d’amendes lourdes et de peines d’emprisonnement.

Il y a aussi eu du grabuge pendant l’intervention de la ministre Kalpana Koonjoo-Shah. Après un accrochage avec Arvin Boolell sur le terme « colonial » utilisé à l’encontre de Paul Bérenger, elle a accusé l’opposition d’être antipatriotique et d’avoir été derrière les récentes manifestations. Ce qui n’a pas été au goût de l’élu du PTr Arvin Boolell, qui a invité le Speaker à la rappeler à l’ordre étant donné qu’elle imputait des intentions malveillantes à l’opposition. Il a été rejoint dans ses protestations par son collègue du MMM Aadil Ameer Meea.

C’est après un long échange stérile avec le député que Sooroojdev Phokeer a fini par enjoindre la ministre des Droits de la Femme à « talk on the Bill ». Mais Aadil Ameer Meea ne va pas lâcher l’affaire et insistera sur les accusations infondées de Kalpana Koonjoo-Shah mais, comme il fallait s’y attendre, le Speaker va noyer le poisson et parler de « kado » que ne se font pas et le gouvernement et l’opposition, confirmant ainsi que le Parlement a été transformé en caisse de savon.

Profitant de ce blanc-seing octroyé par la présidence, le Premier ministre devait profiter de son summing-up pour régler ses comptes avec Shakeel Mohamed, qui avait opiné que les délits visant la manière de chanter ou de jouer l’hymne national avaient un caractère abusif.

Tout en affirmant ne pas vouloir lui donner la réplique, Pravind Jugnauth a quand même utilisé son temps de parole pour le critiquer. Il a ainsi rappelé les propos que le député du PTr avait tenus lors de la campagne électorale de 2019 « the rubbish he has been saying about Bakr Eid… the communal campaign that has been going on by him in the constituency ».

Le Premier ministre a aussi ajouté que « in fact, time has proved that what he was saying was just for politics and trying to gain political mileage and gain votes, making all sorts of allegations ». Le National Flag, Arms of Mauritius, National Anthem and Other National Symbols of Mauritius Bill a finalement été voté avec des amendments.

La PNQ a, elle, occasionné de vifs échanges. Venu avec l’intention d’embarrasser Pravind Jugnauth, Xavier Duval n’a pas fait dans la dentelle avec le sujet de brûlante actualité des émeutes de la semaine dernière et les mesures à prendre pour contenir l’exaspération populaire.

Il a, par exemple, égrené la liste de projets considérés comme extravagants entrepris par le gouvernement depuis 2014, Rs 20 milliards pour renflouer la British American Investment après son démantèlement, Rs 23 milliards pour pallier la mauvaise gestion d’Air Mauritius, Rs 11 milliards pour Safe City, Rs 6 milliards de compensations à Betamax après la résiliation de son contrat, Rs 5 milliards englouties à Côte d’Or, Rs 500 millions prévus pour le projet de e-passport, Rs 400 millions pour la publicité de Liverpool, Rs 318 millions gaspillées au Waterpark et désigné comme le Splashgate, Rs 234 millions prévues pour la rénovation de la State House et les Rs 70 millions jetées sur le Molnupiravir.

Le chef du gouvernement a, tant bien que mal, essayé de défendre son bilan social et surtout l’augmentation de la pension de vieillesse, mais il a été stoppé net dans son élan par leader de l’opposition, qui lui a rappelé que « the 2014 manifesto was written by Nando Bodha and myself, he did not even care about the pension increase… it was us who did it… I know it hurts », ce qui a eu pour effet de couper court aux « tap latap » sporadiques.

Au Prime Minister’s Question Time, plus de question unique pour Pravind Jugnauth. Il semble vouloir adopter le tarif indiqué par son adjoint Steve Obeegadoo la semaine dernière puisqu’il a répondu à deux questions. Normalement, ce n’est qu’une seule et unique question.

Sur la première inscrite au nom de la députée du PTr, Stéphanie Anquetil, il a confirmé que la journaliste Manisha Jooty a été suspendue de ses fonctions et qu’elle doit comparaître devant un comité disciplinaire. C’est à une question supplémentaire de Ritesh Ramful qu’il a dû admettre que c’est suivant une complainte formulée par le député du MSM Kenny Dhunoo que la journaliste a été sanctionnée.

Pravind Jugnauth a refusé de révéler les charges retenues contre elle comme l’invitait à le faire Arianne Navarre-Marie et n’a pas voulu commenter l’affaire, mais il a quand même repoussé l’accusation de Stéphanie Anquetil selon laquelle ce serait un cas de harcèlement contre une femme.

La députée du PTr, décidément d’attaque ce mardi, va s’en prendre à la ministre Kalpana Koonjoo-Shah sur le thème des escapades à Dubaï. Répondant à une question de la députée, la ministre a longuement justifié son déplacement pour participer à la conférence des femmes entrepreneurs à Dubaï. La députée, non satisfaite des explications ministérielles et qu’aucune femme entrepreneur n’ait été de la partie, a lancé, outrée, « un per diem de Rs 131 516 pour deux jours à Dubaï, franchement scandaleux ! Amize mem ! » Un coup de semonce qui a laissé sans voix et la ministre et le “goalkeeper” Sooroojdev Phokeer.

L’utilisation des Citizens Advice Bureaux était également sur la table après les incidents de Plaine Magnien lorsque les ministres Bobby Hurreeram et Stephan Toussaint et le député Kavi Doolub avaient été malmenés par les représentants du conseil de district et les habitants de la localité.

Répondant à une question supplémentaire de Rajesh Bhagwan, le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, a indiqué que, lorsqu’il y a des urgences, les bureaux du CAB sont exceptionnellement ouverts. Il a précisé que, dans ce cas, cette réunion avait été organisée pour se pencher sur le problème des inondations. La question originale sur les restrictions sanitaires venait de Richard Duval.

À l’ajournement des travaux, de nombreuses interventions comme d’habitude. L’on retiendra que, suivant une demande de précisions de la part du député du MMM Franco Quirin, le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, a annoncé que les soins requis par le blessé par balle policière à Cité Barkly Jean François Gowin tant à Maurice et, si besoin, à l’étranger, seront assurés par le gouvernement.

Et pour terminer la séance sur une bonne note, le député du PMSD Kushal Lobine, pas franchement un habitué des vannes parlementaires, a adressé une question au ministre Bobby Hurreeram en tant que « Bahubali » tel qu’il avait été décrit par son collègue Kenny Dhunoo. Ce qui n’a pas manqué de provoquer quelques ricanements. Bahubali est une personnalité de légende à la limite de l’invincibilité.

 

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