Le MSM a misé gros en organisant des meetings dans les quatre coins de l’île qui ont débuté à Triolet le 12 août et pris fin vendredi dernier à Saint-Pierre. Sur la forme, c’est une démonstration de force réussie, même si les mauvaises langues préfèrent relativiser en évoquant les gros moyens financiers déployés par le Sun Trust pour attirer la foule.
Revigoré, avec des paroles crues, parfois belliqueuses et déplacées, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, n’a pas baissé d’un iota ses attaques contre Navin Ramgoolam et Sherry Singh, qu’il a affublés des sobriquets de « Macarena » et de « Maharajah » respectivement à chaque sortie. Revenant à la charge vendredi sur le dossier de Richmont Capital Ltd, le chef de l’État a enchainé avec une série de questions adressées à Sherry Singh autour des comptes bancaires que lui et son épouse possèderaient à l’étranger. Il n’a pas pipé mot, en revanche, sur l’affaire d’agression impliquant le député Dhunoo et celle de la « lettre anonyme » émanant du PMO.
Dans des salles ou sous des chapiteaux avec de longues tables, sur lesquelles se sont empilés take-away, bouteilles d’eau et banderoles à être distribués aux partisans, les apparatchiks et agents orange ont mis les petits plats dans les grands, ne lésinant pas sur les moyens logistiques et financiers pour être à la hauteur de cette série de meetings marquant le 40e anniversaire de la création du parti. L’heure à laquelle ont démarré ces meetings a aussi fait l’objet d’une savante détermination.
Suffisamment tôt pour avoir terminé avant que les partisans ne choisissent de rentrer chez eux. Hormis les mascottes absurdes déambulant sur l’estrade sous les yeux médusés du public, ce fut une campagne savamment orchestrée, de nature à convaincre les sceptiques sur la capacité du parti soleil à mobiliser ses troupes malgré la ribambelle de scandales qui l’ébranlent. Après avoir évalué sa popularité aux yeux de la population rurale à Triolet, Grand-Bois Rivière-du-Rempart, Flacq et à Mahébourg, le parti soleil entendait passer ses ambitions au révélateur auprès des citadins en prévision des futures échéances électorales.
Après avoir réuni ses troupes au Lake Point à Curepipe, le 19 août, Pravind Jugnauth, flanqué de ses alliés Ivan Collendavelloo (ML), Alan Ganoo (MPM) et Steven Obeegadoo (PM), a donné rendez-vous, lundi, à ses partisans des circonscriptions N°18 (Belle-Rose/Quatre-Bornes), N°19 (Stanley/Rose-Hill) et N°20 (Beau-Bassin/Petite-Rivière) au Plaza. Un congrès qui a fait l’objet sur la toile de bien des commentaires de la part des habitants des villes-sœurs sur l’assistance présente. Le discours du leader du ML était aussi très attendu compte tenu de l’affaire de la « lettre anonyme émanant du PMO », même s’il avait déjà annoncé la couleur dans les colonnes de Week-End la veille. « ML li dan Lalians Morisien omwin ziska prosenn eleksion ek li na pa pou fer nanrie pou destabiliz gouvernma. Enn dimounn in ekrir enn let anonim lor enn madam ki ti pe okip enn gran fonksion. Be mwa ki mo ena pou fer ladan ? Boufon lor boufon. Bérenger ek Ramgoolam dir mo bizin demisione. Pa zot ki pou dir mwa kan bizin koze », a fait ressortir Ivan Collendavelloo.
Pravind Jugnauth a également tiré à boulets rouges sur le leader du MMM en soutenant que « Bérenger est en train d’assassiner la mémoire d’Hazor Adélaïde en s’associant au PMSD. » À l’endroit de Navin Ramgoolam qu’il a taxé de « Macarena Boy », le Premier ministre juge « déplorable » que ce dernier ait tenu des propos pour soutenir Akil Bissessur, suspecté d’être impliqué dans un trafic de drogue. Si le Premier ministre a la dent dure contre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, c’est un véritable réquisitoire qu’il a livré mardi à Nouvelle-France contre l’ex-CEO de Mauritius Telecom (MT) Sherry Sigh auquel il a demandé sur le ton de l’ironie : « Maharajah, est-ce que vous connaissez la compagnie Richmont Capital Ltd qui a été fondée en 2009 et son chiffre d’affaire jusqu’à 2015 ? Qui en est le CEO, le directeur et l’actionnaire ? Tout ce que je peux vous dire, c’est que cette compagnie appartient à l’épouse de Sherry Singh ! » Le chef de l’État ne va plus ménager son ancien ami jusqu’au congrès de Saint-Pierre, en témoigne le propos qu’il a tenu mercredi à Sainte-Croix : « Mes interpellations adressées à Maharajah sur la compagnie Richmont Capital Ltd ne sont rien en comparaison aux autres points que je compte avancer dans les prochains jours. »
« Kot inn gagn kas pou aste batima mo bofrer ? »
Le PM devait en rajouter une couche par le biais d’une nouvelle interpellation : « Kot Richmont Capital inn gagn kas pou aste batima mo bofrer ? » Sherry Singh avait donné la réplique au Premier ministre la veille en indiquant que « Kobita Jugnauth avait vendu un bâtiment situé à Rose-Hill à cette compagnie. » Pravind Jugnauth a accentué la pression, jeudi, au centre Idrice Goomanee à Plainte-Verte, sur les liens d’affaires de l’ex-CEO de MT en l’interpellant au sujet de transactions datées de 2017 entre la société d’investissement International Distribution Ltd et la société de métallurgie de l’océan Indien et la compagnie Richmont Capital : « Dir nou sa trwa kompani-la komie kas inn pey Richmont Capital an 2017. Dir nou pou kifer inn pey sa kas-la e kot li sorti ! » La série de meetings a pris fin en apothéose vendredi à la gare de Saint-Pierre, où près d’un millier de sympathisants se sont déplacés pour suivre le discours de leurs trois députés Yogida Sawmynaden, Leela Devi Dookun-Luchoomun et Pravind Jugnauth, même si l’accueil a été beaucoup chaleureux pour le premier nommé, qui était le maître de cérémonie.
Après avoir épilogué sur la genèse de la création du MSM, le PM a centré son discours sur le bilan de Navin Ramgoolam et de son allié Xavier Duval à la tête du pays qu’il a qualifié de « désastreux », avant de soulever les affaires de mœurs impliquant, selon lui, son prédécesseur : « Nou tou konn zistwar Macarena dan Albion kot zenn tifi ti pe vinn fer interview pou gagn travay. Apre zistwar vendez kotomili ki ti vinn miliarder. Mo espere zot pa refer sa erer remet sa kalite dimounn ki pena respe pou fam-la o pouvwar. » Pravind Jugnauth est revenu à la charge sur le dossier de Richmont Capital Ltd en soutenant que « les trois compagnies ont chacune effectué un paiement à la société de l’épouse du Maharajah. »
Il s’est interrogé sur « les services rendus et si l’argent a été déclaré », avant de conclure sur une salve de questions supplémentaires : « Le Maharaj ou Maharani possèdent-ils un compte bancaire à l’étranger ? Ont-ils quelconque entité enregistrée à l’étranger et si oui, dans combien d’entités et si elles aussi possèdent un compte à l’étranger ? Finalman komie kont ena papa ? » Et que serait cette série de meetings sans une diatribe du PM contre la presse qu’il accuse d’être à la botte de l’opposition : « Ena lagazett ekrir BLD, apre zot dir mwa ki vilger ! »