De retour sur la scène publique après six mois de mutisme, l’ancien Premier ministre et leader du MSM, Pravind Jugnauth, a vivement critiqué le nouvel accord signé entre Maurice et le Royaume-Uni sur l’archipel des Chagos. Lors d’une conférence de presse au Sun Trust Building, il a dénoncé ce qu’il qualifie de « perte de souveraineté déguisée » et a affirmé que jamais il n’aurait signé un tel accord s’il était encore au pouvoir. Dans un communiqué émis, l’Attorney General, Gavin Glover, a donné la réplique à l’ex-Premier ministre en l’accusant de faire preuve de mauvaise foi sur la question de la souveraineté.
L’ex-chef du gouvernement reproche à l’actuelle administration d’avoir détricoté les avancées obtenues sous son mandat. Il soutient que le nouveau traité compromet la souveraineté effective de Maurice, notamment en accordant au Royaume-Uni un droit de regard — voire de veto — sur toute initiative de développement sur l’ensemble de l’archipel, à l’exception de Diego Garcia.
« Un deal » jugé par le MSM de désavantageux pour Maurice
« Même pour poser un poteau à Peros Banhos ou Salomon, il faudra l’autorisation des Anglais », a-t-il lancé, visiblement affecté. « Mo leker segne pou bann frer ek ser Sagosien ki anvi retourn lor zot later natal. » Il insiste également sur des clauses financières jugées moins avantageuses : selon lui, le précédent accord prévoyait un fonds de 2 milliards de dollars pour les infrastructures, ainsi qu’un paiement annuel indexé sur l’inflation dès la 11e année. À l’inverse, dit-il, le nouvel accord repousse cet ajustement à la 14e année et réduit la durée d’engagement du cycle financier de 35 à 25 ans.
L’un des points les plus controversés, selon Pravind Jugnauth, réside dans le mécanisme de décision institué par l’accord du 22 mai : toute divergence d’interprétation sera désormais tranchée par une Joint Commission composée de représentants mauriciens, britanniques et américains. Pour le MSM, cela équivaut à une dilution de la souveraineté mauricienne, car Maurice perdrait son pouvoir décisionnel final sur des projets liés à l’archipel.
La riposte de l’Attorney General : « Mauvaise foi » et clarification juridique
Le gouvernement n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué, l’Attorney General, Gavin Glover, qui a piloté les négociations pour le compte de l’Alliance du Changement, a fermement réfuté les allégations de l’ancien Premier ministre. Il affirme que le traité signé garantit expressément la souveraineté de Maurice sur toutes les îles des Chagos (article 1), tout en assurant le droit de retour des Chagossiens, hors Diego Garcia (article 6).
« Toute suggestion selon laquelle la souveraineté serait incomplète ou le droit de retour menacé relève d’une interprétation de mauvaise foi », a-t-il tranché. Il justifie les clauses sécuritaires par les engagements internationaux de Maurice et les impératifs liés à la présence militaire anglo-américaine.
Le MSM maintient la pression : « La population a droit à la vérité »
En réponse, le MSM a diffusé un communiqué listant plusieurs zones d’ombre non élucidées selon lui par l’Attorney General. Le parti réclame des réponses précises sur :
•Le droit de veto britannique sur les autres îles ;
•Le rôle réel de la Joint Commission (consultatif ou décisionnel ?) ;
•La perte du pouvoir final de décision lors d’une security review.
Pour le MSM, la question de la souveraineté reste au cœur de l’enjeu et le gouvernement tente, selon lui, de « noyer le poisson ». Le parti affirme que le peuple mauricien mérite des réponses claires et un débat national sur l’avenir de l’archipel.
Un débat relancé six mois seulement après les dernières législatives
Six mois après les élections générales qui avaient vu une déroute de Pravind Jugnauth et de son parti, cette controverse relance un enjeu historique et symbolique pour Maurice. Si le traité signé le 22 mai est présenté par le gouvernement comme un aboutissement diplomatique, l’opposition y voit un recul masqué derrière des formulations diplomatiques. Le débat autour des Chagos — et de ce qu’est une souveraineté réelle — est loin d’être clos.
Cap sur les Chagos
Au lendemain de la signature du traité de souveraineté sur les Chagos, le Premier ministre Navin Ramgoolam a présidé une première réunion préparatoire en vue d’un déplacement officiel vers l’archipel. Paul Bérenger, Gavin Glover et Olivier Bancoult étaient présents. « Nous devons définir la composition de la délégation, les moyens de transport et les modalités du voyage », a déclaré le chef du gouvernement. Olivier Bancoult a salué « un moment historique, attendu avec impatience par les Chagossiens ».
Dans l’opposition, le PMSD exhorte le gouvernement à rendre public l’accord initial entériné sous l’ancien régime. Selon le porte-parole Olivier Barbe, « les Mauriciens doivent se faire leur propre opinion ». Il interroge aussi les pouvoirs réels de la Joint Commission en cas de blocage et rappelle que Sir Gaëtan Duval militait dès les années 70 pour l’embauche des Chagossiens à Diego Garcia.
Nando Bodha, de son côté, fustige l’opacité du traité. Il réclame son dépôt à l’Assemblée et alerte sur les zones d’ombre : exercice des droits sur Diego Garcia, droit au retour des exilés et gestion de la ligne de crédit britannique de £45 millions. « Ce n’est pas un simple accord bilatéral mais un enjeu de vérité, de justice et de souveraineté », conclut-il.